Beaumarchais, Le Mariage de Figaro - Acte II, scène 13

Fiche de préparation à l'oral du bac.

Dernière mise à jour : 01/10/2021 • Proposé par: freecorp (élève)

Texte étudié

LE COMTE, LA COMTESSE ; SUZANNE entre avec des hardes et pousse la porte du fond.

Le Comte.

Ils en seront plus aisés à détruire. (Il crie en regardant du côté du cabinet.) Sortez, Suzon ; je vous l’ordonne !
(Suzanne s’arrête auprès de l’alcôve dans le fond.)

La Comtesse.

Elle est presque nue, monsieur : vient-on troubler ainsi des femmes dans leur retraite ? Elle essayait des hardes que je lui donne en la mariant ; elle s’est enfuie, quand elle vous a entendu.

Le Comte.

Si elle craint tant de se montrer, au moins elle peut parler. (Il se tourne vers la porte du cabinet.) Répondez-moi, Suzanne ; êtes-vous dans ce cabinet ?
(Suzanne, restée au fond, se jette dans l’alcôve et s’y cache.)

La Comtesse, vivement, tournée vers le cabinet.

Suzon, je vous défends de répondre. (Au Comte.) On n’a jamais poussé si loin la tyrannie !

Le Comte s’avance vers le cabinet.

Oh ! bien, puisqu’elle ne parle pas, vêtue ou non, je la verrai.

La Comtesse se met au-devant.

Partout ailleurs je ne puis l’empêcher ; mais j’espère aussi que chez moi…

Le Comte.

Et moi j’espère savoir dans un moment quelle est cette Suzanne mystérieuse. Vous demander la clef serait, je le vois, inutile ; mais il est un moyen sûr de jeter en dedans cette légère porte. Holà, quelqu’un !

La Comtesse.

Attirer vos gens, et faire un scandale public d’un soupçon qui nous rendrait la fable du château ?

Le Comte.

Fort bien, madame. En effet, j’y suffirai ; je vais à l’instant prendre chez moi ce qu’il faut… (Il marche pour sortir, et revient.) Mais, pour que tout reste au même état, voudrez-vous bien m’accompagner sans scandale et sans bruit, puisqu’il vous déplaît tant ?… Une chose aussi simple, apparemment, ne me sera pas refusée !

La Comtesse, troublée.

Eh ! monsieur, qui songe à vous contrarier ?

Le Comte.

Ah ! j’oubliais la porte qui va chez vos femmes ; il faut que je la ferme aussi, pour que vous soyez pleinement justifiée.
(Il va fermer la porte du fond et en ôte la clef.)

La Comtesse, à part.

Ô ciel ! étourderie funeste !

Le Comte, revenant à elle.

Maintenant que cette chambre est close, acceptez mon bras, je vous prie ; (il élève la voix) et quant à la Suzanne du cabinet, il faudra qu’elle ait la bonté de m’attendre ; et le moindre mal qui puisse lui arriver à mon retour…

La Comtesse.

En vérité, monsieur, voilà bien la plus odieuse aventure…
(Le Comte l’emmène et ferme la porte à la clef.)

Beaumarchais, Le Mariage de Figaro - Acte II, scène 13

Le Mariage de Figaro : publié en 1785, c'est l’œuvre la plus importante de Beaumarchais dans la mesure où elle est un point d’aboutissement de son théâtre : elle comporte toutes les idées révolutionnaires, le génie créatif et subversif de Beaumarchais. Il s'agit du deuxième volet d’une trilogie composée du Barbier de Séville et de la Mère coupable, cette pièce est composée de cinq actes.

Situation de la scène dans la pièce (Acte II): La comtesse est lassée des frivolités de son mari. Chérubin est introduit dans les appartements de la comtesse. La comtesse et Chérubin ont une conversation, lorsque le comte apparait, ce qui conduit Chérubin à se dissimuler dans le cabinet, pour éviter la jalousie et la colère du Comte. La comtesse prétend que c’est Suzanne qui s’y trouve. Le comte demande à voir celle-ci.

I. Une description des pouvoirs du Comte

a) Le statut de mari

Le comte a également un statut de mari vis à vis de la comtesse. Il est cependant peu exprimé : pas de tendresse conjugale ni de sentiments apparents entre les deux personnages. Au contraire le mari dispose d’une autorité que la comtesse ne peut contester : le comte investit sa chambre, territoire féminin pourtant « sacré ». Il défoncera la porte du cabinet dans la scène qui suit.

Le comte ne respecte pas réellement sa femme : il l’interrompt et la force à le suivre, captive, à la fin de la scène. Les « Monsieur »-« Madame » semblent éloigner les deux personnages. Seul, le symbole de la clef et de la serrure, à connotation sexuelle, témoigne de la relation existant entre eux.

b) Le statut de maître

Le comte apparaît clairement comme le maître absolu des lieux :
- il commande partout : même chez sa femme : « je vous l’ordonne ! ».
- il commande tous ceux qui habitent dans son domaine : « je vous l’ordonne ! » « Sortez ».
- il dispose d’une force armée à sa disposition : « Holà ! Quelqu’un ! ».

c) La certitude de soi

Le comte semble être très sur de lui dans cette scène ; maître incontesté du château, l’issue de la scène lui paraît évidente et en sa faveur. Il a d'ailleurs le dernier mot, répliquant avec assurance à sa femme : « et moi je… ».

Son discours est ironique : « cette Suzanne mystérieuse », « pour que vous soyez pleinement justifiée ». Enfin son ton est plutôt arrogant : bien que dans une situation délicate, il se sent en supériorité et garde un ton courtoi

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