La conscience est-elle source de liberté ou de contrainte ?

Dissertation d'une élève de terminale générale pour un devoir maison. Note obtenue : 17/20.

Dernière mise à jour : 11/12/2022 • Proposé par: joumananas (élève)

La conscience est le propre de l’être humain, le plan central de la constitution de son identité. On peut en distinguer deux types : la conscience perceptive qui permet à l’humain d’avoir conscience de lui-même et de son monde par l’intermédiaire de son corps, ses sens et donc de sa perception, et la conscience morale : la capacité de l’humain à discerner le bien du mal, sa capacité de jugement intuitive qui est régie par ses valeurs morales et le guide dans ses choix. Ainsi, grâce à la conscience, on n’agit pas par simple instinct (comme le peuvent les animaux pour subvenir à leurs besoins) mais par volonté. Notre perception du réel nourrit notre conscience et nous permet une liberté de choisir et d’agir. N’est-ce pas là la définition même de la liberté : agir comme l’on veut ?

Pourtant, dans le cas d’une perception limitée, peut-on dire qu’on est libres d’agir comme on le souhaite ? Si notre conscience morale est dirigée par des valeurs qui nous sont inculquées dès la naissance, on peut se demander d’où viennent nos inclinations à agir et si elles sont véritablement nôtres. Pourquoi dit-on souvent « ce n’est pas ce que je voulais faire » alors que nous étions acteurs, décisionnaires, conscients ? Sommes-nous aussi libres que notre conscience nous le fait croire ? Ainsi, il est légitime de se demander s’il ne faut pas plutôt voir la conscience comme une contrainte à notre liberté. Nous pouvons ainsi nous poser la question : sommes-nous libérés ou asservis par la conscience ?

Il peut d’abord sembler que la conscience s’apparente à la liberté d’agir, car elle permet de choisir entre différents possibles que l’on peut se présenter et en fonction desquels on peut agir. Cependant, on peut se demander si elle est suffisante à garantir à ce que nos choix soient effectués librement, et donc si la liberté est contrainte par la conscience. Tout cela peut mener à voir la liberté comme une liberté relative, qui contraint l’homme à en faire l’exercice.

I. Conscience comme synonyme de liberté

Par sa capacité de perception, la conscience implique une possibilité d’agir et d’anticiper, lesquels constituent notre liberté fondamentale. La conscience perceptive rend ainsi l’humain conscient de son environnement, de ses actes et de ses pensées : elle permet un retour sur lui-même. Cette propriété réflective (propre à la conscience de soi) lui confère donc une dimension double : l’humain analyse son passé et anticipe son futur ; il agit en fonction de ce dont il a conscience, ce qui le rend responsable de son comportement. Or, cette responsabilité prouve que chaque homme agit en connaissance de toute cause : il est donc libre d’agir, libre de choisir comment agir.

La conscience morale, elle, est la capacité intuitive et primitive de l’homme de jugement, régie par ses valeurs morales (transmises par l’éducation). Si elle est marquée par l’impulsion, elle permet donc un choix immédiat conforme à nos aspirations et nous confère ainsi une liberté de choisir. Cette représentation des possibles que confère la conscience serait donc une liberté, une ouverture à des perspectives nouvelles, qui mènerait même à la découverte de parts non-connaissantes de notre esprit comme l’inconscient. Si l’inconscient est indépendant de notre volonté, il s’oppose ainsi à la conscience, forme véritable de liberté. Nous pouvons également voir la réflexion comme une extension de notre conscience, et donc corrélativement de notre liberté. Elle est productrice de questionnement, donc d’accès à la connaissance sur le vrai sens de la liberté.

Notre conscience prend donc la forme d’une réflexion qui augmente notre capacité à agir et donc notre liberté, mais on pourrait également parler d’une instance morale qui pourrait la contraindre.

