Est-il légitime de rechercher son bonheur ?

Cette copie a été intégralement rédigée par une élève de terminale général en voie générale, en tant que première dissertation de l'année. Remarques du professeur: "Le sujet est compris, la méthode maitrisée, très bon travail. Cependant, certains passages sont à préciser et ça manque de références philosophiques". Note obtenue: 15/20. PS: les transitions sont intégrées à la fin de chaque partie, sauf entre le dernier paragraphe et la conclusion

Dernière mise à jour : 15/01/2022 • Proposé par: sarahdu733 (élève)

Est considéré légitime ce qui est conforme à la morale humaine et respecte les droits naturels de l’Homme. On parle de droit naturel, car il n'existe aucun moyen concret de le faire respecter. De façon générale, le bonheur désigne un état de satisfaction durable qui porte sur le jugement de la vie dans son ensemble. Alors qu’il se présente comme le but ultime de l’existence humaine, la façon dont il est recherché dépend de chaque individu. Certaines personnes vont donc tout faire pour être heureuses, quitte à mettre de côté la légitimité de leurs actes. On peut être amené à se demander si dans ce cas, ces personnes ont le droit d’un point de vue moral, de rechercher leur bonheur personnel. Car en effet, la légitimité est une affaire de société alors que le bonheur dont il est ici question est individualisé.

Ainsi, est-il légitime de rechercher son bonheur ? Nous verrons dans un premier temps que le bonheur est une fin légitime que chaque homme recherche tout au long de son existence. Ensuite, nous verrons que la recherche de son bonheur n’est plus légitime à partir du moment où elle engendre des souffrances pour nous et pour les autres. Enfin, nous verrons que si la recherche du bonheur n’est pas menée de façon légitime, le bonheur ne peut pas être atteint.

I. Le bonheur est une fin légitime en tant que but ultime de l'existence

Tout d’abord, il est légitime de rechercher son bonheur, car le bonheur est avant tout le but ultime de la vie humaine.

En effet, la recherche du bonheur constitue le moteur de notre survie. Chaque individu veut vivre dans le but d'être heureux. Lorsqu’un individu ne veut plus continuer à vivre, c’est souvent parce que les ennuis qui l’atteignent lui donnent l’impression que la recherche même du bonheur est impossible. Le bonheur n’a donc dans ce cas plus aucune chance d’être atteint et l’individu décide alors de mettre fin à ses jours. Par exemple dans le film Fracture d’Alain Tasma, Lakdar Abdane est un jeune homme passionné de dessin. Un jour, il perd l'usage de sa main droite à la suite d'une fracture mal soignée. Dans l'incapacité de dessiner, il voit son avenir partir en fumée et décide de mettre fin à ses jours. On voit ici que le bonheur est une fin légitime que chaque homme recherche tout au long de sa vie. Il est donc légitime de rechercher son bonheur dans le sens où c’est un droit naturel que revendique tout homme.

Ensuite, la constitution humaine est telle qu’elle pousse constamment l’humain à la recherche du bonheur. Selon Épicure, pour rechercher le bonheur, il faut satisfaire ses désirs. Cependant, tous ne sont pas à satisfaire. En effet, il est impératif de sélectionner les désirs qui nous rendront réellement heureux. Parmi ces désirs, on retrouve les désirs naturels nécessaires. Ces derniers apportent l’ataraxie, l’absence de troubles physiques. Par exemple désirer boire et manger lorsque l’on a faim et soif fait partie des désirs naturels et nécessaires. On a des besoins à satisfaire pour vivre, et la satisfaction de ces derniers contribue en même temps à notre bonheur. Vivre implique donc forcément des moments de plaisir qui contribuent à la recherche de notre bonheur. Ainsi, il est légitime pour l’humain de rechercher son bonheur.

