Suis-je responsable de ce dont je n’ai pas conscience ?

Voici une dissertation entièrement rédigé à laquelle j'ai obtenue 14/20.

Dernière mise à jour : 15/09/2021 • Proposé par: mathieuL (élève)

Introduction:

Sans même avoir lu Leibniz et son très-connu « Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes », c’est en Grèce, dans un paysage idyllique, que l’humanité fut soudain gagnée par un vent de liberté et un projet dont le mode d’emploi reste incertain, encore de nos jours dans quelques lieux égarés. Elle entreprit avec alacrité de faire d’un pays plié sous le joug du Démos (l’Aristocratie), un pays où les individus seraient alors reconnus comme « sujets de droits », où les citoyens adhéreraient à un même idéal, animés par l’éthique de la responsabilité (thèse reprise récemment par Pierre-André Taguieff). Ainsi, selon les historiens, le concept de Responsabilité, fruit d'une évolution dont on pourrait situer le berceau à Athènes, au Vème siècle avant Jésus-Christ, serait en étroite corrélation avec l'avènement de la démocratie. L’apparition de ce concept n’est pas sans relation avec la vague de questionnement qui prit son essor à la même époque avec Socrate. A mesure qu’il prenait pleinement conscience de sa nature humaine, l’homme chercha à évaluer sa responsabilité à l’égard des différents systèmes sociaux, juridiques, médicaux où son esprit retentissait avec éclat. Puis, beaucoup plus tard, grâce à la notion que Freud baptisa « l’inconscient », il étendit son domaine d’interprétation et s’interrogera, à savoir : Puis-je être tenu pour responsable d’un acte que ma conscience a refoulé ? Ceci, en admettant que la responsabilité ou la non-responsabilité soient des corollaires de l’existence de l’inconscient. A contrario, d’autres comme Sartre ou Alain, défendirent avec ferveur « qu’il n’y avait pas un autre moi en moi ». Ainsi naissait la question : La non-conscience inclut-elle nécessairement la non-responsabilité ?
« Notre conscience est un juge infaillible quand nous ne l'avons pas encore assassinée » a écrit Balzac. Plaçons-nous dans le cas, où elle a été atrophiée.

I.Puis-je être tenu pour responsable d’un acte que ma conscience a refoulé ?

A) L’inconscient de Freud et son rapport à la responsabilité

a) L’inconscient, une instance psychique mise à nue par Freud

Dans ses topiques, Freud divise le fonctionnement psychique humain en deux concepts, en premier lieu, celui de la conscience, et en second, celui de l’inconscient. Malgré le fait que l’homme soit un être conscient, il resterait sous l’emprise d’autres phénomènes qui ne sont pas décidés en pleine conscience, et il recevrait des influences que nous ignorons (et subissons sans le vouloir).

b) L’inconscient, générateur de passion et de pulsions

Ce concept mérite questionnement. S’il est indépendant de la conscience, il est aussi souvent générateur de passions, et qui dit passions, dit bien souvent, hélas, pulsions. Chez certains, « l’isolement psychique », d’élans pulsionnels à l’insu du moi, reste difficile et le refoulé refait surface. Ainsi, cela plaiderait en faveur de l’idée selon laquelle nous ne serions pas responsables de tous nos actes, certains d’entre eux étant guidés par une instance supérieure.

De par l’analyse freudienne du psychisme humain, nous pouvons déduire que l’absence de conscience et à corréler avec l’absence de responsabilité. Ainsi, nous pouvons ne demander ce qui fait qu’un homme soit au non responsable.

B) Sans conscience, une absence de responsabilité

a) L’absence de conscience morale

L’homme « du fait qu’il sait qu’il est un animal, […] cesse de l’être ». En prolongation de la pensée d’Hegel, pour être responsable, il faut savoir ce que l’on fait, ce qui veut dire que la responsabilité suppose la conscience. Dès l’instant où il y a prise de conscience de notre humanité, cela implique la responsabilité de nos actes. Or on ne peut faire un procès de responsabilité à un animal lorsqu’il tue car il agit seulement par instinct de survie, donc inconsciemment, de même pour l’objet (en dehors de Francis Ponge qui leur prête une âme, ils sont inconscients). La « responsabilité » n’est donc applicable qu’aux hommes. Ainsi, sous cette hypothèse, sans conscience, il n’y a pas de responsabilité et on ne peut juger ce que l’on appelle un fou, ou un malade mental, puisqu’il ne savait pas ce qu’il faisait.

b) Responsabilité médicale

Même en s’éloignant de l’inconscient freudien, il demeure qu’en l’absence de conscience, dans le sens de l’ignorance, il y a certains domaines où l’on ne peut être jugé responsable. Prenons le domaine médical, un médecin reçoit un homme qui vient pour sa visite annuelle, il semble en parfaite santé, et après un bon bilan, le médecin le renvoie chez lui. Trois jours plus tard, le patient est retrouvé mort dans son appartement. Il a eu un arrêt cardiaque. Le médecin en est-il pour autant responsable, sachant qu’il l’avait vu trois jours plus tôt ? Non, il ne pouvait être conscient d’un mal, que même le patient ignorait…

De facto, arguments et exemples autour de la psychanalyse (où la responsabilité joue un rôle fondamental), sembleraient s’accorder sur le fait que tout acte refoulé par la conscience, ne pourrait être considéré comme nous ayant pour responsable. Mais cette analyse est assez personnelle et ne revient qu’à un seul homme. Or l’humanité est beaucoup plus diversifiée. Sans l’influence intérieure qu’est l’inconscient, l’homme ne se retrouverait pas plutôt dans une relation de lui-même face à lui-même ? En ce cas, pourquoi la non-conscience n’inclurait-elle pas la responsabilité ?

