Devons-nous nous méfier de nos certitudes ?

Dissertation rédigée à la maison pour un devoir de terminale. Note obtenue: 17/20.

Dernière mise à jour : 06/01/2022 • Proposé par: emelielah (élève)

On peut qualifier la certitude de qualité de celui qui est assuré de la validité de ce qu’il affirme ou pense. Ce qui est sûrement et fermement établi, donc ce en quoi nous pouvons avoir confiance, où il n'y a pas de risque d'erreur, peut être interprété ainsi comme une certitude, une marque de la vérité. Cependant, quand nous possédons, ou pensons posséder la vérité, nous sommes certains, mais nous le sommes également quand nous nous trompons. Ainsi, on peut se demander « devons-nous nous méfier de nos certitudes ? », car celles-ci, comme le prouvent de nombreux exemples dans l’histoire ou la science, semblent être plus souvent fausses que nous ne le pensons. Mais alors, nos certitudes sont elles de vraies certitudes ? Se poser la question revient au sens même de la philosophie.

Pourtant il serait également très contradictoire de se méfier, et donc de douter de ce dont nous sommes certains, puisque par définition, se méfier de ce en quoi nous croyons avec le plus de fermeté n’a pas vraiment de sens. Mais la certitude traduit un sentiment subjectif concernant la vérité de nos idées et cela nous incite donc à nous interroger sur la signification et la valeur de nos certitudes. Que vaut donc la certitude dans notre recherche de vérité ? Cependant, remettre en question nos idées semblerait aussi être un moyen efficace de s’assurer ou non de leur véracité. La méfiance semble donc à la fois illogique et indispensable. Ainsi, est-il utile de remettre nos croyances en question ou vaut-il mieux vivre avec des certitudes dont la véracité n’est pas nécessairement prouvée ? Nous montrerons d’abord qu’en apparence nos certitudes semblent dignes de confiance. Nous verrons cependant que remettre en question nos certitudes est nécessaire afin d'atteindre la vérité. Nous verrons enfin que vivre avec des certitudes peut parfois être acceptable.

I. En apparence nos certitudes semblent dignes de confiance

Nous associons souvent la vérité et la certitude, dans la mesure où posséder la vérité implique et justifie la production et l’existence de ces certitudes. Dans ce cas, être certain apparaît comme légitime. La certitude ne semble donc pas nécessiter de la méfiance, et semble également être un sentiment qui ne trompe pas.

D’une part, la certitudes est la disposition d’esprit subjective de quelqu’un qui ne doute pas, et si cette personne est si sure de son propos, c’est que celui-ci lui parait être définitivement vrai. Si je suis sure que j’ai raison, je suis certaine, et je ne remets pas en question cette pensée. Or cette certitude est nécessairement produite par des preuves, qui se doivent de nous paraître suffisantes pour nous ôter le doute. Ainsi, la certitude n’est pas gratuite, elle implique d’avoir des raisons d’être assuré de la vérité de ce qu’on dit, des connaissances. Je suis sure de ce que j’ai vu, de ce que j’ai vécu, de ce que je connais. En effet, il ne suffit pas de dire une vérité hasardeuse pour la croire et en être certain, il faut pouvoir la justifier. Par exemple, certaines certitudes se fient à des preuves universelles, comme en mathématiques. Les théorèmes sont considérés comme vrais puisqu’ils ont été démontrés. Tous les mathématiciens ont justifié qu’ils avaient raison. Dans ce cas, la certitude ne peut être simplement réduite à une croyance, on ne peut pas douter des vérités mathématiques. Ce sont des certitudes inébranlables, des certitudes fiables.

Pourtant, la majorité des certitudes ne peuvent être prouvées aussi clairement que les mathématiques, mais restent des certitudes. Le propre même des certitudes est alors que, pour la plupart, elles ne peuvent faire l'objet d'une vérification par l'expérience. Chacun peut être certain de ce qu’il veut, chaque homme à ses propres croyances. Mais alors qu’est ce qui permet a quelqu’un d’être certain de la vérité de sa proposition, sinon qu’une preuve rationnelle ? Ici, on peut alors aisément distinguer une autre forme de certitude. Si la certitude n’a pas de valeur scientifique, est-elle pour autant illégitime ? La certitude peut en effet valoir sur le plan moral ou religieux, comme par exemple la certitude que Dieu existe ou non. Cela dépend de la croyance de chacun, certains en sont surs, mais d’autres n’y croient pas, mais ici il n’y a pas de preuves irréfutables pour ou envers ce propos. Seulement si c’est une certitude pour certains, c’est qu’ils pensent détenir des preuves, souvent apportées par leurs aînés. C’est donc une certitude, qui est évidemment subjective et personnelle, mais qui permet de se construire sa propre vérité. De plus la science n'apporte pas de réponses à tous les problèmes. Kant, dans L'Antinomie de la Raison Pratique, nous montre donc la nécessité de fonder une croyance en l'immortalité de l'âme et en l'existence de Dieu sur les postulats de la raison : il s'agit alors de certitudes rationnelles, mais non pas de vérités démontrables selon le cheminement de la science. Pour autant il est nécessaire de s’y fier.

