La rhétorique est-elle utile ?

Devoir de terminale, entièrement rédigé.

Dernière mise à jour : 01/12/2021 • Proposé par: lolilol (élève)

Selon Aristote, la rhétorique est l'art d'imposer son point de vue aux autres par la parole. Elle est la faculté de convaincre par le discours. Celle-ci semble être manifestement utile à celui qui parle, mais est-ce que celle-ci est vraiment utile à l'auditoire que l'on cherche à persuader ? Nous nous intéresserons d'abord aux aspects utiles de la rhétorique, puis nous verrons ensemble si dans certains cas elle peut ne pas l'être ; pour l'orateur ainsi que pour l'auditoire.

I. La rhétorique est utile pour faire passer des idées

Tout d'abord, on pourrait penser que la rhétorique est utile puisqu’en tant qu'art de la parole et de la persuasion, elle peut servir à influencer les foules et à exercer une force sur elles. Ainsi, elle peut se montrer utile devant un tribunal afin de convaincre que nos actes étaient justes et utiles devant une assemblée afin de la mener à une décision adéquate. La rhétorique permet également de glorifier quelqu'un, dont les actes passés auraient été oubliés. La rhétorique montre en fait ce qui est crédible comme vrai et évident. La rhétorique est ainsi notre capacité à véhiculer des idées, à faire usage de la langue avec éloquence, et donc de servir les faits de manière limpide, dissipant les confusions et autres hésitations.

L'utilité de la rhétorique va encore plus loin puisque celle-ci permet de convaincre dans tous les domaines, même dans ceux qui ne nous sont pourtant pas familiers, par exemple une personne qui convainc une autre de prendre un certain médicament alors qu'elle n'est pas qualifiée pour. D’où le caractère assez ambivalent de la rhétorique. Il est ainsi possible de faire un mauvais usage de la rhétorique. Georgias dit à ce propos, "On ne peut pas accuser la rhétorique du mauvais usage que l'on fait d'elle". La rhétorique s'entend dès lors comme un outil, dont on peut faire bon ou mauvais usage. Cet outil est dans tous les cas cas utile à son utilisateur, même si cela est parfois aux dépens de son auditoire.

On ajoutera enfin que la parole est indispensable à la réalisation de tout projet collectif. Car il est évident que pour travailler ensemble, il faut savoir communiquer ses idées aux autre. Aussi le meilleur orateur, c'est-à-dire celui qui par la rhétorique aura su rendre son idée séduisante et convaincante, sera très probablement celui dont l'idée sera soutenue par le plus grand nombre. La rhétorique a aussi un effet mobilisateur, qui permet aux hommes de se dépasser, se battre pour une cause commune, mise en lumière par la rhétorique.

La rhétorique est ainsi un outil puissant pour faire passer des idées, convaincre et encore mobiliser. Mais la rhétorique présente des limites, car après tout, cela, ça ne reste que de simples mots, et sans acte derrière, elle ne reste que contre-productive.

II. Mais la rhétorique sans acte n'est que contre-productive

En effet la rhétorique n'est pas forcément utile à tous. Au sophiste Georgias par exemple, sa maîtrise de la parole lui donne certes du prestige, mais il n'est pas sûr qu'elle ait un effet bénéfique sur l'interlocuteur ! Car le sophiste, grâce aux mots qu'il sait manier, peut mentir à sa guise, nous mettre de la poudre aux yeux.

La rhétorique est donc utile au sophiste, pour son propre prestige, mais pas aux autres, qui se font dans bien des cas tromper. La rhétorique est en effet une forme de flatterie adaptée à ceux qui l’écoutent. L'orateur dit à son public ce qu'il souhaite entendre, et son objectif n'est pas forcément de produire le plus grand bien, mais d'abord de plaire au plus grand nombre. Platon voit ainsi la rhétorique comme une séduction, une manipulation des esprits. Elle permet de persuader quelqu'un a avoir une : "croyance, mais pas une connaissance". De même une croyance, diffusée grâce à l'art de la rhétorique, n'a aucune garantie de perdurer dans le temps, puisque quelqu'un d'autre peut la dissiper ou la remplacer par la suite. La rhétorique sans fondement rationnel n'a donc qu'un effet limité, tout en étant une forme de tromperie.

Aussi la rhétorique fausse notre rapport au langage, et elle peut donc être utilisée afin de faire croire n'importe quoi. On peut faire croire quelque chose de vrai comme quelque chose de faux. Car, le langage, particulièrement lorsqu'il est bien manié, peut servir à dissimuler, à cacher la vérité. C'est par exemple ce que l'on peut reprocher aux hommes politiques, qui font d’énormes discours, mais qui, souvent, n'agissent pas par la suite. Aux yeux du peuple, la rhétorique est alors dans bien des cas non seulement inutile, mais également source de déception. Malgré tout certaines personnes, intelligentes et surtout, averties des effets de la rhétorique, peuvent ne pas se faire manipuler. En effet, dans une société où tout le monde serait averti des effets de la rhétorique, celle-ci serait alors sans effet. La rhétorique sans retrouve dès lors que contre-productive, se retournant contre son ou ses utilisateurs.

Enfin et surtout, la rhétorique sans action derrière n'est rien. Montaigne, dans ses Essais rend ainsi compte de la méfiance à l’égard de la seule parole. Dans son chapitre XV, il imagine deux architectes en compétition qui soumettent leur projet aux nobles de leur ville. Le premier présente un long et magnifique discours et impressionne beaucoup l'auditoire, tandis que le second se contente de quelques mots : "Seigneurs, ce que celui-ci a dit, je le ferai". Qui choisir ? Le beau parleur qui derrière son long discours cache peut-être son incompétence, ou le second qui laisse entendre que l'important n'est pas ce que l'on dit, mais ce que l'on fait. En effet le beau parleur ne dit pas forcément la vérité, il cache peut-être la réalité. Le langage est le pouvoir de parler de ce qui n'existe pas (ici un bâtiment) et qui n'existera peut-être jamais. De ce fait, il parvient a constituer une réalité, un imaginaire, celui-ci n'est fait que de mots et ne prend place que dans l'esprit des hommes. En effet une action possible n'est que parole et n'est pas encore une action.

Conclusion

En conclusion, entre le «tout» des sophistes et le «rien» de Platon, la rhétorique se contente d’être un outil, mais qui a un caractère ambivalent. Elle traduit à la fois un art et une capacité à imposer sa vision des choses a un auditoire donné, mais aussi le fait de parfois construire des discours vides, insoucieux de la vérité et ne visant qu'à duper les gens. Pour Platon, la rhétorique n'est qu'une éloquence "formelle", Socrate lui la considère comme une forme de flatterie adaptée a ceux qui l'écoutent, tandis que selon Aristote, la rhétorique est utile et nécessaire et il la définit comme l'étude des techniques propres à élaborer des discours capables de persuader.

Ainsi la rhétorique est donc utile puisqu'elle a le pouvoir d'amener des foules à adhérer à n'importe quelles causes, mais elle n'est pas utile ni à tout le monde, ni tout le temps. En effet, dans toutes relations rhétoriques, il faut tenir compte d’une relation à trois termes: l’orateur, l’auditoire, et le discours lui-même. L'auditoire, qui très souvent est victime de la rhétorique, n'en a dès lors aucune utilité, hormis lorsqu'il est avertit de se ses effets. À l'orateur, la rhétorique se montre bien souvent utile afin de manipuler l'auditoire, mais on a montré que parfois, la sincérité et la sobriété d'un orateur valent mieux que les longs discours. Le principal, c'est d'agir, et la rhétorique ne garantit pas l'action.