Quels sont les critères du réel ?

Dissertation entièrement rédigée en trois parties :
I. Notre perception du monde sensible n'est pas un critère du réel stable parce qu'elle inclut parfois l'erreur,
II. En fait il n'existe pas de réel en soi autre que celui dans lequel nous vivons à chaque instant,
III. L'espace et le temps sont les critères d'un réel qui se laisse approcher, mais non saisir

Dernière mise à jour : 15/09/2021 • Proposé par: bac-facile (élève)

Introduction

Demander quels sont les critères du réel, c'est déjà prétendre qu'il y a un réel en soi. La question préalable est alors : qu'est ce que le réel ? Est réel ce qui ne peut être entamé par une fiction, ce qui exclut toute chimère, toute apparence, toute illusion. Devrons-nous assimiler le réel à l'ensemble des choses actuellement existantes ? Ou plutôt à une vérité vers laquelle nous tendons ? Et - dans ces deux cas - qu'est ce qui me permet d'appréhender le réel ? Un critère (ou critérium) - vient du grec kriteriôn - désigne la marque qui sert de référence pour distinguer le vrai d'avec le faux, le signe grâce auquel on différencie une chose de toute autre. Qu'est-ce qui me garantit qu'il s'agit de telle ou telle chose ? Quelles sont les connaissances indubitables que nous avons du monde qui nous entoure ? A qui ou à quoi se fier pour savoir si c'est réel ? Comment envisager de répondre exhaustivement à la question : quels sont les critères du réel ?

Nous constaterons en premier lieu que notre perception du monde sensible n'est pas un critère du réel stable parce qu'elle inclut parfois l'erreur, et que la raison est l'indice d'une vérité plus réelle que la réalité immédiate. Pourtant, qu'est ce qui me garantit qu'il existe une vérité vers laquelle nous tendons ? Nous montrerons en second lieu que cette vérité est un obstacle à notre recherche, parce qu'il n'existe pas de réel en soi autre que celui dans lequel nous vivons à chaque instant. Dans cette optique, les critères du réels servent à communiquer la vision du monde dont dispose chaque individu. N'y a t-il pas néanmoins des signes absolus qui garantissent que c'est réel ? Nous emprunterons en dernier lieu le chemin de la science, qui considère l'espace et le temps comme les critères d'un réel qui se laisse approcher, mais non saisir...

I. Notre perception du monde sensible n'est pas un critère du réel stable parce qu'elle inclut parfois l'erreur

L'animal ne se pose pas de question : il vit le réel sans le savoir. Le fait de se demander si quelque chose est réel nous éloigne déjà du réel. Est réel tout ce qui ne se pose pas la question de savoir si c'est réel ou non. Le critère du réel de l'animal, c'est l'appétence qui le caractérise. Pour un chat, les critères du réel sont l'instinct de conservation qui le pousse à se nourrir et à se reproduire. Pour un bébé, l'unique critère du réel est le sein maternel qui lui permet de survivre. L'instinct réagit spontanément; sans ce critère, c'est la mort assurée. On n'a pas à revenir sur ce qui est instinctif : du premier coup, c'est ça, et il n'y a aucun doute possible. En art, une esquisse est souvent plus parlante qu'un tableau achevé, parce qu'elle s'empare instinctivement d'un fragment du réel, sans s'en rendre compte. Au premier abord, il semble que l'instinct soit un critère du réel. Est-ce à dire que l'instinct ne se trompe jamais ? Mon chat essaye désespérément d'attraper les objets qui bougent sur l'écran de télévision. Il croit que tout ce qui bouge est réel, mais en réalité, il se trompe ! Il ne connaît pas la différence entre ce qui est réel et ce qui est virtuel. Dans les Trois Dialogues de Berkeley, Philonous montre à Hylas que lorsque nous trempons une main dans l'eau froide et l'autre main dans l'eau chaude simultanément, et que par la suite nous trempons les deux mains dans une eau de même température, nous avons deux sensations de chaleur opposées. Si la perception est un critère du réel, nous attesterons que l'eau n'a pas la même température à gauche et à droite; mais nous nous tromperons comme le chat, car l'eau a réellement la même température. L'instinct n'est pas un bon critère du réel puisqu'il inclut l'erreur, faute de savoir. Le savoir est donc lié au réel : il indique que le réel n'est pas immédiatement donné. Dès lors, comment l'appréhender ?

