Comment expliquer la violence ?

Ceci est le corrigé complet fait par l'élève.

Dernière mise à jour : 16/03/2021 • Proposé par: killers-13 (élève)

Lorsqu'on s'interroge sur la violence, on ne peut pas ne pas se demander quelles en sont les causes. Il y a alors deux solutions : soit les hommes sont violents par nature, soit ils le sont à cause de la vie sociale. Mais peut-on vraiment déterminer où la violence est née ?
Tout comme l’animal, l'homme est doté d'instincts par lesquels il se conserve et se perpétue. Nous pouvons donc dire que l’homme, par nature, est disposé à être violent si quelque chose venait porter atteinte à sa condition de vie.
Certes l’homme est disposé à être violent en cas de « danger » mais doit-on dire que l’homme est violent par nature et non à cause de la vie sociale ? Cette dernière n’aiderait-elle pas cette violence à se développer ? En effet ses instincts le disposent aussi à une violence qui va bien au-delà de ce qu'exige sa survie. Il ne semble pas possible de rendre compte de la violence seulement en terme d'utilité par rapport à la survie : bien des violences peuvent sembler tout à fait gratuites de ce point de vue.

Freud dans Malaise dans la civilisation nous dresse un portrait de l’homme : "L'homme n'est point cet être débonnaire, au cœur assoiffé d'amour, dont on dit qu'il se défend quand on l'attaque, mais un être, au contraire, qui doit compter au nombre de ces données instinctives une bonne somme d'agressivité. […] L'homme est, en effet, tenté de satisfaire son besoin d'agression aux dépends de son prochain, d'exploiter son travail sans dédommagement, de l'utiliser sexuellement sans son consentement, de s'approprier ses biens, de l'humilier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer." La violence dont l'homme est capable ne se limite pas à celle, provoquée par les circonstances, de la légitime défense, elle est aussi le mode de satisfaction d'une pulsion, d'un désir qui ne doit rien aux circonstances et qui tient à notre nature.

Du coup, on peut comprendre que les violences qui paraissent dues aux circonstances, à la vie sociale, par exemple celles lors de compétition, sont en réalité l'expression d'une agressivité naturelle qui trouve dans la compétition l'occasion de se manifester. Si les hommes se battent pour détruire, faire mal, tuer, pour accaparer des ressources naturelles, des richesses ou des honneurs, c'est non seulement pour vivre ou en tirer avantage mais aussi pour priver les autres de ce qui leur est pris. Ce qui rejoint la thèse développée par Hobbes : si dans la vie sociale, "L'homme est un loup pour l'homme.", c'est parce que chaque homme est en conflit avec tous les autres d'une part par nécessité, afin d'assurer sa conservation, mais d'autre part aussi du fait de passions naturelles qui l'incitent à les violenter et à jouir de certains avantages à leurs dépends. En somme donc, si l'homme est violent, c'est par nature qu'il l'est.

La thèse de la violence par nature a une explication, c'est le cas chez Freud, et une justification, c'est le cas chez Hobbes, de l'organisation de la vie sociale et en particulier de la rigueur des restrictions qu'elle impose à tous. Puisque l'homme constitue par son agressivité naturelle un danger pour ses semblables, il est sage que la vie sociale y mette bon ordre par des lois et le recours à la force publique. Autrement dit, cette thèse de la naturalité de la violence est solidaire de celle selon laquelle l'organisation sociale et politique a pour fonction essentielle de pacifier la vie sociale, parce que si elle était abandonnée à elle-même, elle serait un champ de bataille permanent.
A l'agressivité naturelle des individus doit répondre une sanction donnée par la société.
Or, l'organisation sociale peut avoir d'autres fins que celle d'établir la paix, on peut se demander si cette relation entre la violence individuelle et sa répression sociale ne devrait pas être renversée. A savoir : la violence des individus, qu'on attribue à l'agressivité naturelle, ne doit-elle pas plutôt être mise au compte de l'organisation sociale et politique, précisément parce qu'elle serait en réalité loin de permettre simplement d’étouffer la violence naturelle ? Mais dans ce cas, l'homme ne serait pas violent par nature, mais à cause de la vie sociale.
Si on doit admettre que toutes les sociétés se dotent des moyens de contenir la violence des individus alors le problème de la violence n'en serait plus un. Cependant toutes les sociétés ne se ressemblent pas et n'ont pas toutes les même règles, les mêmes lois. Chaque sociétés déterminent donc chacune à sa manière les rapports entre les individus et entre les individus et les choses. Si toutes les formes sociales qui en découlent s'occupent à leur façon de contenir la violence des hommes, il y a un grand nombre de celles-ci qui tolèrent des actes que d'autres réprimandent fortement. Dès lors il apparait une source de mécontentement, et donc de violence de la part des individus qui n'auront pas certains droits face à d'autres qui les ont et vice versa. Cette injustice va être la cause de violence.
On entend donc par là que la vie sociale ne va pas être organisée pour contenir la violence naturelle des individus maius celle due à l'agressivité provoquée par ces injustices.

