« Chant d’automne » appartient à la section « Spleen et Idéal » des Fleurs du Mal et au cycle de poèmes adressés à Marie Daubrun.
Nous montrerons ici comment Baudelaire exprime son angoisse dans cet extrait, en étudiant dans une première partie comment le poème, par le thème du bruit, évoque de manière sinistre l'automne, pour ensuite voir comment l'automne annonce lui-même un hiver atroce.
I. Le bruit, évocation sinistre de l'automne
Tout d’abord, ce texte développe une évocation sinistre de l’automne.
a) Un bruit omniprésent
En effet, le bruit des bûches tombant dans les cours d’immeuble, caractéristique de la saison automnale, est décrit comme un bruit funèbre. On peut déjà remarquer que ce bruit parcourt tout le texte. Le champ lexical du bruit est omniprésent dans le poème : « j’entends » (v.2), « chocs » (v.2), « retentissant » (v.4), « j’écoute » (v.9), « écho plus sourd » (v.10), « coups » (v.12), « choc » (v.13), « bruit » (v.16), « sonne » (v.16). Ce champ lexical, abondant et répétitif, souligne l’aspect continu et monotone de ce bruit, qui envahit l’esprit du poète et devient obsédant, comme l’indique l’adjectif « bercé » (v.13) : le son répétitif des bûches impose son rythme régulier à l’esprit du poète. Le jeu des sonorités renforce cette idée : les allitérations en [t] et [k] aux vers 3-4, 9-10, 11-12, 14 imitent les chocs répétés du bois et les rendent sensibles au lecteur dans leur brutalité. Les effets de rythme contribuent également à rendre expressive cette évocation des bruits : les enjambements des vers 3-4 et 11-12, qui évoquent le son des bûches et son effet sur l’esprit du poète, donnent une impression de continuité, pour montrer que ce bruit est ininterrompu, omniprésent.
b) Un bruit macabre
De plus, ce bruit est d’emblée associé à la mort par l’expression « chocs funèbres » (v.3), et la répétition du verbe « tomber » (v.3 et 9) ; le terme « départ » qui clôt le poème (v.16) peut aussi être analysé comme une litote évoquant la mort. Baudelaire transforme cette scène banale, habituelle à cette période de l’année, en une scène étrange et funèbre, par le jeu des comparaisons : le bruit banal devient « mystérieux » au v.16, et donne naissance à l’image d’un « échafaud » (v.10) ou d’un « cercueil » (v.14), qu’« on bâtit » ou qu’ « on cloue quelque part » : les