Baudelaire, Les Fleurs du mal - Parfum exotique

Corrigé en deux parties, entièrement rédigé.

Dernière mise à jour : 12/01/2022 • Proposé par: charlesb (élève)

Texte étudié

Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone;

Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l'oeil par sa franchise étonne.

Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,

Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.

Baudelaire, Les Fleurs du mal - Parfum exotique

Ce poème appartient aux mouvements du Parnasse et du Symbolisme. Ces deux mouvements évoquent la recherche de la forme esthétique parfaite, et l'utilisation de symboles par le poète pour définir son idéal. Ce poème appartient également à la poésie régulière, car il s'agit d'un sonnet français, écrit en alexandrin, et contenant des rimes embrassées et des rimes croisées. « Parfum exotique », premier poème de la partie Spleen et Idéal, est extrait du recueil Les Fleurs du mal paru en 1857, écrit par Charles Baudelaire.

Ce recueil est au carrefour des courants esthétiques du 19e siècle, car il évoque à la fois le Romantisme, le Parnasse et le Symbolisme. Ce poème dont le thème général est le rêve aurait été inspiré par Jeanne Duval, une femme métisse avec qui il a entretenu une relation et qui lui rappelle les femmes de l'île de la Réunion. Nous consacrerons notre étude à l'évasion spirituelle de Baudelaire, en passant par le rêve, puis par les sens éveillés.

I. L'évasion spirituelle de Baudelaire

Nous présenterons dans cette première partie le rêve de Baudelaire, avec l'atmosphère qui lui permet d'y accéder, puis les différents paysages présents dans ce rêve.

a) Le rêve de Baudelaire

On remarque un cadre propice au rêve avec tout d'abord le moment (« le soir » v1), la période (« automne » v1) qui est une période de nostalgie, et le contexte (« yeux fermés » v1, « chaud » v1), c'est une ambiance chaleureuse, entre l'éveil et l'endormissement. De plus, l'atmosphère est intime, car l'auteur du poème utilise la première et la deuxième personne du singulier (« je » v2, « ton » v2), et il est près de la femme qu'il aime (« je respire l'odeur de ton sein »). L'expression « ton sein chaleureux » du vers 2 peut aussi renvoyer à la mère, créant une atmosphère rassurante. Le rêve de Baudelaire est déclenché par le parfum de sa compagne et le transporte dans un autre monde (« Quand [...] je respire l'odeur de ton sein [...] je vois » v1 à 3), le sens olfactif est donc très important, car c'est lui qui permet l'accès au rêve. Il y a une progression qui substitue la femme au rêve, à l'évasion, avec néanmoins un rappel du rôle de la femme au vers 9 : « Guidé par ton odeur ».

b) Les différents paysages

Quant au lieu du rêve, c'est un paysage abondant (« donne » puis énonciation de pluriels), idéal (« corps minces et vigoureux », « savoureux », « heureux ») et unique (« singuliers ». Le premier endroit décrit semble être une île exotique (« île », « tamariniers ») qui peut faire référence à l'île de la Réunion, que Jeanne lui rappellerait. Le second paysage apporte l'idée d'un voyage différent avec le « port rempli de voiles et de mâts » et « mariniers ». C'est un univers marin qui est alors décrit. La nature est présente par « mer » et « soleil », chacun représentant un des Ailleurs du rêve de Baudelaire, ainsi qu'avec « arbres », « fruits », « rivages » et le mot « nature » lui-même. Cela crée un cadre parfait, loin de toute civilisation. Le lieu est également mis en valeur par une illumination : « Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone », ce qui montre un univers presque paradisiaque. Le vers « Guidé par ton odeur vers de charmants climats » indique que le parfum de sa bien-aimée a le pouvoir de le transporter dans une infinité de lieux imaginaires.

II. Les sens éveillés

Dans une seconde partie, nous verrons les sens éveillés chez Baudelaire durant son rêve et les procédés poétiques qui les mettent en valeur, puis l'analyse des correspondances.

a) Les procédés poétiques

On observe dans un premier temps la présence de quatre sens, l'ouïe (« chant des mariniers »), la vue (« je vois » x2, « éblouissent ») malgré l'opposition avec le premier vers (« les deux yeux fermés »), le goût (« fruits savoureux »), et enfin l'odorat (« odeur » x2, « parfum »), sens très important dans ce poème, comme dit précédemment. On remarque ensuite la présence des quatre éléments originels : la terre « île », le feu « feux », « soleil », l'eau « vague », et l'air « air ». Cela traduit une fois de plus une perfection, un idéal. Tout ceci est mis en valeur par des allitérations en l et en r, qui sont des lettres douces, qui expriment le flottement, la légèreté, ainsi que des allitérations en m et en n, qui elles traduisent ici la sensualité, le plaisir. Baudelaire se sent bien dans ce rêve et l'indique à travers ces allitérations, ainsi qu'au travers d'une assonance en eu et de nombreuses virgules au vers 1, dont une césure à l'hémistiche, ce qui créer une ambiance calme, lente.

b) Les correspondances

Nous entamons désormais l'étude des correspondances présentes dans ce poème. Tout d'abord, remarquons qu'il y a une synesthésie, autrement dis la présence de plusieurs sens simultanément. Dans ce poème, quatre des cinq sens sont évoqués, déjà étudiés précédemment. Observons ensuite les correspondances horizontales, c'est l'harmonie, la fusion de tous ces sens. Elles sont plus particulièrement visibles dans le dernier vers « le parfum des verts tamariniers [...] se mêle dans mon âme au chant des mariniers ». Viennent après les correspondances verticales, qui se traduisent par le mot « âme » au vers 14. Ce mot signifie le début de l'élévation spirituelle. La succession de ces correspondances produit l'unité de l'être. L'amour, et ici le parfum, provoquent le rêve et ce dernier, à, l'aide des sens, permet d'accéder au monde spirituel.

Conclusion

L'évasion spirituelle ou le voyage spirituel de Baudelaire s'effectue à travers l'amour qu'il porte à Jeanne, à travers son parfum, qui lui rappelle sûrement l'île de la Réunion, d'où l'exotisme présent dans ce poème ainsi que dans son titre. Son rêve contient deux idéaux, deux ailleurs, signe que le rêve n'a pas de limites et permet de s'évader à l'infini. Le rêve exalte et sollicite tous les sens de Baudelaire, ce qu'il exprime dans son sonnet à travers des procédés poétiques. On retrouve également les correspondances Baudelairiennes qui achèvent le rêve par l'unité de l'être. L'élévation spirituelle a lieu.