La raison est pour l'homme un critère du réel beaucoup plus sûr que la perception immédiate, dans la mesure où elle dispose d'un savoir. Et un minimum de savoir permet de comprendre qu'il y a un décalage entre le réel et ce qui nous apparaît comme réel. Il convient de distinguer le réel en soi - immuable et valable pour tout le monde à tout moment - et le réel pour moi - la réalité immédiate telle qu'elle nous est donnée par l'intermédiaire des sens. Le monde qui s'offre à nous n'est peut-être qu'un mirage qui n'aurait rien de réel hors de notre psychisme. Qui veut découvrir quels sont les critères du réel devra accoutumer son esprit à se détacher des sens, car ils sont source d'erreurs; tel est le chemin emprunté par Descartes dans les Méditations. L'esprit approche le réel par une réflexion sur les impressions qu'il reçoit par l'entremise des sens. Seul un esprit humain peut déshabiller la substance et la dépouiller de ses qualités sensibles afin d'en saisir l'essence. L'esprit ne peut s'annuler lui-même; il est la mesure de toute évidence possible. Husserl, dans Les Méditations Cartésiennes, poursuit les investigations de Descartes et montre que c'est dans une vue purement immanente que la conscience saisit le réel. La conscience de soi est l'instance qui connaît (scire) avec (cum) une appréciation sur ses propres actes de connaissance. Nous ne percevons jamais la chose réelle car elle se profile sous une infinité de silhouettes; l'objet réel ne peut être aperçu sous tous ses angles au même instant. L'objet peut ne pas exister, mais la conscience est donnée à elle-même dans l'évidence la plus absolue. C'est par l'intentionnalité que la conscience est en mesure d'appréhender le réel. La conscience prend d'elle-même dans son accomplissement, et forme une unité immédiate avec elle-même : elle est le fondement apodictique d'une philosophie universelle. Elle est le critère du réel par excellence.

Pourtant, si je dessine une pomme aussi parfaitement que possible tout en visant la pomme réelle dans ma conscience, elle ne sera jamais réelle sur la feuille parce qu'elle n'en représentera qu'un aspect. Si je la sculpte, il lui manquera le goût. Et si je cultive une pomme, ce n'est plus de l'art, mais de l'agriculture. Si le Réalisme n'est pas un critère du réel en art, est-ce à dire que le Surréalisme l'est davantage ? Si nous demandions à Platon quels sont les critères du réel, celui-ci soutiendrait qu'il faut tourner les dos à la réalité pour saisir le réel. Tout critère suppose une distinction entre vrai et faux, donc il existe un vrai réel et un faux réel. L'allégorie de la Caverne du livre VII de La République enseigne qu'il ne faut pas se fier à l'apparence. Le réel n'est pas dans les ombres que nous voyons, mais derrière nous, de l'autre côté, vers la source de la lumière. Pour remédier à la défaillance de la perception, il faut admettre une existence stable, celle du Bien en soi, qui constitue l'unique critère du réel, en tant qu'il est l'expression du divin vers laquelle les hommes doivent s'efforcer de tendre. Le réel est identifié à une vérité transcendante, et l'homme est tenu de croire en cette vérité qui le dépasse. Une conversion est nécessaire pour appréhender le réel, et l'âme en est l'indice, car " quand elle est dépouillée du corps, on y reconnaît tous ses caractères naturels avec tous ses signes accidentels dont l'a marqué l'individu selon sa conduite en chaque occasion " (Le mythe des Enfers, Le Gorgias).

Nous avons vu que la perception n'était pas un critère du réel, mais que l'âme était plus en mesure de l'approcher, parce qu'elle est le critère de la vérité. Mais n'est-ce pas là une conclusion un peu hâtive que de se précipiter sur une âme pour justifier ce qui échappe au corps ? Qu'est ce qui me certifie qu'il existe une vérité stable dissimulée en deçà de la réalité immédiate ?

