A t-on parfois le droit de se donner bonne conscience ?

La dissertation d'un élève de terminale en voie générale, pour un devoir maison.

Dernière mise à jour : 28/04/2022 • Proposé par: clarafourquet (élève)

George Floyd, un homme afro-américain meurt en 2020 d’une asphyxie à la suite de son interpellation par des policiers à Minneapolis. Le tribunal a jugé l’affaire comme un homicide, les policiers étant responsable de sa mort. La police de Minneapolis, malgré l’arrestation des policiers et les preuves les inculpant énonce dans un communiqué de presse que George Floyd aurait résisté physiquement, que les policiers essayaient de le calmer mais en vain et serait mort à l’hôpital. La police tente de se justifier et de se donner bonne conscience, et ce malgré des images qui ont choqué le monde entier.

Alors, a-t-on parfois le droit de se donner bonne conscience ? Logiquement il semble que oui car la bonne conscience est un sentiment de satisfaction lorsque nous n’avons rien à nous reprocher, que nous sommes innocent, c’est cette petite voix qui se manifeste lorsque l’on a accompli un devoir. Ce sentiment est donc indissociable de la morale et de la conscience morale, cette faculté nous permettant de juger les comportements et les faits ainsi que de différencier le bien du mal. Aussi se demander si on a le droit de « se donner » bonne conscience revient à s’interroger sur la légitimité à se juger soi-même, c’est-à-dire la capacité que chacun a d’analyser ses actes au regard de la morale, de la justice.

Ainsi, il faut admettre que nous ne pouvons avoir bonne conscience que lorsque nous sommes sûrs d’agir au nom du bien, de la justice. Mais il faut aussi s’interroger sur les limites de cette légitimité à bien agir quand les raisons profondes sont mauvaises, ou contestables. Enfin nous pourrons nous demander par quoi doit s'accompagner la bonne conscience qu'on se donne, pour ne pas être vide de sens.

I. Nous donner bonne conscience nous pousse à continuer à faire le bien

Effectivement porter secours à quelqu’un à un effet très positif sur l’estime de soi mais ce serait une erreur de réduire nos motivations à cela. Faire le bien, c’est se conformer à la loi morale, et non obéir à une compassion sans lendemain ou bien faire la charité pour se valoriser soi-même.

a) Se donner bonne conscience est une forme d'encouragement qu'on se donne à soi et aux autres

Les actions humanitaires, que ce soit des personnes qui soutiennent ou qui font partis d’association font ça parce qu’elles ont envie de faire le bien et c’est seulement après avoir fait un geste pour aider qu’on se rend compte qu’on a fait une bonne action et donc que nous pouvons juger du fait de se donner bonne conscience. Par l'aide humanitaire, les personnes qui soutiennent la cause ou celles qui font partie d’associations, font ça d’abord pour venir en aide, bien sûr, mais s'encouragent en jugeant positivement leurs actes.

Après avoir fait un geste pour aider, on peut se sentir bien et on se donne bonne conscience car on a agi pour le bien de quelqu’un et quelque chose. En faisant un don au Téléthon, on aide une cause. Ces personnes ont envie de faire le bien, c’est en accord avec leurs valeurs. Le fait de se donner bonne conscience n’est donc pas le but premier en faisant une action, mais voir des gens se dévouer, faire le bien autour d'eux, donne un signal aux autres qu'il est bon d'être généreux. Se donner bonne conscience ou donner bonne conscience est donc un bon moyen d'encourager les actes positifs d'autrui.

b) La bonne conscience n'est qu'un écho à l'acte moralement bon

Dans les situations d’urgence, on aide par réflexe, dans un comportement spontané. Il est dès lors possible de se donner bonne conscience, même si cela ne semble pas nécessaire. Nous sommes des animaux sociaux dotés d’empathie, c’est seulement après qu’intervient le mécanisme de « se donner bonne conscience ». Outre l'empathie naturelle, l'entraide est par ailleurs une valeur sociale et le surmoi intègre ces valeurs sociales. Lorsque Mamadou Gassama grimpe un immeuble pour sauver quelqu’un, il reçoit médaille d’honneur, et il est régularisé.

Pour lui c’était un devoir d’aider, il a pu se donner bonne conscience par la suite car il a agi selon ses valeurs, mais cela ne vient qu'en écho de son acte bon en conscience. Kant, dans Les Fondements de la Métaphysique des Mœurs, établit qu'on se rend compte que pour qu’une action puisse donner bonne conscience, cette action doit être moralement bonne, c’est-à-dire dont le seul but est de faire le bien. Faire le bien, c’est se conformer à la loi morale, et non obéir à une compassion sans lendemain ou bien faire la charité pour se valoriser soi-même.

