George Sand, Indiana: « Daignerez-vous m'apprendre, madame »

Devoir maison rédigé en première générale.

Dernière mise à jour : 11/11/2022 • Proposé par: l0lil0l (élève)

Texte étudié

« Daignerez-vous m’apprendre, madame, lui dit-il, où vous avez passé la matinée et peut-être la nuit ? »

Ce peut-être apprit à madame Delmare que son absence avait été signalée assez tard. Son courage s’en augmenta.

« Non, Monsieur, répondit-elle, mon intention n’est pas de vous le dire. »

Delmare verdit de colère et de surprise.

« En vérité, dit-il d’une voix chevrotante, vous espérez me le cacher ?

— J’y tiens fort peu, répondit-elle d’un ton glacial. Si je refuse de vous répondre, c’est absolument pour la forme. Je veux vous convaincre que vous n’avez pas le droit de m’adresser cette question.

— Je n’en ai pas le droit, mille couleuvres ! Qui donc est le maître ici, de vous ou de moi ? qui donc porte une jupe et doit filer une quenouille ? Prétendez-vous m’ôter la barbe du menton ? Cela vous sied bien, femmelette !

— Je sais que je suis l’esclave et vous le seigneur. La loi de ce pays vous a fait mon maître. Vous pouvez lier mon corps, garrotter mes mains, gouverner mes actions. Vous avez le droit du plus fort, et la société vous le confirme ; mais sur ma volonté, Monsieur, vous ne pouvez rien, Dieu seul peut la courber et la réduire. Cherchez donc une loi, un cachot, un instrument de supplice qui vous donne prise sur elle ! c’est comme si vouliez manier l’air et saisir le vide !

— Taisez-vous, sotte et impertinente créature ; vos phrases de roman nous ennuient.

— Vous pouvez m’imposer silence, mais non m’empêcher de penser.

— Orgueil imbécile, morgue de vermisseau ! vous abusez de la pitié qu’on a de vous ! Mais vous verrez bien qu’on peut dompter ce grand caractère sans se donner beaucoup de peine.

— Je ne vous conseille pas de le tenter, votre repos en souffrirait, votre dignité n’y gagnerait rien.

— Vous croyez ? dit-il en lui meurtrissant la main entre son index et son pouce.

— Je le crois, » dit-elle sans changer de visage.

George Sand, Indiana

Le roman Indiana a été écrit en 1832 par George Sand, auteure du XIXe siècle. C’est le premier roman de l'auteure.

Dans cet extrait les deux personnages, Mme Delmare, aussi connu sous le nom d’Indiana, et M. Delmare, se disputent. Cette dispute est le résultat de la disparition de Mme Delmare pendant la nuit. Nous nous demanderons comment l’auteure réussit à travers le texte à remettre en cause les conditions des femmes au XIXe siècle? Pour cela nous analyserons le caractère inattendu dispute, ainsi que le caractère étonnant d’Indiana.

I. Une dispute inattendue

a) Indiana répond a son mari

Le colonel Delmare est connu pour être un homme autoritaire. Suite à la disparition de sa femme, il lui en demande la raison “Daignerez-vous m'apprendre, madame, lui dit-il où vous avez passé la matinée et pouvez être la nuit?”. Ici “Daignerez” signifie consentir, mais elle n’a pas autre choix que de répondre. C’est donc une surprise quand sa femme montre qu'elle ne souhaite pas répondre à sa question et fait preuve d’attitude envers son mari. “J’y tiens fort peu, répondit-elle”. Mme Delmare montre ici son courage en ne répondant pas à la question. Cette situation est peu normale à l’époque car les femmes sont censées se taire et écouter leur mari. Il s’ensuit un dialogue au présent.

