Baudelaire, Les Fleurs du mal - Chant d'automne (première partie)

Corrigé fait en classe.

Dernière mise à jour : • Proposé par: Rezar235 (élève)

Texte étudié

Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.

Tout l'hiver va rentrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.

J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe ;
L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.

Il me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
Pour qui ? - C'était hier l'été ; voici l'automne !
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.

Baudelaire, Les Fleurs du mal - Chant d'automne (première partie)

« Chant d’automne » appartient à la section « Spleen et Idéal » des Fleurs du Mal et au cycle de poèmes adressés à Marie Daubrun.

Nous montrerons ici comment Baudelaire exprime son angoisse dans cet extrait, en étudiant dans une première partie comment le poème, par le thème du bruit, évoque de manière sinistre l'automne, pour ensuite voir comment l'automne annonce lui-même un hiver atroce.

I. Le bruit, évocation sinistre de l'automne

Tout d’abord, ce texte développe une évocation sinistre de l’automne.

a) Un bruit omniprésent

En effet, le bruit des bûches tombant dans les cours d’immeuble, caractéristique de la saison automnale, est décrit comme un bruit funèbre. On peut déjà remarquer que ce bruit parcourt tout le texte. Le champ lexical du bruit est omniprésent dans le poème : « j’entends » (v.2), « chocs » (v.2), « retentissant » (v.4), « j’écoute » (v.9), « écho plus sourd » (v.10), « coups » (v.12), « choc » (v.13), « bruit » (v.16), « sonne » (v.16). Ce champ lexical, abondant et répétitif, souligne l’aspect continu et monotone de ce bruit, qui envahit l’esprit du poète et devient obsédant, comme l’indique l’adjectif « bercé » (v.13) : le son répétitif des bûches impose son rythme régulier à l’esprit du poète. Le jeu des sonorités renforce cette idée : les allitérations en [t] et [k] aux vers 3-4, 9-10, 11-12, 14 imitent les chocs répétés du bois et les rendent sensibles au lecteur dans leur brutalité. Les effets de rythme contribuent également à rendre expressive cette évocation des bruits : les enjambements des vers 3-4 et 11-12, qui évoquent le son des bûches et son effet sur l’esprit du poète, donnent une impression de continuité, pour montrer que ce bruit est ininterrompu, omniprésent.

b) Un bruit macabre

De plus, ce bruit est d’emblée associé à la mort par l’expression « chocs funèbres » (v.3), et la répétition du verbe « tomber » (v.3 et 9) ; le terme « départ » qui clôt le poème (v.16) peut aussi être analysé comme une litote évoquant la mort. Baudelaire transforme cette scène banale, habituelle à cette période de l’année, en une scène étrange et funèbre, par le jeu des comparaisons : le bruit banal devient « mystérieux » au v.16, et donne naissance à l’image d’un « échafaud » (v.10) ou d’un « cercueil » (v.14), qu’« on bâtit » ou qu’ « on cloue quelque part » : les

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