II. Il n'existe pas de réel en soi autre que celui dans lequel nous vivons à chaque instant

Le réel est une règle fixée selon les peuples et suivant les époques; et à chaque époque, un modèle est très prégnant. Et, selon Nietzsche dans Le Gai Savoir, " Dieu est mort; mais telle est la nature des hommes que, des millénaires durant peut-être, il y aura des cavernes où l'on montrera encore son ombre. " Des siècles durant, l'influence prépondérante de Platon marquera le monde de son estampille. Cette vérité, qui se substitue au monde réel, constitue un modèle très prégnant, et engendre des croyances, des dieux, des cultes, des convictions, des rites, des ascèses, des peurs, des péchés. Dans la Généalogie de la Morale, toute l'entreprise de Nietzsche consiste à saper ces faux critères du réel, bien qu'il n'y ait en réalité ni de faux ni de vrais critères; ces évaluations sont dérivées des notions morales de bien et de mal, qui furent inventées et conservées par les théologiens afin qu'ils préservassent le pouvoir. Il s'agit de détruire ces valeurs théologiques qui sont à l'origine de tous nos jugements, et de désacraliser ce monde intérieur en soutenant que le monde apparent est le seul. En fait, " la vérité est une espèce d'erreur sans laquelle l'être vivant ne saurait vivre " parce qu'elle se substitue aux ténèbres qui offusquent l'esprit face au néant de l'existence inconsciente. Il y a toujours de l'opacité qui vient se loger quelque part et empêche de voir la réalité en face. Il faut détruire ces illusions qui entravent toute éventuelle révélation du réel. C'est pourquoi Marx soutient que " la religion n'est que le soleil illusoire qui gravite autour de l'homme tant que l'homme ne gravite pas autour de lui-même. " Et lorsque l'homme tourne autour de lui-même, il est en mesure de choisir ses propres critères du réel. Marx invente un autre critère du réel : le marxisme. Ainsi, il semble qu'il faille détruire les critères du réel pour amener les siens propres. Dès lors, la question n'est plus : quels sont les critères du réel ? mais : quels sont mes critères du réel ? Autrement dit, qui suis-je ? Et quel est mon positionnement par rapport au monde ?

Il n'y a pas de critère universel du réel, parce qu'il n'y a pas de réel autre que la réalité dans laquelle chacun vit à sa façon. La prise de conscience de la réalité perçue élabore progressivement le lien qui unit le moi au monde, et c'est l'affirmation de ma réalité perçue qui devient un critère du réel. Plus les homme prennent conscience de leurs propres critères du réel, plus ils découvrent de façons de voir le monde. Les artistes qui ne possèdent pas leurs propres critères du réel ne résistent pas à l'usure du temps. Ils ne parviennent pas à devenir eux-mêmes, parce qu'ils ne choisissent pas leurs propres critères du réel, mais ceux des autres. Seuls, quelques uns subsistent parce qu'ils sont en avance sur les critères de leur époque; ils n'obéissent qu'à leurs propres critères. Picasso incarne ce type d'artiste qui ne se souciait guère des modèles de l'époque; il déforme, reforme, reconstruit selon ses propres critères, et engendre un nouveau réel qui se nommera le cubisme. Le créateur sait quels sont les critères du réel : ce sont les siens !

C'est une grande erreur de surestimer la conscience au point de la considérer comme un critère du réel, car elle n'est qu'un outil du corps qui n'a pu se développer que sous la pression du besoin de communication. Selon Nietzsche dans Le Gai Savoir, " toute prise de conscience revient à une opération de généralisation, de superficialisation, de falsification, donc à une opération foncièrement corruptrice. " Notre propre point de vue sur le monde, notre manière de penser et d'envisager les choses dépend de la manière dont le corps en fait la synthèse. C'est pourquoi " la croyance au corps est mieux assise que la croyance en l'esprit " car le corps ne tergiverse point; il est l'instrument de mesure réel du moi par rapport au monde. Le corps est mon critère du réel. Tout est mélangé, disparate, et c'est à nous d'établir une nomenclature susceptible d'organiser le chaos du monde. Les critères du réel dépendent notre propre point de vue sur les choses qui nous entourent. L'homme range le chaos dans des cases; et chaque case est un nouveau critère. Les critères du réel sont donc de plus en plus nombreux. Le langage est le lien par lequel tout le monde s'accorde pour classifier, ranger, simplifier, hiérarchiser, dans le but d'avoir une vision globale du chaos. Ainsi, " l'imprécision et le chaos des impressions des sens sont en quelque sorte logifiés. " Grâce au langage, on établit des critères du réel, d'un réel imaginaire qui n'est que l'organisation du chaos des sensations du corps. Le langage est donc le critère commun d'un réel toujours individuel.

