La raison permet-elle de mettre les hommes d'accord ?

Devoir rédigé à la maison.

Dernière mise à jour : 01/03/2022 • Proposé par: lena.roux (élève)

Nous avons tous fait l'expérience de conflits, dans notre vie sociale, et il nous a semblé alors que les résoudre et les dépasser est une tâche difficile ; lorsque des individus s'affrontent, n'est-ce pas parce que chacun est certain d'être dans le vrai, ou parce qu'il est conduit par ses intérêts particuliers, ses convictions, ses partis pris ? Ne faudrait-il pas s'en défaire, et évaluer la situation avec neutralité, objectivité ? (poser la 1re réponse ou thèse) Il semble alors dans une première approche que ce soit la raison qui nous permette de dépasser nos points de vue singuliers, de discipliner nos impulsions, de faire preuve de distance critique à l'égard de ce que nous croyons incontestable : la raison est en effet en chacun de nous cette faculté de penser avec neutralité, objectivité ; elle consiste à faire retour sur ce que l'on dit, ou ce que l'on fait, afin d'en examiner méthodiquement le bien-fondé, de le justifier ou de le corriger. Par là, elle apparaît comme le moyen de détruire les malentendus, les disputes, elle dispose des valeurs, des significations universelles, dans lesquelles tous les hommes se retrouvent.

(Changer de paragraphe pour présenter la thèse adverse, en l'amenant de façon interrogative) Mais, pour une réflexion plus attentive, cette idée que la raison a le pouvoir de vaincre la violence n'est-elle pas naïve ? Nous possédons tous la raison, mais les guerres, les disputes ne cessent pas pour autant. Il faudrait observer que, dans leurs affrontements, les hommes sont soumis à leurs passions et sont incapables d'entendre la voix de la raison : celle-ci n’aurait pas le pouvoir d’atteindre l’affectivité, et, dans ses argumentations, elle paraîtrait trop théorique, abstraite, pour nous libérer de nos différends. (récapitulation, interrogation qui désigne le problème, ses enjeux) Donc, il y a une difficulté (un problème) : la raison est-elle le remède contre les désaccords des hommes, est-elle cette autorité qui fonderait une vie sociale harmonieuse? Ou bien est-elle sans pouvoir contre ce qui nous divise, incapable de régler la vie pratique, sociale ? Sommes-nous alors livrés à nos affects, nos impulsions, et voués à ne pas nous entendre ? La possibilité de trouver la paix est-elle un mythe ?

I. La raison permet que les hommes s’entendent, dépassent leurs différends

La raison permet que les hommes s’entendent, dépassent leurs différends, renoncent à la violence. La raison est cette faculté par laquelle nous cherchons à fonder objectivement ce que nous croyons, pour nous faire comprendre d’autrui ; au-delà de notre point de vue individuel, elle incarne une exigence d’universalité, (ce qui vaut pour tous les hommes, les réunit, donc), elle est le refus de l’opinion gratuite et arbitraire. Lorsque j’utilise ma raison, je m’efforce de réfléchir ce qui me semble vrai, de comprendre ce qui justifie telle idée : travail qui me libère de ce qui m’aveuglait, effort qui dissipe le non-sens, l’obscurité ou les malentendus, qui sont les conditions propices à la violence.

De même, l’exercice de la raison revient à argumenter, à démontrer : la raison fait apparaître l’évidence, la nécessité d’une idée, et par son pouvoir de convaincre, elle écarte toute contestation, elle réunit les hommes dans une même compréhension.

Mais la raison a-t-elle réellement un tel pouvoir sur le comportement des hommes ? Des individus qui s’affrontent sont-ils en mesure d’entendre, précisément, la voix de la raison, alors qu’ils sont dominés par leurs passions ? Ne doit-on pas admettre que les discours de la raison, qui traitent de ce que l’homme doit être théoriquement, qui se tiennent dans une réalité abstraite, ne nous touchent pas, et n’ont pas de prise sur ce que nous vivons concrètement ?

II. Mais malgré l'usage de la raison, les différends demeurent

La raison ne permet toujours que les hommes s’entendent, ce qui signifie deux choses. Elle en est incapable ; ou, elle-même, paradoxalement, empêche cet accord.

Tout d’abord, elle échoue à convaincre des hommes qui sont pris dans leurs certitudes, leurs croyances, comme le montre le procès de Socrate : le philosophe s’est appliqué à expliquer objectivement quelle est la mission du philosophe, face à ses accusateurs, sans pourtant parvenir à les détourner de leurs préjugés contre la philosophie (Apologie de Socrate, Platon). Les désirs, les intérêts particuliers, les passions (la peur, la colère, l’orgueil, etc.), qui nous sont plus proches et familiers, ont plus de force que les discours de la raison qui ne nous touchent pas. Ceux-ci supposent en effet un effort intellectuel, un travail de réflexion, une discipline pour faire abstraction de ce qui nous touche affectivement, immédiatement, que nous ne sommes pas prêts à entreprendre. Donc, impuissance ou inefficacité de la raison dans nos relations concrètes, notre vie pratique.

