Il est commun d’estimer que parler revient à transmettre des informations, à exprimer une pensée et à communiquer avec autrui; dans cette conception l’opinion semble peu distinguer les notions de langue, de langage et de parole. Or, afin de penser la linguistique, il semble nécessaire d’effectuer cette distinction. En effet ce que l’on désigne communément comme système de signes vocaux ou graphiques n’est pas le langage, mais la langue, qui regroupe une multitude de signes. Le langage, lui, est une faculté. Il permet à l’homme de faire usage de la langue. La parole est ce qui existe lorsqu’on communique à l’oral : c’est une combinaison du langage et de la langue. Ainsi, si la langue est un système conventionnel, le langage semble être une capacité innée. En ce sens, il parait légitime de s’interroger sur les possibilités permises par cette aptitude propre à l’homme. Est-il un simple moyen, un simple procédé visant la communication ou permet-il davantage dans notre rapport avec l’autre, notre environnement ou même nous-mêmes ? Nous nous poserons donc la question suivante: que peut le langage ?
Afin de répondre, il faudra dans un premier temps examiner ce que vise le langage: quelles sont ses fins ? Ensuite, il s’agira de comprendre si le langage est capable des mêmes choses selon les signes dont il use : quelles différences entre l’oralité, l’écrit et ce qui passe par le corps ? Enfin, si le langage est détenteur de certains pouvoirs, comme ceux de persuader ou de commander, il paraît sensé de se questionner quant à sa responsabilité : est-ce parce que le langage a la puissance de faire quelque chose qu’il a pour autant le droit de le faire ?
I. Le langage, outre la communication, permet la pensée, et l'action
Le langage comme possibilité naturelle semble remplir une fonction première : la communication. Cette faculté viserait donc dans un premier temps à faciliter l’intégration sociale de l’homme. Mais si cet objectif paraît évident, est-il pour autant la seule visée du langage ?
Parmi les textes rédigés autour de l’origine de la langue, la Bible posait déjà cette idée selon laquelle la parole, donc l’expression directe du langage, permettrait d’unifier les hommes. Dans la Genèse, au chapitre onze, le livre explique la multiplicité des langues par le mythe de la tour de Babel. La langue unique des origines aurait été divisée en une multitude de langues pour apporter la discorde entre les hommes et les empêcher de se concerter en