Pourtant, comme le montre Paul Valéry dans Les Cahiers, " ce qui obscurcit presque tout, c'est le langage parce qu'il oblige à fixer et qu'il généralise sans qu'on le veuille. Le langage n'a jamais vu la pensée. " La pensée est muette, et il convient de respecter son silence afin de garantir son authenticité. A mesure que l'on s'approche du réel, on perd la parole. Toute retranscription du réel est dégradation. " Je n'ai point de nom, dit une chose. Et quand tu m'appelles ceci, tu regardes quelque autre chose et te détourne de moi. " La conscience travestit le réel en le simplifiant. Le réel est codifié, tout comme une musique est codifiée sur une partition par une succession de signes; il y a alors une distance entre la chose réelle et le code. Le musicien dispose d'un code graphique permettent de retranscrire des sons en signes; mais cette retranscription ne sera qu'une vulgarisation de la musique entendue préalablement dans son esprit, et qui n'a pas d'équivalent matériel dans la réalité.

Ainsi, toute représentation du réel est faussée, parce qu'elle implique un choix subjectif. Tout est représentation d'un réel qu'on ne peut appréhender. Le langage, c'est le réel en tant qu'il est repris par des signes. N'est-ce pas là un signe qu'il y a quelque part un réel qui nous échappe mais dont nous appréhendons l'existence par des codes ? Peu importe, du moment qu'il y a des critères du réel. le consentement universel ? les instruments de mesure ? Dans tous les cas, les critères du réel reposent sur des mesures humaines. Quels sont les critères du réel ?

III. L'espace et le temps sont les critères d'un réel qui se laisse approcher, mais non saisir

Demander quels sont les critères du réel, c'est déjà être hors du réel. Le réel n'a pas le temps de se poser des questions; il est à chaque instant. Il y a une chose qui soit incontestablement présente à chaque instant, à chaque époque, qu'on le veuille ou non : c'est le temps. Certes, le temps est mesuré, codifié, tout comme le langage. Mais cette simplification dévoile l'existence d'un phénomène absolument réel, auquel il n'est pas possible de nous soustraire. Le temps est bel et bien réel; et toute action rend compte de son existence. Si nous pouvions modifier le cours du temps, il n'y aurait plus de critère du réel, car nous pourrions alors orienter le présent vers une infinité de directions simultanément, ce qui est inconcevable. Si le temps est un critère du réel, cela implique que l'espace est aussi un critère du réel. En effet, comment concevoir le temps sans matière ? Le temps est une dimension qui s'ajoute aux trois dimensions spatiales. Ces quatre dimensions sont les quatre critères du réel dont nous ayons continuellement la preuve. L'espace et le temps constituent le soubassement du réel.

Un point est désormais acquis : l'espace et le temps sont des critères du réel. Ce qui est réel, c'est ce que nous pouvons faire subir au temps, c'est-à-dire sa transformation par l'intermédiaire de l'action. Lorsque l'action est inscrite dans le temps, on ne peut plus revenir en arrière. L'action est donc la véritable expérience du temps. Il suffit de briser une craie en deux pour montrer qu'on ne peut plus modifier l'action lancée dans le processus temporel. L'action est un critère du réel en tant qu'elle modifie le réel et inscrit l'effectivité du temps. Il est universel, à la portée de tout le monde. L'action modifie le cours des choses, contrairement à la pensée et à l'illusion dialectique de la conscience de soi; plus on spécule sur l'action, plus elle recule. Nous sentons bien qu'une personne d'âge mûr connaît mieux les critères du réel, en tant qu'elle a plus d'expérience. Le réel apporte ses propres critères avec le temps. C'est la raison pour laquelle Sartre soutient que l'expérience précède l'essence. L'expérience est le critère sur lequel l'individu réel se forge, et la pensée la plus vive ne fait pas le poids devant l'action. L'expérience consiste à soumettre une pensée à l'action, afin de se rendre compte si cette pensée a de la consistance. Si une pensée n'a rien de réel, alors elle capitule devant les données brutes de l'expérience. C'est la raison pour laquelle les sciences de la matière reposent sur une démarche très rigoureuse. Car selon Duhem, " l'accord avec l'expérience est, pour une théorie physique, l'unique critérium de vérité. " La démarche expérimentale propre au savant consiste à observer un phénomène nouveau, suppose sa cause, puis émet une hypothèse qu'il soumet au verdict de l'expérience. Ainsi, le savant part de la réalité, puis s'en éloigne, pour y revenir ensuite de manière plus sûre : en partant de la réalité, il accède au réel. Pourtant, le réel découvert se dresse contre le réel précédemment admis. Le Verrier par exemple montre que l'orbe de la planète Uranus ne correspond pas tout à fait aux calculs établis par Newton. Bien que ces calculs soient justes, il devra supposer l'existence d'une planète imaginaire et en calculer l'emplacement pour justifier ces déviations; et c'est ainsi que Le Verrier découvrira en 1848 l'existence de Neptune !

