Le bonheur peut être défini comme un état stable de bien-être, mais aussi comme l'absence de désirs à satisfaire. Ainsi, on comprend la volonté des humains, des philosophes, à comprendre si la possibilité d'être heureux existe. Réussir à l'atteindre, trouver la quête du bonheur est souvent un sujet au cœur des raisonnements et questionnements philosophiques. Le sujet nous amène ici à nous questionner sur la capacité de l'être humain à accéder au bonheur.
Cette quête est-elle réalisable ? Est-ce une utopie, un idéal ? Est-il irrationnel de vouloir l'atteindre ? Si l'humain peut être souvent perçu comme pessimiste, ou trop concentré sur ses propres problèmes, alors il peut paraître difficile d'affirmer que nous pouvons accéder au bonheur. Comment alors l'humain peut-il accéder au bonheur alors que des freins l'empêche de trouver cette quête ?
D'abord, il est question de se demander si le bonheur est atteignable, si l'on prend soin de soi et des autres. Puis, nous allons voir si comprendre comment éviter le malheur est une des clés pour accéder au bonheur, avant de se questionner sur l'obtention de celui-ci par rapport aux conséquences des choix que nous devons assumer.
I. Prendre soin de soi et des autres nous oriente vers le bonheur
Tout d'abord, nous pouvons nous pencher sur la question de la philosophie du care, qui veille à prendre soin des autres, et à inclure plutôt qu'exclure.
En effet, on peut penser que prendre soin des autres, et faire preuve d'empathie, nous amènerait au bonheur. Que l'on prenne soin de soi-même, ou des autres, cela nous procure du plaisir, car cela crée une atmosphère de bien-être. Ainsi, pour tenter d'accéder au bonheur, peut-être s'agit-il d'abord de prendre en compte les désirs d'autrui et les miens et de considérer l'autre comme une fin en soi. En faisant preuve d'empathie et en se mettant à la place de l'autre, l'individu se détache de ses propres craintes, peines, ou problèmes. Si nous nous rendons compte du malheur d'autrui, cela peut nous faire relativiser sur certains aléas de la vie. À l'inverse, essayer de comprendre les autres lorsqu'ils sont heureux, cela a tendance à nous rendre heureux à notre tour, car les émotions humaines sont facilement transmissibles.
En effet, pour Bentham, notre bonheur dépend de celui des autres. C'est-à-dire que nous ne pouvons pas nous-mêmes être les seuls à y contribuer. En incluant l'autre, cela évite les situations de conflits, et le bonheur lui-même est démuni de toute forme de violence, car c'est un état stable. On ne peut donc pas y accéder en toutes circonstances, puisque l'obtention de notre bonheur dépend de quelque chose qui est extérieur à soi. Ainsi, selon Bentham, dans un monde malheureux, on ne peut pas être heureux. Par exemple, nous pouvons voir que, dans la dystopie Hunger Games de Suzan Collins, le personnage principal de Katniss Everdeen est très dépendant de ses êtres chers, comme sa sœur ou son meilleur ami. Ainsi, son bonheur dépend du bonheur de ses proches; et dans un monde où, chaque année, de jeunes innocents sont envoyés à la mort, ses proches sont malheureux et dans un mal-être. Katniss ne peut être heureuse tant que ses proches ne le sont pas. Cela montre que notre environnement a un impact sur l'obtention de notre bonheur. Peut-on alors atteindre le bonheur ? Cela est possible seulement si notre entourage et notre environnement le sont.
Mais alors, mon bonheur ne dépend pas de moi. Si je veux l'obtention du bonheur, comment puis-je être heureux si les autres sont malheureux ? Peut-on vraiment être heureux si nous vivons dans un monde malheureux ? Ne peut-on alors accéder au bonheur dans un monde plein de guerres ? Faut-il ainsi abandonner la quête du bonheur, et s'apitoyer sur le sort des victimes et innocents ? Si nous restons sur l'idée que l'humain est doté d'empathie pour les autres, alors il est presque impossible d'être heureux. Peut-être pouvons-nous réfléchir d'un autre point de vue sur notre capacité à être heureux. On peut supposer que, pour essayer d'obtenir le bonheur, il faut d'abord être en mesure de comprendre comment éviter d'être malheureux.