D’autre part, la certitude est aussi une nécessité au quotidien : je ne peux pas vivre sans certitudes, car cela voudrait dire que je ne peux avoir confiance en rien. Des certitudes sont acquises depuis notre naissance, transmissent par nos aînés qui ne s’en sont pas méfiés ou par notre propre expérience, et ne peuvent être remise en cause. Ces certitudes sont assez évidentes parfois, comme l’eau qui mouille ou le feu qui brûle, mais je suis aussi certaine que je suis assise, certaine que je suis, et cela ne peut pas être contredit. Je n’ai pas à douter de cela. Pour C.S. Peirce, «Il serait absurde de douter de tout, car certaines choses n’ont pas à être remises en cause». C’est d’ailleurs la théorie de Descartes, qui affirme que s’il y a une chose dont il est nécessairement certain, alors même qu’il cherche à déconstruire toutes ses certitudes, c’est le fait qu’il est, le «sum». « Je pense donc je suis » est une proposition certaine, à la base de tout : Descartes ne s’en méfie pas. Enfin, la confiance dans la véracité des paroles d'autrui est une base de la vie sociale. Nous devons donc avoir confiance dans la lucidité de notre rapport au monde, à la vie, aux autres, sans quoi nous sombrons dans la folie. Tout ce qui nous entoure ne peut être sans cesse démontré, c’est pourquoi nos certitudes sont la base de notre existence.

Ainsi, nous n’avons pas forcément à nous méfier de nos certitudes. Au contraire, ce sont elles qui nous permettent de vivre et d’être qui nous sommes. Elles agissent comme des piliers sur lesquels nous nous reposons et sans lesquels notre existence serait impossible. Cependant , nos certitudes sont elles vraiment garantes de vérité ?

II. Mais remettre en question nos certitudes est nécessaire pour atteindre la vérité

Le sentiment de certitude, bien que nécessaire, reste pourtant néanmoins subjectif. Nous considérons la certitude comme une marque de vérité, de sûreté, mais elle peut également être la marque de l’erreur, de l’illusion. C’est une simple conviction, et croire en quelque chose ne signifie pas que cette chose et vraie, or vivre avec de fausses certitudes, ce serait finalement comme vivre dans un mensonge ? Il apparaît donc et nécessaire et utile de laisser une place à la remise en question, au doute, et donc à la méfiance. Cela semble même être la base du progrès.

En effet, même en étant certain de ce qu’on avance, on peut se tromper. Dans l’œuvre de William Shakespeare Othello, le Maure de Venise, Othello est absolument certain que Desdémone le trompe, il en est intimement convaincu et il pense en avoir une preuve irréfutable, ce qui le conduit à la tuer. Cependant c’est sa jalousie qui le trompe: Desdémone lui était bien fidèle. Ici, sa certitude l’a induit en erreur. Le sentiment de la jalousie lui a fourni de fausses certitudes. Ainsi les certitudes s’appuient sur des sentiments, or ceux-ci peuvent être trompés et ne sont pas nécessairement fiables. Il faudrait donc s’en méfier pour ne pas en être victime. C’est ce qu’affirme Descartes, pour qui les sens, bien qu’ils soient souvent fiables, sont trompeurs quelques fois. Nous devons donc nous méfier de nos certitudes, car elles s’appuient sur nos sens. Il en va de même avec beaucoup de nos certitudes. Si nous avons la peuvent qu’elles peuvent être trompeuses, nous devons nous en méfier. Si l’on doute, on n’est déjà plus vraiment certain. Aujourd’hui, nous savons que les médias ne sont pas toujours porteurs de vérités et il paraît donc logique de remettre ces informations en question, de s’en méfier.

