Pourquoi échange-t-on ?

Copie de l'élève. Note obtenue : 13/20.

Dernière mise à jour : 16/03/2021 • Proposé par: papou (élève)

Introduction

Il suffit de se pencher sur l’actualité pour prendre conscience de la place que prennent les échanges dans notre quotidien et que le verbe « échanger » est au cœur de notre existence. Que ce soit à travers les différents titres ou articles de la presse écrite ou parlée, à travers nos conversations ou nos activités, il y est fait quotidiennement référence. Encore est-il nécessaire de s’entendre sur sa signification et sur tout ce qui l’entoure !
Le dictionnaire nous dit qu’ « échanger est le fait de céder ou de recevoir quelque chose en contrepartie d’une autre chose considérée comme équivalente à la chose cédée ou reçue ».
Mais qu’échange-t-on et comment échange-t-on ? L’actualité, qui nous informe que tel socio-économiste a analysé « les échanges de biens et services des ménages», que deux chefs d’Etat ont eu « des échanges de points de vue », que la conférence scientifique a donné lieu « à des échanges approfondis des connaissances actuelles» ou encore que ce couple de célébrités a « échangé leur consentement mutuel », nous indique que tout, objets, services, bien matériel ou immatériel, peut donner lieu à échange. Quant à la forme que ce dernier peut revêtir, elle peut être elle-même très diverse et dépend de ce qui est échangé: achat/vente pour un bien ou un service, mais aussi troc, don, ou encore cadeau, discussion pour des informations, débat pour des idées.
Quoiqu’il en soit, l’important est que l’échange suppose d’être au moins deux ; en effet la réciprocité qui en est la base ne peut exister qu’à partir du moment où il existe un cédant et un receveur, chacun d’eux jouant l’un et l’autre des rôles. De ce point de vue, l’acte d’échange apparaît comme un acte social.

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Ainsi commence-t-on à mettre à jour la complexité du phénomène et sommes-nous amenés à nous poser la question de savoir « pourquoi échangeons-nous ? question à double sens qui signifie à la fois : « dans quel but échangeons-nous ?» et pour quelles raisons échangeons-nous ?
« Qu'est-ce qui motive l'échange en effet? Recherche-ton un but déterminé en donnant quelque chose et en recevant en retour ? ». Ou « Est-ce la relation à nos semblables et à tout ce qui est lié à cette dernière que l’on cherche à établir ou à consolider? »
L’échange est-il essentiellement l’acte de commerce qui peut amèner les hommes à être des concurrents voire des adversaires, ou est-il la raison (le prétexte) des rapports entre eux, permet-il la socialisation des individus, l’établissement des liens entre eux, le dialogue, la réflexion commune, pour, en fin de compte, vivre dans une société harmonieuse ?
Chercher à répondre à ces interrogations nous conduira donc, dans une première partie, à dégager les buts immédiats que nous poursuivons lorsque nous échangeons, puis dans une seconde partie, nous essayerons de mettre en évidence les raisons plus profondes de nos échanges et de démontrer que c’est l’échange qui nous procure notre humanité.

Première Partie

Idée générale : Nous échangeons pour satisfaire nos besoins et notre intérêt.