II. Conscience comme obstacle à la vérité

La conscience morale, telle qu’elle a été définie plus haut, serait constituée d’un ensemble de notions inculquées par la société à travers l’éducation. Or, si ces valeurs selon lesquelles l’homme choisit et agit ne sont pas les siennes, on ne peut pas considérer son comportement (induit par sa conscience) libre. Le comportement de chaque être humain apparaît donc comme être guidé voire régi par la société dans laquelle il grandit. Dans le cas d’un individu qui ne se sent pas conforme aux valeurs inculquées par sa société, on pourrait donc voir s’opérer une rupture du lien social. La conscience peut ainsi constituer une contrainte à l’épanouissement de l’homme. En l’absence de la dimension morale, l’homme est plus libre qu’il ne l’est en étant doté d’une conscience.

De plus, la conscience morale peut être perçue comme une loi morale ; on n’est pas libres de faire n’importe quoi, sinon la vie en société serait impossible. Néanmoins, cette conscience morale peut être vue comme une volonté d’agir librement selon les règles que nous impose la raison – ou plutôt que notre raison nous impose. C’est donc la conscience qui nous indique notre devoir tandis que nos inclinations nous poussent à faire ce que nous voulons. Son caractère contraignant s’éloigne de la rigueur de la loi. L’homme a le choix de « faire le bien » ou de « faire le mal » ; il n’y a pas de contrainte au sens réel, mais une inhibition de notre liberté d’agir, ce qui rend l’exercice de la liberté plus difficile.

Dans le cas de la réflexion, produit de l’action de notre conscience, pouvons-nous dire que nous sommes véritablement libres de la vérité à laquelle elle nous mène, qui s’impose à nos esprits comme une évidence ? La logique cartésienne pose que l’homme est contraint à suivre des règles strictes. Si le libre arbitre correspond au pouvoir de la volonté, alors nous sommes contraints de vivre dans un monde régi par des lois physiques hors de notre portée. Cependant, plus que des contraintes extérieures, ce sont les contraintes de l’esprit qui sont le plus puissantes.

Ainsi, ce développement nous permet de dire que la conscience est source de contraintes. Il faudrait donc aller chercher plus loin : la conscience ne suffit pas à effectivement être libre ; il faut engager sa conscience pour être dans la liberté absolue.

III. Conscience comme engagement de sa liberté

Il faut concevoir la conscience comme l’acte même de la prise de liberté. Elle implique alors la conscience perceptive, de soi et du monde, la conscience morale des conséquences de nos actions et du libre arbitre qu’elle nécessite et engendre. Quand Sartre parle de la mauvaise foi, il parle de l’abandon du libre arbitre ; car « l'homme est condamné à être libre », il est libre à chaque instant de choisir. Or là est le paradoxe de la conscience : elle ordonne d’agir et d’utiliser notre liberté, mais la contraint, nous contraint à l’utiliser. Lorsque la conscience pousse à l’action, elle pousse à la liberté. C’est donc le désir de liberté qui nous pousse à utiliser notre conscience.

Ainsi, on pourrait également définir la conscience comme l’engagement constant de notre recherche de liberté qui nous pousse à rejeter contraintes et obligations. Elle est donc source d’un mouvement permanent entre les deux. La liberté se manifeste donc dans des actes libres (tels la création, l’invention), de manière individuelle (l’autonomie comme manifestation de la liberté) ou collective (la liberté politique comme conscience collective). Elle doit donc sa valeur au questionnement perpétuel qu’elle engendre à travers sa perception du réel et sa moralité.

Conclusion

A la lumière de notre développement, il est apparu que la conscience pouvait être la source d’une liberté de choix et d’action chez l’homme, par sa nature perceptive qui pousse l’individu à réfléchir sur lui-même et sur ses actions et son monde. Cependant, cette conception de la conscience morale comme une boussole régissant nos choix se base sur une construction purement individuelle de notre conscience, ce qui n’est pas le cas lorsque nous vivons en société. La conscience seule est donc insuffisante à notre liberté : c’est l’action, prendre conscience, qui nous plonge dans la liberté absolue de choisir et d’agir.