Bergson, L'Évolution Créatrice: Le signe intelligent

Commentaire synthétique, sans introduction, ni conclusion.

Dernière mise à jour : 04/11/2021 • Proposé par: cyberpotache (élève)

Texte étudié

Si[...] les fourmis, par exemple, ont un langage, les signes qui composent ce langage doivent être en nombre bien déterminé, et chacun d'eux rester invariablement attaché, une fois l'espèce constituée, à un certain objet ou à une certaine opération. Le signe est adhérent à la chose signifiée. Au contraire, dans une société humaine, la fabrication et l'action sont de forme variable, et, de plus, chaque individu doit apprendre son rôle, n'y étant pas prédestiné par sa structure. Il faut donc un langage qui permette, à tout instant, de passer de ce qu'on sait à ce qu'on ignore.

Il faut un langage dont les signes -qui ne peuvent pas être en nombre infini- soient extensibles à une infinité de choses. Cette tendance du signe à se transporter d'un objet à un autre est caractéristique du langage humain. On l'observe chez le petit enfant, du jour où il commence à parler. Tout de suite et naturellement, il étend le sens des mots qu'il apprend, profitant du rapprochement le plus accidentel ou de la plus lointaine analogie pour détacher et transporter ailleurs le signe qu'on avait attaché devant lui à un objet. "N'importe quoi peut désigner n'importe quoi", tel est le principe latent du langage enfantin.

On a eu tort de confondre cette tendance avec la faculté de généraliser. Les animaux eux-mêmes généralisent, et d'ailleurs un signe, fût-il instinctif, représente toujours, plus ou moins, un genre. Ce qui caractérise les signes du langage humain, ce n'est pas tant leur généralité que leur mobilité. Le signe instinctif est un signe adhérent, le signe intelligent est un signe mobile.

Bergson, L'Évolution Créatrice

Intérêt philosophique du sujet

Ce texte permet d'éviter la position classique quant à l'existence ou pas d'un langage (et d'une) pensée animale. Il déplace les données du problème (exemple, Descartes, Discours de la méthode V ou Lettre au marquis de Newcastle). L'enjeu est de comprendre et d'accompagner le caractère ouvert du signe humain, par différence avec le caractère clos du signe animal.

La pierre de touche entre les deux signes est le caractère de "transposition" du signe humain. Cette idée d'un signe transportable recoupe strictement le concept grec de métaphore qui veut dire déplacement, transport. En terme de résultats, le caractère arbitraire du signe proprement humain scelle la supériorité de l'homme sur l'animal.

Contresens à éviter

- Ne pas s'engager dans une apologie héroïque du langage animal.
- Ne pas symétriquement passer la copie à éreinter un pseudo langage animal. Là n'est pas la question.

I. La différence de langage entre humains et animaux tient à leur situation

Le texte fait reposer la différence de nature entre langage humain et langage animal sur leur propre différence de situation: une fois l'espèce des fourmis constituée, elles n'auront à communiquer qu'au sujet d'actions ou d'opérations toujours les mêmes.

La différence dans le cas de l'homme est qu'il crée lui-même une infinité d'actions et de situations "la fabrication et l'action sont de forme variable", et que d'autre part l'enfant humain doit lui-même inventer sa position dans le monde symbolique humain: "Chaque individu doit apprendre son rôle, n'y étant pas prédestiné par sa structure". Le monde humain se caractérise donc par son coté indéterminé, variable à l'infini: c'est un monde culturel dans lequel choses, situations, valeurs, rôles sociaux ne sont pas définis une fois pour toutes mais sont constamment réinterprétés.

Au contraire le monde animal se caractérise par sa fixité et son absence de variation (cf. Pascal préface du Traité du vide). C'est à cette différence de nature que Bergson rapporte la différence de langage: l'animal n'a pas de distance à l'égard de son monde, qui n'est fait que d'"objets" ou d'"opérations" toujours les mêmes. C'est ainsi que Bergson explique la place dans le monde animal de la notion de signification. "Le signe est adhérent à la chose signifiée". Le signe chez les fourmis renvoie immédiatement à une chose ou à une action. L'ani

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