II. Mais pour être heureux il ne faut pas être atteint par le malheur
Si nous voulons être heureux, encore faut-il savoir comment ne pas être malheureux.
Le malheur peut se définir comme un état de mal-être. Nous pouvons atteindre le bonheur seulement si nous atteignons d'abord quatre étapes créées par Épicure, dont il parle dans Lettre à Ménécée. Selon lui, la quête du bonheur implique d'abord le fait que nous ne devons pas craindre les dieux, car cela serait prétentieux et relève de la superstition, étant donné que les dieux, dans la mesure où on y croit, ont d'autres préoccupations que les humains. Cela vient à nous déresponsabiliser, et donc empêche qu'on puisse se concentrer sur la quête du bonheur. Ensuite, nous devrons ne pas craindre la mort : cela passe par le fait de savoir que nous sommes matérialistes, qu'il n'existe autre chose que la matière, et que, quand nous sommes morts, nous sommes dépourvus de toute sensation. Puis, nous devons savoir calculer nos peines et nos désirs, c'est-à-dire réfléchir aux conséquences de nos actes avant d'agir, pour savoir si tel plaisir engendrerait par la suite des peines. Enfin, d'après Épicure, nous devons être en mesure de classer nos désirs. Si nous savons le faire, nous pouvons prioriser nos désirs, sur ceux qui méritent d'être faits et qui nous procureraient un bien-être. Si nous ne savons pas trier nos désirs, nous pourrions nous éparpiller parmi eux, et parmi ceux dont on pourrait se passer; ce qui est un réel frein à l'obtention du bonheur, car nous serions encombrés et il serait difficile de gérer la totalité de nos désirs si nous devions tous les satisfaire sans exception, cela deviendrait épuisant.
Ainsi, lorsque nous avons acquis ces étapes, nous pouvons atteindre le stade du bonheur qui nous met dans un état stable de bien-être. Lorsque nous avons réussi à cesser nos tourments, en respectant ce mode d'emploi, notre âme pourrait être en absence de troubles, et nous serions dans l'ataraxie. De plus, nous observerions une absence de quelconque souffrance ou douleur dans notre corps: c'est l'aponie. Pour ainsi dire, si nous avons les capacités de respecter ces étapes, nous sommes en mesure d'accéder au bonheur. S'il est possible de s'adapter à ce monde, alors il est possible d'être heureux. En effet, lorsqu'on ne craint ni les dieux ni la mort, et qu'on sait calculer et trier nos désirs, cela mène l'individu à être, dans le moment présent, à jouir des petits plaisirs de la vie. Il ne sert en effet de ruminer le passé ni de craindre le futur; ce processus nous permet de mieux nous concentrer sur notre bonheur présent; ainsi, cela serait possible d'y parvenir. Ainsi, il faut comprendre comment ne pas être heureux, et une fois ces étapes acquises, le bonheur devient atteignable.
Cependant, lorsqu'Épicure classe les désirs, ceux-ci peuvent être vains ou naturels. S'ils sont naturels, ils peuvent être nécessaires ou pas, et lorsque l'on parle de désirs nécessaires, on parle de désirs vitaux. Les désirs vitaux, comme manger ou boire de l'eau, ne s'estompent jamais. Or, si on prend la définition du bonheur qui le décrit comme l'absence de désir à satisfaire, alors le bonheur ne serait pas atteignable, car nous avons toujours des besoins vitaux. Nous pouvons discuter de la capacité ou non de l'humain d'être heureux selon la définition qu'on donne au bonheur. De plus, nous pouvons avoir un regard critique sur le mode d'emploi d'Épicure: devoir classer ses désirs peut être fardeau; et savoir si tel désir est plus important qu'un autre peut être difficile. Se questionner sur leur priorisation peut amener des doutes; et donc ralentir notre quête du bonheur. Par ailleurs, ne plus craindre la mort n'est pas quelque chose d'évident à faire, car, même si nous essayons, peut-être serions-nous toujours constamment en train d'y penser de manière inconsciente, et ainsi cela nous empêcherait d'avancer dans notre quête du bonheur. Est-ce alors possible de respecter entièrement ces quatre conditions ?