Il semble bien que les échanges entre les hommes aient toujours existé et qu’ils soient liés au genre humain dans la mesure où ils répondent à des besoins qui se sont manifestés dès l’origine. Au tout début, l’échange s’est vraisemblablement limité à actes destinés à assurer la survie des membres du groupe.
C’est plus tard que les échanges, qui portaient surtout sur des biens ou des services, ont commencé à se développer avec la naissance de la propriété et l’apparition du troc (échange marchand). En effet, pour l’essentiel, cet échange peut être réduit à un transfert de propriété.
Dans le troc, forme la plus primitive d’échange marchand, celui-ci est double et repose sur l’équivalence des biens ou services échangés, chaque « propriétaire-cédant » accordant le même degré d’utilité au bien qu’il cède.
Les premiers échanges ont ainsi eu pour but de satisfaire les besoins physiologiques ou de conservation de l’homme: lui fournir sa nourriture, lui assurer sa sécurité, besoins fondamentaux directement liés à la pérennité de l’espèce.
L’introduction de la monnaie et sa conséquence l’apparition de la notion de valeur, tout en en renforçant cette notion d’utilité, ont facilité les échanges et les ont transformés en « achats ». En même temps, est venue s’ajouter la notion d’intérêt : dans l’achat, pour l’acquéreur, l’utilité prêtée à un bien est certes liée au besoin qu’il en a mais aussi à l’intérêt qu’il a à le posséder et à le garder (se constituer un patrimoine en achetant un logement); pour le vendeur, l’intérêt du bien réside dans le bénéfice qu’il escompte retirer en le cédant. C’est ce bénéfice qui, dans le cas d’un petit artisan ou commerçant, lui permet de gagner sa vie.
Au-delà de ceux destinés à satisfaire nos besoins primaires, il apparaît que nos échanges sont fondés sur l’intérêt que nous portons au fait de posséder tel ou tel objet soit dans le but de le garder, soit dans le but de le céder à travers un nouvel échange. Cet intérêt, le plus souvent matériel qui s’évalue en monnaie, peut aussi être immatériel et être d’ordre intellectuel ou affectif.
Nos échanges seraient donc fondés sur la notion d’utilité de la propriété (ou utilité de posséder) définie par rapport au besoin que nous éprouvons et sur l’intérêt qui en résulte.
Cependant, l’intérêt à posséder ne se limite pas à l’avantage direct, financier ou intellectuel; l’intérêt peut encore être provoqué par l’importance que nous accordons à cette possession. Cette dernière notion est largement utilisée par les techniques de marketing qui cherchent à faire naître en nous le désir d’achat. Pour cela, elles font appel à différents désirs humains : désir d’affection, désir de reconnaissance de ses semblables, désir d’appartenance à un milieu social, désir d’estime.
L’acquisition d’un bien (un tableau par exemple) que nous désirons nous procure la satisfaction de le posséder et le plaisir de le contempler, mais répond également à notre intérêt car il flatte notre « ego » et nous apporte le sentiment d’être « reconnus » (voire jalousés) par nos semblables.

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Pourtant, s’en tenir au seul intérêt ne suffit pas. L’échange est aussi la condition du lien social permis notamment par le langage.
Le langage, outil indispensable à l’échange immatériel (mots, idées, connaissances) serait né de la nécessité d’échanger des biens matériels car c’est pour communiquer en vue de satisfaire leurs besoins fondamentaux que les hommes l’ont inventé. L’échange marchand, même le plus primitif comme le troc, ne peut en effet se conclure sans un accord scellé qui vient clore un échange verbal. Mais cet échange verbal va bien au-delà de cet accord.

Deuxième Partie

Idée générale : Nous échangeons parce que cela facilite le développement et l’expression de notre humanité.

