Le droit peut-il se passer de la force ?

Une copie d'un élève de terminale pour un devoir à la maison. Note obtenue : 17/20

Dernière mise à jour : 22/11/2021 • Proposé par: sharoncohxn (élève)

Le droit se présente comme l’ensemble des choses qu’un homme peut faire selon les lois instituées par son État. Sans droit ni loi, un groupe d’individus ne pourrait être civilisé et organisé. On voit aussi le droit comme un idéal moral de ce qui nous est légitimement acquis. Pour que le droit ait une forme de crédibilité, son non-respect doit impliquer une réprimande. Seulement, si le droit se réduisait à l'usage de la force, et la loi à la raison du plus fort, la société céderait à d’autres formes d’anarchie et d’injustice. D’autre part, les forces en jeu ne sont pas forcément égales puisque s’opposent les citoyens à d’autres citoyens, au pouvoir en place ou encore à des principes, valeurs et doctrines plus ou moins ancrées dans les lois, mais aussi les esprits.

On peut dès lors se poser la question suivante: “Bien que la force s’oppose à l’idéal de justice du droit positif, une société peut-elle s’assurer stabilité et pérennité sans en faire usage?”. Afin de répondre à cette question, nous nous questionnerons d’abord sur le rôle du droit comme opposant à la violence puis sur l’idée qu’il serait en fait une marque de domination par la force et enfin nous verrons comment il parvient idéalement à recourir à l’usage de la force tout en restant fidèle a sa nature.

I. Le rôle du droit est de s'opposer au règne de la force

Si l’on se penche sur l’essence même du droit, il est évident qu’elle porte sur l’établissement de règles ayant pour but l’organisation et la régulation d’un groupe d’individus qui se dira alors civilisé, car destitué de toute forme d’injustice ou de violence.

Tout d’abord, c’est la nature humaine elle-même qui implique la nécessité d’une régulation. Comme l’écrit Hobbes dans le Léviathan, “l’homme est un loup pour l’homme”. Cela signifie que les désirs égoïstes de l’être humain révèlent son incapacité à aboutir à la justice naturellement. En effet, il serait naïf de penser à l’éventualité de l’existence d’un homme vertueux sans lois. Il est nécessaire d’apporter à ce groupe un moyen de se contrôler. Le droit permettrait donc de fournir une certaine stabilité à travers une cohésion sociale qui protégerait chacun tout en installant une certaine hiérarchie.

D’autre part, afin d’établir ce système de régulation des hommes, le droit se doit de se poser comme une autorité suprême. Une autorité suprême qui servirait à déstabiliser les forces naturelles présentes. Cette autorité aurait donc pour but de permettre aux hommes de distinguer le juste de l’injuste. Pour distinguer le juste de l’injuste, des règles doivent donc guider la conduite des hommes par rapport à leurs droits. C’est là qu’apparaît la distinction entre droit naturel et droit positif. Si l’un définit les droits éternels et inaliénables tels que le droit à la vie ou a la liberté, de l’autre découle un ensemble de lois qui varient selon les époques et les sociétés. Le droit positif est donc celui qui définira le comportement à adopter pour assurer paix et sécurité.

Enfin, pour s’opposer au règne de la force, cette autorité régulatrice se doit de parvenir a un accord social juste. En effet, pour mener à bout ce projet de cohésion sociale, il est indispensable de contrebalancer la domination du plus fort afin, non pas de se soumettre, mais de s’associer. Comme l’explique Rousseau dans son Contrat Social, la seule source légitime du droit est la volonté générale, c'est-à-dire la volonté qui émane de tous les citoyens, et qui vise l'intérêt général. Selon lui, c’est l’institution des lois qui garantit la liberté et qui permet une égalité qui fait que le plus faible n’est plus dominé par le plus fort.

Ainsi, pour qu’une société fonctionne, il est indispensable qu’elle soit régulée par une autorité mise en place pour mettre fin à un règne de la force naturel et propre à la nature humaine, mais qui lui porterait préjudice. C’est donc puisque le recours a la force est instinctif chez l’homme que des droits se doivent d’être définis pour ensuite être respectés. On en déduit donc que le droit s’oppose à la force.

II. Mais le droit lui-même s'impose par la force

On pourrait cependant se demander si le droit dont il est question ne se poserait pas comme un outil de domination aux apparences légitimes. Il serait donc non pas opposé aux forces, mais lui-même le masque d’un rapport de force.