Il est possible de soupçonner paradoxalement la raison d’empêcher l’accord des hommes : utiliser la raison, c’est exclure le sentiment, la subjectivité ou la sensibilité de la pensée. Ce serait alors la négation de toute une part de notre humanité qui se joue avec violence. En revendiquant d’être la seule capable d’atteindre la vérité, la pensée rationnelle rejette ou disqualifie toute pensée qui ne se conforme pas à ses démarches, comme la pensée mythique ou l’art, qui se réfèrent à l’imagination : intolérante, voire sectaire ou dogmatique, elle refuse toute valeur à d’autres cultures ou civilisations, les réduits à être « irrationnelles, ici, la raison divise, plutôt qu'elle ne rassemble.

III. Surtout, le désaccord peut être rationnel

A ce stade de la recherche, il apparaît donc que l’on ne peut plus confier à la raison le pouvoir de fonder la paix, de chasser la violence ; il se peut même qu’elle soit à l’origine d’une certaine tyrannie. Thèse qui entraîne donc un problème : Comment pouvons-nous alors espérer nous soustraire aux conflits qui nous opposent ? La possibilité de bâtir une cité harmonieuse n’est-elle qu’une utopie ? La violence est-elle irrémédiable ?

Si l’on revient sur la question (le sujet) qui soutient notre recherche, on peut observer qu’elle comprend un présupposé, une évidence qui n’est pas discutée : l’idée que l’accord des hommes est une nécessité. Mais est-ce bien sûr ? L’accord des hommes ne serait-il pas la fin de tout dialogue, de toute évolution ? Il est possible que nous ne discutions que parce que nous ne sommes pas en accord, et qu’il n’y ait de progrès dans une vie sociale que parce qu’il existe des affrontements, des intérêts concurrents, qui jouent comme les principes d’une émulation. Donc, réhabilitation du conflit. Kant, au 18e siècle, par exemple, admet que c’est par leur insociabilité, leurs rivalités, que les individus sont poussés à se surpasser et qu’ils révèlent leurs capacités : ce serait un contresens que de chercher l’harmonie parfaite des hommes dans la cité, elle entraînerait leur inertie, la fin de tout progrès (Idée d’une histoire universelle du point de vue cosmopolitique).

Il est impossible cependant de faire l’éloge de la violence aveugle : ce qui nous distingue en tant qu’hommes est la possibilité de dépasser la violence des pulsions animales, de conserver notre liberté, de nous maîtriser. La raison demeure donc la condition de cette maîtrise, de cette discipline de soi : si la réflexion précédente a mis en doute ce pouvoir de la raison, il reste que cette dernière doit se maintenir comme une exigence, à l’horizon de nos comportements. Renoncer à la raison serait assurément se condamner à subir la guerre de tous contre tous. La nécessité de s’y référer constamment, en la débarrassant de toute tendance au dogmatisme, apparaît donc finalement comme le moyen de contrôler nos désaccords, de les rendre fructueux.

Conclusion

Il s’agissait donc de savoir quel peut être le rôle de la raison dans notre vie sociale, ou quel poids elle peut avoir dans notre pratique : est-elle la garantie d’une entente, la condition de la paix ? Ou bien, est-elle inefficace pour instaurer la compréhension mutuelle, est-elle même suspecte de créer la discorde? Comment pouvons-nous dépasser nos conflits ? Il est à présent possible de proposer une réponse : l'idée que la raison nous place dans une attitude objective, réfléchie et nous permet d'abandonner nos partis pris et nos intérêts particuliers, donc nos différends, n'a pas pu être retenue : des hommes qui sont pris dans leurs affects, leurs passions, n'entendent pas la voix de la raison. Et celle-ci peut se montrer dogmatique et clivante lorsqu’elle renvoie à l’« irrationnel » et au non-sens tout ce qui ne correspond pas à ses normes.

Mais finalement, ce qui semblait un problème préoccupant, avec l’impossibilité de parvenir à l’harmonie, a pu être surmonté : le projet même d'être tous d'accord, de s'entendre est discutable ; la paix endort, empêche tout progrès ; les rivalités ou les désaccords sont bénéfiques. Cependant contre toute apologie de la violence, l'arbitrage de la raison s’impose encore comme une exigence morale, l'outil d'une distance ironique, pour que nos affrontements ne soient pas stériles, et ne réduisent pas à la brutalité animale, à la loi du plus fort.t en chacun de nous cette faculté de penser avec neutralité, objectivité ; elle consiste à faire retour sur ce que l'on dit, ou ce que l'on fait, afin d'en examiner méthodiquement le bien-fondé, de le justifier ou de le corriger. Par là, elle apparaît comme le moyen de détruire les malentendus, les disputes, elle dispose des valeurs, des significations universelles, dans lesquelles tous les hommes se retrouvent.