L’échange marchand ne vise pas seulement à obtenir un bien ou un service dont nous avons besoin en échange d’un autre bien ou service. Echanger ne se limite pas à donner de l’argent en contrepartie d’un bien ou d’un service pour répondre à un besoin ou à un intérêt.
L’échange verbal né de l’échange marchand trouve certes son utilité en lui-même, mais son rôle est bien plus large et beaucoup plus important dans la vie sociale.
Le lieu où se tiennent les échanges, le marché, est aussi un lieu de rencontres où l’on échange des où l’on échange des nouvelles, des informations à travers des conversations qui créent ou entretiennent le lien social, avant d’échanger des produits. Dans certaines sociétés, la satisfaction retirée de l’échange verbal tenu au cours du « marchandage » est aussi importante que le fait d’avoir conclu une transaction commerciale. C’est pourquoi certaines négociations peuvent durer bien plus qu’il ne nous paraît, à nous, nécessaire.
Echanger verbalement (on ne parle pas seul), c’est surtout échanger des idées, des connaissances, apprendre et transmettre un savoir, une technique, c’est partager et transmettre des modes de pensée et des valeurs morales qui structurent la société. Mais échanger est aussi, se confronter, s’opposer parfois avec vivacité voire avec une certaine violence dans des débats d’idées qui, cependant, font progresser les débateurs et les idées elles-mêmes sur le chemin de la pensée philosophique, celui de la morale ou sur celui de la démocratie. Echanger des connaissances contribue également à les faire progresser.
L’homme a besoin d’échanger par la parole, par les gestes, par le regard et les expressions de visage pour devenir et demeurer humain et pour s’améliorer sans cesse en termes d’humanité. L’enfant sauvage, privé d’échanges par la voix, les gestes, le toucher reste un être sauvage sans humanité comme on a pu le constater dans certains orphelinats en Roumanie. De même, l’homme privé d’échanges redevient sauvage. Ainsi en est-il de Robinson (Robinson ou la vie sauvage de Michel Tournier) isolé sur son île et qui, faute de contacts et d’échanges, régresse, revient à des comportements animaux avant de faire la rencontre de Vendredi. La difficulté pour les « SDF » n’est-elle pas aussi dans le fait qu’ils sont en grande partie privés d’échanges et que sous l’effet de cette privation, ils perdent une part de leur comportement humain.
C’est que nous ne sommes pas faits pour vivre seuls et que nous avons besoin de relations avec les autres. Echanger c’est donc se faire des relations, créer des liens sociaux et culturels, obtenir la reconnaissance de nos semblables et apporter le témoignage de notre appartenance à la communauté. La satisfaction du besoin de reconnaissance sociale est, en effet, pour l'homme, aussi importante que celle des besoins physiologiques ou de sécurité.
Nous échangeons également lorsque nous invitons des relations ou des amis à prendre un verre ou à partager un repas. Nous échangeons alors des moments de convivialité, de détente qui nous donnent du bonheur immédiat mais qui surtout à terme nous rendent meilleurs, plus humains, capables d’être plus attentifs aux autres.
Nous échangeons des cadeaux moins pour recevoir autre chose en retour que pour créer, entretenir un lien social. Echanger, c’est aussi être solidaire des autres. Même le don est une forme d’échange dans lequel nous ne cherchons pas la reconnaissance de celui à qui l’on donne (association ou organisme que l’on ne connaît pas) mais plutôt notre propre estime et sans doute un peu celle des autres.
Echanger, c’est également aimer : que ce soit éprouver des sentiments d’amitié réciproque et satisfaire ainsi notre besoin d’affection, ou que ce soit partager le sentiment d’amour conjugal ou filial et connaître le bonheur d’être aimé. Pour se nourrir, l’un et l’autre des deux sentiments ont besoin de donner et de recevoir.

Conclusion

Les échanges tiennent incontestablement une place importante dans notre vie à tel point qu’ils nous sont indispensables tant parce qu’ils tendent à satisfaire nos besoins physiologiques et matériels qu’à satisfaire nos besoins sociétaux, intellectuels, et moraux. On pourrait croire que, parce que nos besoins sont devenus toujours plus nombreux et que les techniques ont évolué et se sont améliorées, nous échangeons de plus en plus et de mieux en mieux, que la place du relationnel et du social dans les échanges s’est accrue et que les relations de toute nature entre les hommes s’améliorent.
Dans les faits, notre société de consommation nous conduit en quelque sorte à « aseptiser » nos échanges en nous permettant d’acheter des produits tout prêts, dans des magasins où les vendeurs sont de moins en moins visibles et où les caissières sont remplacées par des automates, réduisant en fait l’échange originel à un acte d’achat strict dans lequel l’argent lui-même a disparu du fait de l’utilisation des cartes de paiement. Bien plus, internet nous permet dorénavant d’éviter tout contact lors d’un achat et même une bonne part de nos échanges d’idées, d’informations se font désormais de manière entièrement virtuelle derrière un écran d’ordinateur. La télévision elle-même, qui fait de nous des consommateurs passifs d’images, contribue à réduire les dialogues et les échanges entre les membres d’une même famille et conduit parfois à des attitudes conflictuelles.

N’était-ce pas déjà la crainte d’un monde déshumanisé dans lequel les échanges autres que marchands et matériels disparaissaient que Saint Exupéry dénonçait dans le « Petit Prince » lorsqu’il disait « … mais comme il n’y a pas de marchand d’amis, nous n’avons plus d’amis ». N’y a-t-il pas là grand risque de voir l’échange perdre son véritable sens, et, en conséquence, celui de nous faire perdre, à nous, une part de notre humanité.