Spinoza, Traité de l'autorité politique: Indépendance de l'homme

Commentaire entièrement rédigé.

Dernière mise à jour : 01/11/2021 • Proposé par: cyberpotache (élève)

Texte étudié

Tout homme est sous la dépendance d'un autre, aussi longtemps que cet autre le tient en sa puissance. Il est indépendant, aussi longtemps qu'il est capable de tenir tête à n'importe quelle force, de se venger à son gré de tout préjudice qui lui serait causé, en un mot aussi longtemps qu'il peut vivre exactement comme bon lui semble. Pour parvenir à garder un autre individu en sa puissance, on peut avoir recours à différents procédés. On peut l'avoir immobilisé par des liens, on peut lui avoir enlevé ses armes et toutes possibilités de se défendre ou de s'enfuir. On peut aussi lui avoir inspiré une crainte extrême ou se l'être attaché par des bienfaits, au point qu'il préfère exécuter les consignes de son maître que les siennes propres, et vivre au gré de son maître qu'au sien propre. Lorsqu'on impose sa puissance de la première ou de la seconde manière, on domine le corps seulement et non l'esprit de l'individu soumis. Mais si l'on pratique la troisième ou la quatrième manière, on tient sous sa dépendance l'esprit aussi bien que le corps de celui-ci. Du moins aussi longtemps que dure en lui le sentiment de crainte ou d'espoir. Aussitôt que cet individu cesse de les éprouver, il redevient indépendant.

Spinoza, Traité de l'autorité politique

Points préalables

- Le texte porte moins sur la liberté que sur les moyens de la supprimer.
- Mais la dernière phrase indique que la liberté est toujours sous-jacente !
- De la liberté du corps et de celle de l'esprit, laquelle serait la plus importante ?

Introduction

Qu'est-ce qu'être libre ou indépendant ? La réponse à cette question dépend autant de postulats que d'une analyse des situations concrètes dans lesquelles un pouvoir peut, par différents moyens, supprimer l'indépendance et la transformer en son contraire. C'est cette seconde voie que suit ici Spinoza : sans métaphysique, il s'agit de repérer les différents modes de soumission d'autrui et d'en mesurer la portée.

I. La dépendance physique

Être dépendant, c'est se retrouver sous "la puissance", au pouvoir d'un autre. A contrario, est indépendant celui qui peut "vivre exactement comme bon lui semble", c'est-à-dire obéir à sa volonté ou à son désir- ce dont Spinoza fournit deux exemples particuliers : il peut tenir tête à n'importe quelle force, ce qui confère à l'indépendance un pouvoir notable de résistance ; et "se venger à son gré de tout préjudice qui lui serait causé", ce qui semble ouvrir la possibilité d'une justice privée, éventuellement inquiétante puisque potentiellement génératrice d'interminables luttes ou règlements de compte privés : l'indépendance ainsi cernée paraît antérieure à l'organisation sociale. Le premier paragraphe situe ainsi le problème dans un contexte asocial, traversé par des conflits ou des revendications contradictoires.

Quatre moyens sont alors distingués pour maintenir autrui "en sa puissance" : pour établir un pouvoir. Les deux premiers ne concernent que la suppression de l'indépendance du corps (déplacements autonomes, capacité de défense, etc.). Il s'agit, soit de le lier ou enchaîner : ce qui le prive évidemment de mouvement et le place à la disposition du puissant ; soit de le mettre dans une situation qui n'est pas sans rappeler la définition de l'esclavage : une fois désarmé (sans doute à l'issue d'un combat qu'il aura perdu), on lui ôte "toutes possibilités de se défendre ou de s'enfuir". Les deux autres moyens entraînent une domination sur l'esprit. Soit que l'on provoque une "crainte extrême" par la menace d'une force physique, soit qu'on s'attache l'autre par des bienfaits, le résultat est comparable : l'individu soumis privilégie désormais les consignes et la volon

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