Enfin, la recherche du bonheur apporte à la fois un bénéfice personnel et collectif. Rechercher le bonheur, c’est rechercher constamment ce qui nous plaît. Or nos désirs et leur intensité nous caractérisent et nous différencient en général des autres individus. En effet, ce qui différencie un footballeur et un basketteur professionnels est leurs désirs sportifs différents. De même, un amateur de football qui joue en district départemental et un footballeur professionnel se différencient par l’intensité de leur désir: celui qui joue en district n’a pas envie de placer le football au centre de ses intérêts personnels (l’intensité de son désir est assez faible) alors que le joueur professionnel a envie d’en faire sa vie (l’intensité de son désir est très forte). Donc plus on va rechercher le bonheur, plus on évoluera dans notre développement personnel et dans la connaissance de soi. Dans ce cas, notre évolution se révèlera bénéfique pour nous et pour les autres également. En effet, d’une part, on représente pour eux un exemple: en s’inspirant de notre parcours, ils pourront à leur tour progresser dans la recherche de leur bonheur. D’autre part, la connaissance de soi est primordiale dans les relations avec autrui. C’est par ailleurs ce que soutient Socrate: « Connais-toi toi-même et tu connaitras l’Univers et les Dieux ». En effet, une personne qui connait ses forces et ses faiblesses et qui s’accepte comme elle est aura davantage confiance en elle. De ce fait, elle se comportera de façon plus agréable avec les personnes qui l’entourent. Les interactions étant agréables, elles procurent un certain confort et un sentiment de bien-être. Ainsi, c’est parce que la recherche du bonheur nous fait automatiquement progresser et fait progresser autrui, qu’elle constitue un bénéfice. Ce qui se révèle avantageux et fait donc de la recherche de son bonheur un acte légitime.

Nous venons ici de voir que la recherche du bonheur est par définition légitime. Cependant, pour que cette légitimité soit respectée, la recherche du bonheur doit strictement rester conforme à la morale humaine. Il existe donc certains cas où la légitimité est négligée par rapport à la recherche de son bonheur personnel. C’est ce que nous allons à présent analyser dans cette seconde partie.

II. Mais la recherche du bonheur peut parfois engendrer de la souffrance

La recherche de son bonheur peut parfois s’avérer illégitime.

Souvent, la recherche du bonheur se fonde sur un manque; on va rechercher notre bonheur en essayant de combler ce manque. Lorsque la satisfaction d’un désir, donc le comblement d’un manque est mené au détriment de la liberté et du bonheur d’autrui, notre requête devient alors illégitime. En effet, on ne respecte pas la morale humaine qui prône en partie le respect des autres et le bien-être en société. Par exemple, un individu qui est en manque d’argent va penser que la recherche de son bonheur réside dans le fait de combler ce manque, c’est-à-dire devenir riche. Si, afin de combler ce manque, les moyens utilisés vont à l’encontre ici de la propriété d’autrui (à travers le vol, braquage de banque…), ils seront considérés comme illégitimes. Ainsi, dans le cas d’une violation de la liberté et du bonheur d’autrui, rechercher son bonheur est illégitime.

Rechercher son bonheur en s’infligeant des souffrances peut également être considéré comme illégitime. Selon Schopenhauer, satisfaire ses désirs est un cercle vicieux sans issue. En effet, en satisfaisant un désir, nous serons déçus de la courte durée de cette satisfaction, comparée aux longs efforts et sacrifices effectués afin d’y parvenir. Nous devenons ainsi sujets de souffrances continuelles. Celles-ci, qui jusque là sont personnelles, deviennent d’ordre social, à partir du moment où notre comportement vis-à-vis d’autrui est amené à changer; nous devenons désagréables et pouvons agir sans prendre en compte la légitimité. Par exemple, une personne qui est frustrée par le désir de s’enrichir ne va faire que de penser à ça et se comportera de façon désagréable avec son entourage. Cet individu peut être amené à manquer de respect aux personnes qui le respectent. Souffrir altère la volonté de vivre alors que le respect de la morale humaine (légitimité) a pour but d’améliorer les conditions de vie humaine. C’est en cela que la recherche du bonheur à travers la volonté de satisfaire tous ses désirs est illégitime.

