Hume, Traité de la nature humaine: "L'action vicieuse"

Commentaire entièrement rédigé.

Dernière mise à jour : 02/11/2021 • Proposé par: cyberpotache (élève)

Texte étudié

Prenez une action reconnue comme vicieuse : un meurtre prémédité, par exemple. Examinez-la sous tous les aspects et vouez si vous pouvez découvrir ce point de fait, cette existence réelle que vous appelez vice. De quelque manière que vous la preniez, vous trouvez seulement certaines passions, certains motifs, certaines volitions et certaines pensées. Il n'y a pas d'autre fait dans ce cas. Le vice vous échappe entièrement tant que vous considérez l'objet. Vous ne pouvez le trouver jusqu'au moment où vous tournez votre réflexion sur votre propre cœur et découvrez un sentiment de désapprobation qui naît en vous contre cette action. Voilà un fait : mais il est objet de conscience et non de raison. Il se trouve en vous et non dans l'objet. Si bien que, lorsque vous affirmez qu'une action ou un caractère sont vicieux, vous voulez simplement dire gare, sous l'effet de votre constitution naturelle, vous éprouvez, à les considérer, un sentiment de blâme.

Hume, Traité de la nature humaine - Livre III, partie I, section 1

Remarques préalables

Attention au vocabulaire de Hume (différence conscience-raison ; qu'est-ce que la "constitution naturelle" de l'homme ?). Que désigne ici le mot vice ? Est-ce seulement la qualité d'un sujet ? Préciser les conséquences de l'analyse proposée.

Introduction

Dans la philosophie du XVIIIe siècle, le problème du mal (perçu en particulier dans sa dimension morale ou politique) semble faire retour de façon insistante. Faut-il par exemple admettre avec Rousseau que l'homme, originellement ni bon ni mauvais, devient historiquement mauvais ? Faut-il penser avec Kant que l'action mauvaise dépend d'un choix initial d'une volonté mauvaise ou "détraquée" ? En se fondant sur l'analyse de la réaction morale, Hume entend ici démontrer que le vice n'a pas de réalité en soi et que sa perception dépend seulement d'un jugement porté sur l'action d'autrui.

I. Démarche de Hume

L'exemple choisi par Hume s'annonce particulièrement décisif, puisqu'il est question d'un meurtre prémédité. L'adjectif suppose une intention, une préparation, une volonté de tuer, et élimine toute considération relative au hasard, aux circonstances, etc. Cette préméditation s'inscrit dans un contexte psychologique dont on peut, par examen, repérer les éléments : "certaines passions, certains motifs, certaines volitions et certaines pensées". Ainsi la préméditation s'accomplit-elle intégralement dans la subjectivité du meurtrier, sans que l'on puisse trouver d'autre "fait" notable.

En conséquence, l'analyse de ce que Hume nomme "l'objet" - à savoir la conduite meurtrière et ses déterminations - découvre, non le "vice" en lui- même, mais seulement des faits (matériels ou de conscience) qui sont en quelque sorte trop anecdotiques ou limités pour correspondre à sa définition.

Ce n'est, dans un second temps, que si l'on considère le sujet analysant ou jugeant que le "sentiment" d'être face au vice se révèle. Le vice n'est donc que ce qui provoque la répulsion ou désapprobation dans le "cœur" du spectateur. Ainsi perçu, il constitue à son tour un "fait" (de même nature que les "passions, motifs, volitions et pensées" qui ont entraîné le meurtre) - mais ce fait, comme les précédents, est inscrit dans une conscience, et non dans une raison : il est subjectif, et pas nécessairement universel.

C'est ainsi en fonction de la "constitution naturelle" (qu'il faut donc supposer orientée vers le bien, ou du moi

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