Mais faire de l'injustice la cause de la violence pourrait dissimuler une cause beaucoup plus générale: la vie sociale elle-même. C'est précisément ce que soutient Rousseau, dans le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Selon lui, la vie sociale, parce qu'on s'y compare, met en évidence et amplifie des inégalités naturelles qui suscitent dès lors la vanité et le mépris chez les plus doués et la honte et l'envie chez les autres. Autant de sentiments qui peuvent conduire à la violence. En outre, dès lors qu'on reconnaît le droit de propriété, des inégalités de richesse apparaissent, ce qui provoque des relations de domination ainsi que des violences entre des pauvres qui n'ont rien à perdre et des riches qui veulent accroître leur fortune. C'est donc du côté de la vie sociale qu'il faut trouver les causes de la violence humaine et non du côté de la nature humaine.
C'est d'ailleurs pourquoi, tandis que Rousseau dénonce les inégalités dans la naissance de conduites violentes, il innocente la nature humaine. Selon lui, l'homme est bon par nature. Pour lui l'homme, avant toute vie sociale, vit dans l'ignorance du bien et du mal, l'absence de passion et de malice. Par nature, les actions de l'homme ne sont animées que par deux sentiments : l'amour de soi, à distinguer de l'amour-propre, qui lui fait faire ce qui concoure à sa préservation, et, la pitié, que Rousseau définit comme l'aptitude à se mettre à la place de tout être sensible et qui le dissuade de toute violence. Ainsi, si la vie sociale est à l'origine de la violence, c'est parce qu'elle est la cause d'une corruption de l'homme qui en fait un être animé de passions qui le disposent à rechercher son profit au mépris ou aux dépends des autres.
Ainsi, ce serait du côté de la vie sociale qu'il faudrait situer la cause de la violence. Mais on ne peut pas dire de façon sûre et indiscutable que c’est la vie sociale et rien d’autres qui amène à la violence.
Mais, au juste, qu'en est-il des causes de la violence ? Sont-elles naturelles ou sociales ? Peut-on vraiment choisir entre des thèses qui semblent aussi solides que contradictoires ?
Mais sont-elles aussi solides qu'elles le paraissent ? Ne sont-elles pas sans faiblesses ? En effet, remarquons déjà qu'aucune de ces deux thèses ne semblent capables de rendre compte de certaines violences : celles qui sont commises sans raison valable et qui prétendent à des inégalités imaginaires. De plus, si elles fournissent l'une et l'autre une explication à la violence, elles ont toutes les deux le défaut de ne pas expliquer le passage à l'acte violent. Que l'agressivité dispose à la violence n’implique pas qu'elle y conduise forcément. De même, les injustices qui sont susceptibles de provoquer la violence n'implique pas non plus qu'elles le fassent toujours. Il est possible que l'agressivité naturelle ou les inégalités sociales puissent être les conditions de la violence mais ça n'implique pas qu'elles en soient toujours l'une ou l'autre, les causes directes et effectives.
Dès lors, il ne s’agit plus de savoir si l’homme est violent par nature ou à cause de la vie sociale puisque ces deux explications sont recevables sans qu'on puisse choisir entre elles, il s'agit donc de savoir ce qui déclenche la violence, ce qui fait que l’homme passe à l'acte. Mais on pourra toujours se demander si l’élément déclencheur est naturel à l’homme ou si les causes sociales l’ont amené.
L'agressivité, comme les inégalités, ne peuvent donner lieu à la violence qu'à condition d'avoir l’impression d'être dans son droit et d’accomplir une bonne action. Ce sentiment peut, pour bien des cas, être trompeur, voire complètement contraire à ce qui serait vraiment juste, mais c'est lui qui permet ce passage à l'acte.
Mais comment l’homme peut il se croire en son droit dans ces cas ?
Il n’est possible que ce sentiment naisse que lorsque l’homme pense être supérieur à celui qu’il agresse. Penser avoir le droit d'être violent suppose qu'on se croie meilleur que ceux qu’on attaque ou qu'on s'en croie les victimes. Ici, la violence a pour cause la certitude de valoir plus que les autre


On trouve la cause de la violence dans la manière avec laquelle chacun s'évalue et se situe parmi les autres. On peut doc s’apercevoir que c'est plutôt du côté de la vie sociale et non du côté de la nature humaine que la violence nait.
Après avoir envisagé que la cause de la violence puisse se trouver dans l'agressivité naturelle des hommes puis dans les inégalités et les injustices sociales, il est apparu que ces deux causes n'expliquaient pas tout et ne donnaient pas vraiment d'explication au passage à l'acte violent. Sa véritable cause nous est finalement apparue dans le sentiment d'avoir le droit de se conduire ainsi, sentiment qu'on éprouve lorsqu'on se pense d'une manière ou d'une autre supérieur à ceux qu'on violente. La violence n'a donc pour cause directe ni l'agressivité ni les inégalités et injustices sociales, mais la manière avec laquelle chacun se juge comparativement aux autres.