Science et technique sont-elles toujours légitimes ?

Dissertation entièrement rédigée.

Dernière mise à jour : 15/09/2021 • Proposé par: Luvadea (élève)

Au cours des étapes de l'évolution de l'homme, le stade de l'Homo habilis se caractérise par son habileté à pouvoir utiliser des outils qu'il a lui-même créés afin de pouvoir agir sur son environnement et y évoluer. Il a ainsi appris entre autres, à maîtriser le feu et à se doter des moyens pour l'exploiter, grâce à une représentation mentale de l'action, c'est-à-dire lorsqu'il a commencé à raisonner pour établir une relation de cause à effet en vue de la réalisation d'une fin, le feu.

Au moment où il a alors commencé à raisonner, l'homme a ainsi commencé à constituer sa propre humanité. En effet, par l'élaboration de techniques telle que la maîtrise du feu, il s'est progressivement émancipé de la soumission à la nature, si bien qu'il n'est pas la nature, comme les animaux, mais dans la nature. Une telle prise de recul lui a ainsi permis de réaliser l'existence du monde extérieur réel en prenant conscience qu'il était dans ce monde qu'il s'efforce de comprendre et de connaître à travers la science. Cet effort continu au fil de l'évolution de l'homme et des siècles tendra à rapprocher l'homme du statut de "maître et possesseur de la nature" comme l'a mis en évidence Descartes.

En effet, selon lui, le progrès des techniques et de la science doit chercher la maîtrise du réel parce que l'homme s'oriente vers un bien, attitude scientiste qui assure une légitimité totale au progrès technique. Pourtant, quatre siècles plus tard, les techniques actuelles ont acquis une puissance qui les a rendues capables de détruire toute forme de vie. On semble bien loin de l'idéal de Descartes, la tendance apparaît au contraire inversée. D'où résulte cet état de fait ? Quels rapports entre la science et la technique suggèrent le problème de la légitimité ? Si lorsque la technique vise la science, on peut la légitimer, la relation inverse pose un problème à ce niveau là qu'il convient de résoudre.

I. En quoi peut-on légitimer la technique si elle dépend la science ?

Le sujet amène à s'interroger sur la nature des rapports entre science et technique, et notamment sur la conformité de cette nature par rapport au droit. Si l'on peut définir la science comme l'activité ayant pour but de connaître le réel, et ce en recherchant les lois qui régissent les rapports entre les objets qu'elle considère, elle nécessite donc des moyens : la technique. En effet, la technique rassemble les procédés définis, c'est-à-dire qui ne sont pas soumis au hasard, et transmissibles, destinés à produire certains résultats jugés utiles. Mais quelle est la valeur du jugement qui pose un résultat pour utile ? Puisque la technique vise une fin, il s'agit de savoir si cette dernière est légitime, c'est-à-dire si elle s'aligne sur la morale et le droit. Il existe indéniablement une relation bilatérale entre science et technique qui fait dépendre l'une de l'autre, aussi faut-il définir chacun de ces rapports de dépendance et voir s'ils visent une fin morale, donc légitime.

On a défini préalablement que pour se réaliser, la science a besoin de la technique. En effet, la technique met à la disposition de la science les outils qui lui permettront ses avancés expérimentales. Dans ce cas de figure, lorsque la technique précède la science, la technique suggère la vérification de savoirs empiriquement acquis, c'est-à-dire de passer de l'induction à la déduction, donc de porter un regard logique sur un phénomène de manière à le comprendre. On a ainsi mis au point la machine à vapeur avant même de développer la thermodynamique. Le progrès technique consacre donc le progrès scientifique, de même que ses erreurs soulèvent parfois un problème scientifique qui fera progresser la connaissance, comme dans l'exemple des pompes à vide de Florence suggérant le problème qui mettra en évidence la pression atmosphérique. Lorsque la technique aboutit à la science, on peut donc considérer que sa fin est la connaissance. En ce sens, le sens de cette relation plaçant la science comme dépendante de la technique est légitime, car la poursuite du savoir n'a qu'une valeur intrinsèque.

II. La science amène-t-elle nécessairement des techniques aux fins légitimes ?

La technique a donc une fin utile et légitime quand elle développe la science, mais la science suggère-t-elle nécessairement des techniques aux fins légitimes ?