II. Mais se donner bonne conscience revient souvent à se dédouaner

Mais en agissant mal, on peut à l'inverse se donner bonne conscience pour justifier ses actes, en se donnant des excuses sur nos motivations premières .

a) La légitime défense comme excuse d'un crime

La légitime défense est une forme de bonne conscience qu'on se donne ou que la société nous accorde. On agit de manière parfois criminelle pour se défendre, car nous pensons ne pas avoir pouvoir faire autrement. On se fait ainsi justice soi-même car on estime que que ni rien ni personne ne peut nous venir en aide. Dans le roman Dolores Claiborne de Stephen King, le personnage principal avoue ainsi avoir tué son mari car il était violent et a commis des attouchements sur sa fille. Elle dit dès lors qu'« elle n’avait pas d’autres choix ». Celle-ci n’est finalement pas condamnée car la justice lui accorde la légitime défense, ayant agi pour se sauver elle-même et libérer sa fille.

Malgré tout, la chose commise constitue un crime autorisé ou légitimé à posteriori et pose la question d'une réponse proportionnée d'un acte criminel par un autre acte criminel. Aussi, au delà d'une personne qui ne pense pas avoir le choix de commettre un crime pour se défendre, et qui a choisi la seule option qu'elle pensait possible, la légitime défense est finalement une manière de se défendre aux yeux de la justice, pour un crime que l'on reconnaît avoir commis mais dont on se dédouane de la responsabilité.

b) Les actions criminelles au nom de principes moraux

De même aux yeux de la société une action peut être horrible, mais son auteur peut penser avoir bien agi, en accord avec ses idéaux. On peut ainsi mal agir, sans réfléchir à l'acte en lui-même, c'est-à-dire sans être conscient de sa portée. Si l'on prend l'exemple d'Heinrich Himmler, un des plus hauts dignitaires du 3e Reich. Les camps de concentration et d’extermination étaient sous son autorité et il a mis en œuvre la Shoah. Il a participé au génocide des juifs et donc au meurtre planifié de millions de personnes.

Mais dans un même temps il rentre le soir chez lui pour retrouver sa famille avec une ambiance qu'on peut qualifier de normale. Il se donne bonne conscience car il suivait la doctrine du parti nazi, à savoir purifier "la race supérieure" des "parasites" tel que les juifs, commentant ainsi en "bonne conscience" des actes parfaitement immoraux. C'est comme mener une double vie, dans un dédoublement de la personnalité, et commettre des actes de barbaries dans l'une et être une personne banale et sans reproche dans l'autre.

III. Se donner bonne conscience ne doit pas se substituer à toute prise de conscience

Se donner bonne conscience a donc la limite de ne pas conscientiser ses actes. Tant qu'il s'agit d'accompagner des actes moralement acceptable, il ne semble n'y a avoir rien de mal à se donner bonne conscience, dans un encouragement. Mais dès qu'il s'agit de justifier de mauvais actes, voire des crimes, se donner bonne conscience revient juste à ignorer les ou atténuer les conséquences de ses actes. Quand dès lors la bonne conscience a un réel intérêt ?

a) On doit pouvoir continuer à agir, malgré la culpabilité de fautes passées

Sans être un saint, on peut légitimement se donner bonne conscience pour éviter de sombrer dans la culpabilité. Si l'on prend l'exemple d'un prisonnier qui purge sa peine, celui-ci a été condamné mais peut continuer à avoir du remord pour ses actes passés. Plutôt que de sombrer dans la déprime ou le rejet de soi, la bonne conscience peut être un moteur pour tous ceux qui admettent difficilement leur place dans la société. Chaque bonne action, sans racheter totalement les fautes passées, est alors comme une bouée de secours qui permet d'avancer.

b) Mais on ne peut pas pour autant éviter toute remise en question, ni oublier ses erreurs

Nous avons vu précédemment que la bonne conscience pouvait servir d'excuse. Mais se donner bonne conscience n'est pas nécessairement une absence de lucidité sur sa responsabilité. On peut se donner bonne conscience et pour autant s'interroger sur la moralité même de nos actes. Se donner bonne conscience de veut pas dire oublier nos mauvaises actions, ignorer les conséquences néfastes de certains de nos choix, ou reconnaître l'existence de nos faiblesses.

Conclusion

Ainsi nous avons admis qu’un homme qui a agi au nom du bien et de la justice peut s’accorder le droit de se donner bonne conscience et que la légitimité à bien agir quand les raisons sont mauvaises est contredite. Nous avons le droit de nous donner bonne conscience si le geste est bon et faisons ça uniquement par volonté de bien agir et non pour la valorisation de soi. Nous ne pouvons nous donner bonne conscience quand il s'agit de se dédouaner de toute responsabilité, en se réfugiant toujours derrière des principes toujours plus flous et bancals.

Dans une entre-deux, lorsqu'on essaie de répondre de son mieux aux principes moraux, sans pouvoir échapper toutefois à toute faute, la bonne conscience peut être notre alliée, comme pour nous encourager à aller vers la bonne voie. Mais celle-ci ne doit jamais s'éloigner complètement de la vraie conscience, basée sur des principes moraux, sans quoi celle-ci n'est qu'une excuse vide de sens.