Dans ce cas la recherche du bonheur de façon illégitime engendre de lourdes conséquences, comme la privation du bonheur lui-même.

III. Le bonheur sans moyen légitime n'est pas le vrai bonheur

Si la recherche du bonheur est menée de façon illégitime, alors celui-ci ne pourra jamais être atteint. La recherche de son bonheur, lorsqu’elle est fondée sur la souffrance d’autrui, ne peut pas aboutir au bonheur lui-même. En effet, lorsqu’on porte atteinte au bonheur des autres en recherchant le nôtre, on gardera la souffrance d’autrui dont nous sommes responsables sur la conscience. On en devient frustrés jusqu’à s’infliger une douleur et ainsi s’éloigner du bonheur que nous voulions initialement atteindre. Dans la série coréenne Squid Game, réalisée par Hwang Dong-hyuk, des personnes en difficultés financières sont invitées à une mystérieuse compétition dans laquelle ils doivent s’entretuer pour gagner une grande somme d’argent. Le dernier survivant est donc le gagnant du jeu. Comme les participants sont en manque d’argent, ils vont à la recherche de leur bonheur en espérant le trouver dans le comblement de la pauvreté dans laquelle ils sont plongés. Cependant, à la fin du jeu, le gagnant, après avoir vu tous les participants mourir sous ses yeux, et avoir participé à certaines morts, est profondément traumatisé. Le moyen utilisé ici étant la mort d’autrui (illégitime), ce personnage a fini par sombrer dans une profonde dépression sans même toucher à l’argent gagné. Alors qu’il voulait atteindre le bonheur, ce dernier s’en retrouve complètement éloigné, car le moyen par lequel il y est parvenu n’est pas légitime.

On se retrouve également éloigné du bonheur, lorsque nous le recherchons à travers un moyen qui nous épargne les efforts à fournir afin d’y parvenir. Dans ce sens, notre propre estime de nous-mêmes est amenée à être abaissée et nous devenons sujets de manque de confiance en nous. On se dévalorise, car le moyen utilisé n’est pas légitime et nous frustre ainsi l’esprit. Par exemple, ces dernières années, un grand trafic qui permet d’acheter son bac s’est mis en place. Les clients des organisateurs du trafic sont souvent des individus qui ne veulent pas ou ne peuvent pas travailler pour obtenir légitimement leur diplôme et finissent par l’acheter. Ces personnes doivent ainsi être prudentes et constamment se cacher, mentir afin que personne ne s’aperçoive de la non-validité de leur diplôme. Elles finissent alors par se sentir mal intérieurement et s’aperçoivent que le bonheur qu’elles voulaient atteindre s’éloigne d’elles. Ainsi, la recherche du bonheur à travers un moyen illégitime frustre notre esprit et finit par nous apporter une quiétude continuelle qui nous mène au malheur.

Conclusion

En conclusion, nous pouvons dire qu’il est légitime de rechercher son bonheur, car c’est le but de l’existence humaine. En effet, rechercher le bonheur nous motive à vivre et constitue un élément bénéfique à notre vie, à la fois à l’échelle personnelle et collective. De plus, répondre à des besoins essentiels à notre survie constitue automatiquement une certaine recherche de bonheur. Cependant, nous avons vu que si cette recherche de bonheur se heurtait au respect du bonheur d’autrui et se traduisait par la satisfaction permanente de ses désirs, elle devenait alors illégitime.

De plus, lorsque la recherche du bonheur est illégitime, on ne peut jamais prétendre au bonheur. D’une part lorsque la quête du bonheur concerne des actes personnels illégitimes où seule la personne concernée est impliquée. Dans ce cas, sa conscience est touchée et elle va ruminer à propos de la non-légitimité avec laquelle elle est parvenue à son objectif. D’autre part, la quête du bonheur concerne l’individu responsable de la souffrance d’autrui; allant à l’encontre de la morale humaine, son bonheur ne pourra pas être atteint.

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