D’autre part, le doute et la remise en question ont toujours été à la base des progrès. Ainsi, la certitude n’a paradoxalement de valeur qu’à la condition d’être rapportée à un effort de doute permanent. Chaque révolution des idées à été acquise par une remise en question. Pour Simone Weil, « L’humanité progresse dans la connaissance de la vérité en prenant conscience de ses erreurs ». En médecine, on pratiquait autrefois de saignées, mais aujourd’hui nous savons qu’elles sont dangereuses et nous ne les pratiquons plus. Nous avons progressé parce que nous avons remis en cause d’anciennes certitudes. Ici le doute est bénéfique. De même, nous pensions autrefois que la Terre était plate. Certains, par certains procédés scientifiques, ont été amenés à douter de cette affirmation et on finit par prouver que ce qu’ils considéraient autrefois comme une évidence était finalement faux. Pourtant , d’autres même avec toutes les preuves apportées restent persuadés, que la terre est plate. Ils s’enferment dans une illusion. Ne pas douter de ces certitudes, c’est ainsi fermer son esprit à la recherche de la vérité. Plus généralement, la certitude est acquise par l’expérience. Or avoir trop de certitudes pourrait donc nous fermer à l’expérimentation. Et c’est l’expérimentation qui crée nos certitudes. Douter, c’est donc ce qui nous permet de chercher à tendre vers la vérité. Ce n’est donc finalement pas la certitude qui montre que nous avons raison, mais plutôt l’effort permanent de s’interroger sur ces certitudes. Cet effort n’est pas un simple sentiment, c’est une mise à l’épreuve de nos convictions.

Ainsi, le doute philosophique tel que Descartes le promeut semble montrer à quel point se méfier de nos certitudes peut nous ouvrir les yeux sur la quantité de doutes que nous tolérons dans ce qu’on appelle pourtant certitude. Il décide de rejeter toutes les certitudes, de pratiquer un doute systématique et méthodique afin de fonder toutes ses connaissances futures : c'est là la preuve de l'exigence d'intégrer le doute dans la séquence des étapes qui conduisent jusqu'au savoir. Le doute peut ainsi apaiser et tranquilliser, car il élimine les risques d’illusions. Enfin, se méfier de nos certitudes, ce serait aussi être libre. Remettre en question ce dont tout le monde est persuadé, c’est s’émanciper des dogmes, des traditions, des croyances qui peuvent nous rendre dépendants de préjugés préconstruits.

Ainsi, nos certitudes ne sont donc pas garantes de vérité. Bien plus encore, s’en méfier est dans certains cas une nécessité, et un moyen de révolutionner notre vie et notre monde.

III. Sans tout remettre en question, on peut s'accommoder de certaines certitudes

Nous avons vu que vivre avec certaines certitudes est une nécessité pour l’homme, autant que le fait de s’en méfier et de les remettre en question afin de s’assurer de leur véracité. Seulement, nous pouvons aussi nous demander si toutes les certitudes doivent nécessairement être vérifiées pour nous permettre d’être sereins. Pourquoi s’obstiner à douter, si seules quelques opinions suffisent pour diriger notre vie quotidienne ?

Selon Tocqueville, toute société a besoin de certaines certitudes communes, qui n’ont pas besoin d’être interrogées par l’individu. Pour la plupart des hommes, les connaissances n’ont pas forcément besoin d’être justifiées, car l’évidence suffit. Il semble donc y avoir une contradiction entre la vérité au sens de la science et la vérité que nous nous représentons au quotidien. Tous les hommes vivent avec certaines certitudes, qu’ils ne remettent pas en question, car les preuves évidentes qui les amènent à celle-ci leur suffisent. Les scientifiques eux se servent du doute pour trouver une démarche expérimentale et arriver a une vraie certitude. Ce qui vaut en pratique ne vaut donc pas forcément pour autant en théorie…

Pour Nietzsche, la plupart des jugements auxquels nous sommes attachés sont faux, mais nous croyons en leur vérité en raison des avantages que cette croyance nous apporte. Dans certains cas, fermer les yeux sur un sujet jusqu’à être certain que cela n’existe pas est simplement un moyen de trouver la paix.

Ainsi, s’il est vrai que se méfier de ses certitudes paraît inévitable, il faut admettre pourtant que nous vivons avec des certitudes « suffisantes » à notre vie quotidienne, que nous ne remettrons pas en cause. Il y a donc une opposition, un scientifique dirait que se méfier de ses certitudes est la base de tout, là où n’importe qui d’autre nuancerait ce propos.

Conclusion

Nous méfier de certaines certitudes est donc une nécessité inconditionnelle pour l’homme, pour le monde. Cette méfiance permet d’apporter le doute et d’accéder au chemin vers la vérité. Néanmoins, pour vivre sereinement, nous avons accepté de vivre avec certaines certitudes qui se suffisent à elles-mêmes. C’est cette ambiguïté qui nous amène à nous poser cette question, car elle oppose deux visions de notre société. Ainsi, nous pourrions aussi nous demander si la recherche de la vérité absolue de la science n’a finalement pas un certain caractère vain ?