Si l'on considère la technique comme la mise en œuvre de la science, et donc en la faisant dépendre de la science, on rappelle donc que la technique n'est réalisable que parce que l'on a une connaissance du réel qui nous permet d'élaborer les outils nécessaires aux modifications dont on juge avoir besoin. En effet, dans son effort de mise en ordre du monde sous forme de lois, la science établir les lois qui permettront de prévoir tel ou tel effet. En ce sens, elle permet à la technique de concevoir un moyen pour produire un effet choisi. Le problème alors posé est de savoir si cette fin est légitime ou non, c'est-à-dire si elle s'inscrit dans un but moral. Lorsque l'on connaît les rapports entre la masse d'un corps et énergie, on peut alors se donner les moyens de construire des centrales nucléaires, ou des bombes atomiques. Si la science demeure dans ce cas-là neutre (elle n'est toujours qu'un savoir), elle ne suggère pas non plus l'intention qui orientera la technique à réaliser le moyen qui la concrétisera. La technique n'est que le moyen par rapport à une fin, elle est donc nécessairement soumise à une intention extérieure.

Cette situation pose un problème moral et éthique. Effectivement, si la technique doit réfléchir sur les moyens à mettre en œuvre pour atteindre une fin, elle ne réfléchit pas comme telle sur la valeur des fins. La technique risque ainsi de se mettre au service de fins immorales, que l'on ne peut légitimer, en obéissant à des intérêts d'ordre politique, social, etc... mais certainement pas scientifique. La technique se voit donc capable de manipuler ce qui fait de l'homme un homme par la manipulation des embryons. Jonas voit dans ce phénomène une technique qui ne se contrôle plus et qui au contraire, s'inverse, se transmutant en danger menaçant l'humanité. Et ce, à cause d'un manque d'éthique. Ainsi, parce que la fin de la science est intrinsèque, elle n'impose pas à la technique un cadre moral.

III. Comment éviter que la science se retrouve à la merci des intentions les plus mauvaises ?

La technique mise au dépend de la science se retrouve donc à la merci des intentions les plus mauvaises. Quel comportement alors adopter ?

Puisque la dérive de la technique menace notre essence et notre environnement même, il convient de lui imposer pour lui imposer des fins morales.
La technique ouvre le domaine du possible et tend à dépasser les règles de la légitimité, la rendant apte à peser de sérieuses menaces sur la perpétuation de l'humanité.

Aussi faut-il distinguer ce qui dans le possible est légitime, et ce de telle sorte qu'il en soit une exigence. En effet, le fait de pouvoir ne peut faire le droit, il faut d'abord s'interroger si ce que l'on peut faire est ce que l'on doit faire. Une technique donne certes un moyen mais les ingénieurs et les techniciens sont des hommes capables de juger la valeur de la fin qu'elle vise, et donc d'évaluer si la possibilité que ce moyen offre va dans un sens moral et éthique et donc légitime. Parallèlement, le droit doit prendre en compte l'évolution des faits pour assurer sa propre légitimité car le droit ne peut garder sa valeur qu'un s'adaptant.

Enfin, il en résulte donc la nécessité d'une éthique du respect à fonder. Jonas affirme : "agis de façon à ce que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur Terre". Il énonce donc l'idée de responsabilité concernant l'intégrité d'une vie sur Terre à lier avec une reconsidération des valeurs. En réclament ainsi une éthique, s'impose un contrôle réel, un "pouvoir sur le pouvoir". Des règles éthiques doivent donc encadrer la technique pour que dans son rapport avec la science, elle vise le bien et assure ainsi la légitimité et notre propre sauvegarde?

Conclusion

En s'interrogeant sur les rapports entre science, technique et légitimité, il a donc été question de s'interroger sur la nature des liens entre science et technique, rapports bilatéraux qui suggèrent une attitude problématique face à la légitimité. On a donc vu premièrement que lorsque la science se positionnait en relation de dépendance par rapport à la technique, elle orientait directement celle-ci vers une fin qui vise la connaissance et qui est légitime ; alors qu'à l'inverse, lorsque la science n'est plus l'objet de la technique mais son ascendant, la technique sert alors les besoins de celui capable de les assouvir, sans se préoccuper du bien général. Face à ce problème, on a donc enfin souligné la nécessité d'un encadrement par le droit éthique qui serait capable de conjuguer toujours science et technique vers des fins morales.