Peut-être l'obtention du bonheur se fait alors non pas par notre mindset, mais directement par les choix que l'on fait et le fait d'assumer leurs conséquences. Peut-être qu'en assumant nos choix, nous pourrions atteindre une forme de bonheur.
III. Pour être heureux il faut exercer sa liberté
Pour finir, nous allons convoquer Sartre et l'existentialisme; qui prend en compte l'existence de l'individu, pour tenter de comprendre si l'être humain peut accéder ou pas au bonheur.
Selon Sartre, nous sommes toujours libres d'agir, et nous avons toujours le choix; même s'il est parfois très limité. Le choix que nous faisons fait que nous renonçons à un choix: faire un choix A fait qu'on renonce à un choix B. Les choix que nous faisons ont un impact direct sur notre bonheur; peut-être devons-nous faire seulement les bons choix qui nous rendent heureux pour atteindre le bonheur. Cependant, le fait d'avoir la liberté sur nos décisions fait que la liberté peut-être difficile à exercer: elle peut être source d'angoisse. C'est pourquoi certains individus vont essayer de ne plus faire de choix et de simplement se contenter d'agir en fonction de ce qu'ils paraissent être. Refuser d'exercer sa liberté, c'est faire preuve de mauvaise foi chez Sartre.
Ainsi, faire preuve de mauvaise foi est un frein au bonheur, car on s'empêche d'agir pour notre bien, avec des choix qui nous rendraient heureux, et en faveur de nos désirs intérieurs. Finalement, la mauvaise foi ne ferait que nous procurer un sentiment de malheur. Alors, pour savoir si nous pouvons être heureux, il faut déjà assumer ses actes et leurs conséquences. Si nous ne restons pas figés dans un seul statut, et que nous commençons à prendre des décisions dont on pense vont contribuer à notre bien-être stable, alors nous pourrions être heureux. Mais comment en être sûr si on s'enferme soi-même dans une unique case? Pour l'illustrer, prenons exemple sur un individu qui est professeur. Aux yeux de l'État, et de son établissement, cet individu est réduit au statut de professeur. Si cet individu décide de ne prendre aucune autre décision que celles à quoi il s'apparente, dans son statut de professeur, alors il ne saura jamais s'il peut accéder au bonheur ou pas. Pourtant, en dehors de sa vie professionnelle, par laquelle un individu est souvent perçu, ce professeur est peut-être aussi un frère, un père, ou même un artiste, un pianiste...
Si nous choisissons d'exercer notre liberté d'agir, nous pouvons justement expérimenter et nous rendre compte des différentes choses qui contribuent ou pas à notre bonheur. C'est en faisant des choix, qu'ils soient bons ou mauvais, que nous évitons d'être de mauvaise foi; et qu'ainsi il serait possible d'accéder au bonheur. Certes, il y a une contrepartie : celle de devoir assumer tous ses choix. Mais n'est-il pas mieux d'expérimenter ce qui pourrait nous rendre heureux au risque de se tromper: plutôt que de décider de renoncer à la quête du bonheur ?
Conclusion
Nous avons vu que le bonheur peut en effet être atteignable si l'on fait preuve d'empathie et que l'on prend soin de soi et des autres. Puis, nous nous sommes penchés sur la question du malheur, et si l'éviter pouvait nous aider à accéder au bonheur.
Enfin, par la nuance des différentes définitions que l'on peut donner à ce terme, nous nous sommes rendu compte que peut-être le bonheur était atteignable si nous choisissons d'agir librement et ainsi d'assumer nos choix.