b) Le colonel ne la prend pas au sérieux et la rabaisse

Suite à la réponse inattendue de Mme Delmare, le mari se met en colère. “Delmare verdit de colère et de surprise” ,“dit-il d'une voix chevrotante”: ces hyperboles montrent à quel point le colonel est révolté par la réponse de sa femme. La colère du colonel va d'ailleurs augmenter en voyant que sa femme ne change pas d’avis et il emploie des noms tels que “femmelette”, “sotte et impertinente créature” et “Orgueil imbecile morgue de vermisseau”. Tous ces noms sont insultants et sont utilisés pour rabaisser sa femme et l’humilier. Il utilise également le mot “dompter” réservé généralement aux animaux, dominé par leur maîtres humains. La phrase “meurtrissant la main entre son index et son pouce.” est une accumulation et signe de violence que fait le colonel envers sa femme.

c) Le colonel veut montrer qu’il est plus fort

En ne voyant aucune réaction de la part de sa femme le colonel veut lui rappeler qui est le plus fort, pour cela il rappellera la place de la femme à l’époque “qui donc est le maitre ici, de vous ou de moi? Qui donc porte une jupe et doit filer une quenouille : Prétendez-vous m'ôter la barbe du menton?”, ce sont des questions rhétoriques car les réponses sont évidentes mais il l’utilise pour rappeler à sa femme qui est l'être dominant dans leur relation. L’utilisation du mot « maître » est fort car le maître est quelqu’un qu’on doit écouter, à qui on doit obéissance. La jupe ici est un vêtement uniquement porté par les femmes, la quenouille représente l’infériorité féminine et finalement la barbe est quelque chose de masculin. Il utilise ici le temps du présent pour rappeler que ça se passe au moment même.

II. Le caractère d’Indiana

a) Les relations de l’époque

À l'époque les femmes étaient considérées inférieures aux hommes cela est montré par “Je sais que je suis l'esclave et vous le seigneur” en insinuant que les hommes sont les plus forts et les femmes les plus faibles. Il y a une certaine autorité dans le vocabulaire comme “seigneur” ou encore “mon maître”, qui sont des hyperboles. La société est la raison de tout cela “La loi de ce pays vous a fait mon maître”,”Vous avez le droit du plus fort, et la société vous le confirme”, mais au fond c’est Dieu qui décide “ma volonté monsieur, vous ne pouvez rien Dieu seul peut la courber et la réduire”. Cela signifie que même si on peut faire taire une personne, la personne peut toujours penser en silence et avoir un avis différent. “Cherchez donc une loi, un cachot, un instrument de supplice qui vous donne prise sur elle” l’utilisation de la gradation croissante qui amplifie les idées de liberté d’Indiana.

b) Une mise au défi

Malgré le fait qu’Indiana connaisse les conséquences de ses actions, elle ne montre aucune émotion tout au long du dialogue.“D’un ton glacial”, “dit-elle sans changer de visage.” Elle tient contre son mari, en ne montrant aucune émotion. Il est possible de remarquer une certaine détermination quand elle répond à son mari “Vous pouvez m'imposer silence, mais non m’empêcher de penser” et “Je ne vous conseille pas de le tenter, votre repos en souffrirait, votre dignité n’y gagnerait rien.”. Elle a pour but de prouver à son mari qu’elle peut avoir des droits et plus de liberté. Indiana peut être appelée une héroïne, du fait de son courage qui est montré plusieurs fois au long du texte.

Conclusion

En conclusion, à travers une dispute et le caractère d'Indiana, l’auteure réussit à montrer l’injustice que subissent les femmes à cette époque et les clichés auxquels elles sont associées, mais la réaction d’Indiana va donner un ressort différent à cette situation. On pourrait comparer ce texte à celui de Fénelon Traité de l’éducation des filles, car tous les deux parlent de la liberté qui devrait être accordée aux femmes. Fénelon y souhaite que les femmes ne soient pas gardés dans l'ignorance et ait droit à une éducation. George Sand, elle, à travers son roman et cet extrait, montre que les femmes peuvent tenir tête à la domination masculine.