En premier lieu, puisque le droit s’est vu répondre au règne de la force par la force, face au droit se sont vite montrées des critiques, des oppositions. Le courant que l’on a appelé “épicurisme” revendique l’inaptitude de la justice à fonder le droit. Pascal explique dans ses Pensées que la justice sans force est inefficace et que c’est toujours la force qui s’impose au détriment de la justice, que nous ne connaissons pas. On serait donc malgré nous forcés, habitués à obéir a la force qui se cache derrière le droit.

En outre, le droit perpétue l’héritage de domination du plus fort en faisant passer la contrainte pour une obligation morale. En prenant un exemple analogique, le marxisme pose l’idée que le droit est un moyen de domination et d’exploitation de prolétariat. Pour Marx, le droit remplacerait juste la violence et se défendrait d’agir de la sorte justement parce qu’il en serait l’alternative.

Finalement, le droit est peut-être bien lié à la loi naturelle et universelle du plus fort. Dans le Gorgias, Platon explique qu’il ne voit pas de mal à ce que c’est le plus valeureux et compétent qui soit supérieur aux autres. Or, la loi est faite par les masses c’est-à-dire les gens qui se sentent menacés par ces êtres naturellement supérieurs et qui, sous l’excuse de l’égalité, cherchent à ne pas être dominés par ceux-ci. On observe ici un rapport de force particulier puisque ce serait donc le commun des mortels qui se sert de règles et de codes comme d’outils pour éviter d’être inférieur à d’autres. Dans ce cas-là, ne serait-il pas juste de suivre la nature ?

On peut donc dire que le droit peut apparaître à certains comme un outil d’utilisation d’une certaine autorité pour faire respecter une hiérarchie par la force. Cela impliquerait donc que le droit ne s’oppose pas aux forces, mais qu’il en est une.

III. Le droit doit justifier l'usage de la force, pour ne pas perdre sa légitimité

Pour ma part, il me semble évident que le droit ne peut pas s’appliquer sans l’usage de la force. Seulement, il est toujours associé à une moralité qui voit la violence comme la pire des aberrations et c’est la raison pour laquelle le rapport entre droit et force est paradoxal et souvent flou.

Premièrement, le droit se pose comme inventé par les hommes pour surmonter la force. Si l’État présente les lois comme ayant pour but d’éradiquer les écarts de ces hommes, c’est en réalité probablement les êtres qui dirigent cet État qui sont attirés par le pouvoir et la force est souvent associée au pouvoir, tout comme l’injustice - comme l’a dit Lord Acton “le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument”.

D’autre part, la force au sens propre du terme s’exprime dans le droit lorsque l’on en vient à la sanction, à la réprimande. “La justice sans la force est impuissante”, tels sont les mots de Pascal. En effet, la nature humaine est telle qu’elle ne pourrait pas, sans une contrainte, suivre naturellement un chemin vu comme vertueux par les codes que l’on a nous-mêmes institués.

Enfin, ce qui fait du droit un rapport de force particulier, c’est le fait que la force n’est pas au cœur du droit lui-même. Bien que la sanction prévienne l’entorse à la loi, elle n’assure pas l’obéissance et le respect des règles absolues. L’instauration d’une sanction suite à une action, à un débordement ne constitue pas en soit un rapport de domination puisqu’elle laisse place au libre arbitre et à l'égalité de chacun.

C’est donc les caractéristiques qui définissent le droit qui font de son rapport à la force une controverse. Si le droit ne s’applique pas sans force, il n’en dépend pas et le lien le plus fort qu’il entretient avec elle est le rapport d’action à sanction, qui lui-même est particulier puisqu’il n’est pas directement vu comme un rapport de domination.

Conclusion

En conclusion, la nature humaine incite à l’instauration de règles et de lois pour la contrôler et le droit se pose comme l’autorité adéquate pour s’opposer au règne de la force et par conséquent faire fonctionner une société libre, juste et égalitaire. Cependant, on peut se demander si le droit positif ne serait pas en réalité le masque d’une autre forme de force. Enfin, le droit ne constitue pas un rapport de force à proprement parler puisqu’il n’est pas constitué que de domination violente. Seulement, sans l’expression d’une supériorité qui s’acquiert par l’utilisation de la force lors des sanctions, le droit ne serait pas efficace. Il est important de noter que cette force se définirait mieux comme une force de raison que la volonté générale cautionne.