II. La non-conscience n’inclut pas la non-responsabilité : ou l’homme seul est responsable de ses actes.

A) « Etre homme, c’est précisément être responsable », Saint Exupéry

a) La théorie d’Aristote sur la responsabilité

L’étude d’Aristote est intéressante, notamment, au sujet de sa théorie concernant le « méchant » qui est ainsi, selon lui, par ignorance de ses actes et donc de leurs conséquences. Or Aristote nous dit aussi, dans Ethique à Nicomaque que chacun est toujours responsable de son ignorance. En suivant ce raisonnement, on obtient que chacun, même inconsciemment, est responsable de ses actes.

b) Sartre et Alain : défenseurs d’un unique sujet « je »

On sait Aristote un peu extrémiste dans ses idées, cependant, Sartre et Alain, qui ont lu Freud semble être en accord avec le disciple de Platon qui disait d’ailleurs « Chacun, parce qu’il pense, est seul responsable de la sagesse ou de la folie de sa vie, c’est-à-dire de sa destinée. ». A leurs yeux exercés, tout homme pourrait être au clair avec soi-même à condition d’en faire l’effort, il n’y aurait donc pas de distinction entre conscience et inconscient (pas d’alter-ego en quelques sortes) et l’homme serait une unique entité, un moi, « un sujet ‘je’ » aux dires d’Alain. Sous cette pensée, l’homme tel qu’il soit serait responsable de lui-même, de ses actes et de leurs conséquences.

B) Responsabilité pénale : domaine juridique

La meilleure illustration de la responsabilité dans le cas de mobiles échappant à la volonté est indéniablement présente dans le juridique. La responsabilité pénale montre qu’il y a plusieurs niveaux de conscience, plus ou moins proches du stade de « l’inconscient ».

Un homme en état d’ébriété prend le volant pour rentrer chez lui. Seulement la matinée est déjà avancée et la ville voit ses premiers habitants sortir. Le conducteur ne voit pas le passage piéton et encore moins le petit garçon qui traverse. Certes, étant donné son état, il n’a sûrement pas eu conscience de son acte. En est-il pour autant non-responsable ? Il faut être catégorique sur ce genre de sujet et dire qu’il est l’unique responsable. Il a détruit plusieurs vies, et ne peut être considéré comme innocent car « il ne savait pas ».

Toujours dans ce domaine, une jeune fille qui se fait violer. Peut-être que la justice reconnaitra le monstre qui a fait cela comme « non conscient au moment des actes », comme « atteint de folie », mais pour la famille, pour la jeune fille, peut-il être innocenté ? Non, il est responsable donc coupable.

Attention, en justice, il est souvent dit « responsable mais pas coupable », cette affirmation est à modérer. En effet, la justice est souveraine, c’est à elle que revient l’appréciation du degré de conscience d’un individu et donc par extension, de sa responsabilité et/ou de sa culpabilité. Dura lex, sed lex…

Il semblerait donc que plusieurs éléments, notamment au niveau pénal soient en accord pour dire que la nature humaine seule, suffit à rendre tout homme, même s’il se trouve dans un état inconscient, responsable de sa propre personne. La liberté est pour l’homme responsable, en ce cas, l’homme inconscient peut-il être considéré comme libre ?

III. Si la liberté appartient à l’homme responsable, est-elle aussi à l’homme qui n’a pas conscience ?

A) Mais que devient la liberté s’il existe des mobiles qui échappent à la volonté ?

« Je suis libre car je suis moralement seul responsable de tous mes actes. », Robert Heinlein.
…Mais

B) La liberté : un concept non acquis

Inconscience : concept non maîtrisé => aliénation car présence d’une limite du connu (la conscience) => difficulté d’être libre au niveau psychique.
Citer les névroses et les psychoses de Freud qui sont une entrave à notre sainteté d’esprit, donc toutes aussi aliénantes

Conclusion:

En conclusion, selon la dynamique et la situation étudiées l’homme non-conscient, voire inconscient, peut être considéré comme responsable ou non. Il revient donc à chacun la délicate tache d’apprécier le poids des arguments exposés (sans comme s’en plaindrait à juste titre Voltaire, chercher à toujours juger l’Autre). Après s’être interrogé si l’homme non-conscient était responsable, il serait intéressant de s’intéresser à savoir si l’homme irresponsable est-il par essence inconscient ? Freud n’étant plus de ce monde, le sujet attendra.