Il convient d'intégrer plusieurs points de vue pour de comprendre un phénomène aussi complexe que la lumière; la théorie ondulatoire de Huyghens et la théorie corpusculaire de Newton sont deux systèmes conflictuels. Or, dans l'Evolution des Idées en Physique, Einstein assure que " nous avons deux images contradictoires de la réalité; aucune, prise séparément, n'explique pleinement les phénomènes de la lumière mais ensemble elles arrivent à le faire. " Il ne faut pas nécessairement opposer le réel à l'imaginaire, car l'imaginaire peut être un critère du réel, notamment en science. Dans Le Cantique des Quantiques, Ortoli et Pharabod prétendent que " pour comprendre ces principes, l'imagination est plus importante que les mathématiques, et un déploiement d'images et de métaphores permet d'aller plus loin qu'un simple déroulement d'équations. " Dans la physique quantique, il faut pouvoir imaginer un monde avec des dimensions que nous ne connaissons pas. Il s'agit de découvrir la vérité en se détachant des opinions et des apparences. C'est en supposant des critères du réel que nous approchons le réel, même si ces critères sont faux. La vérité scientifique et philosophique construite et démontrée par la raison n'est qu'un système de représentation du réel. Selon Claude Bernard dans l'Introduction à l'Etude de la Médecine Expérimentale, " les théories que nous possédons sont loin de représenter des vérités immuables. Elles ne sont que des vérités partielles et provisoires qui nous sont nécessaire, comme des degrés sur lesquels nous reposons, pour avancer dans l'investigation. " Ces théories sont des critères du réel provisoires; elles représentent l'état actuel de nos connaissances. Gaston Bachelard, dans la formation de l'Esprit Scientifique, affirme que " la connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres. Elle n'est jamais immédiate et pleine. Les révélations du réel sont toujours récurrentes. Le réel n'est jamais ce qu'on aurait pu croire, mais ce qu'on aurait dû penser. La pensée empirique est claire après coup, quand l'appareil des raisons a été mis au point. " Entre le réel et nous, il y a une frontière déplacée qui n'est que fuite. Les critères du réel sont comparables à un escalier en colimaçon que l'homme gravit sans cesse sans savoir où il va. L'expérience fait reculer de plus en plus les critères du réel vers le réel.

Conclusion

Chaque époque possède un niveau d'observation dominant, en vue de la conquête du réel. Le niveau d'observation est un point de vue que l'on empreinte pour saisir le réel. C'est un critère provisoire. Hier, c'était Dieu; aujourd'hui, il s'agit de la physique cantique et de la physique nucléaire. Demain, il s'agira sans doute de l'Internet... Le niveau d'observation recule d'un cran à chaque fois : il intègre toutes les découvertes du réel qui précèdent, et tend ainsi à réduire l'écart entre l'homme et le réel. Un niveau d'observation est nécessaire pour mieux comprendre les lois qui régissent le fonctionnement du monde. Le constat de ce qui est - parallèlement au niveau d'observation en vigueur - est un critère du réel. En définitive, nous pouvons donc supposer l'existence d'un réel que toute entreprise humaine s'efforce d'appréhender. C'est par l'intermédiaire de cette recherche que se fonde la connaissance du monde chaque jour plus conséquente. Mais les critères du réel évoluent sans cesse, et se déplacent toujours sans jamais atteindre le réel. Les critères du réel se greffent sur le réel et cherchent à le saisir, mais il n'y parviennent guère. On approche le réel par des critères, mais on ne l'atteint pas. Si nous ne sommes pas en mesure d'énumérer tous les niveaux d'observation du réel, c'est parce qu'il touche à l'infini. Et, comme dit le proverbe chinois : " On n'attrape pas le vent avec un lasso "...