Être heureux, est-ce chercher à satisfaire tous ses désirs ?

Note obtenue 16/20 (terminale ES). Plan très détaillé en trois parties :
I – La satisfaction de nos désirs conduit au bonheur,
II – Le désir comme malheur,
III – Restreindre nos désirs, la condition du bonheur.

Analyse du sujet et introduction rédigée entièrement.

Dernière mise à jour : 15/09/2021 • Proposé par: oscarmarion (élève)

Analyse du sujet

Être heureux : Bonheur signifie bon heur, heur étant dérivé du latin augurium, qui signifie « augure, « chance ». C’est quelque chose qui nous échoit, qui ne dépend pas de nous. La définition académique du bonheur est « aspiration commune à tous, état durable de satisfaction et de plénitude ». Bon, dans bonheur suggère l’idée d’un bien. Mais s’agit-il de l’agréable ou du bien moral ?

Satisfaire : Obtenir ou réaliser l’objet du désir. Agir de façon à contenter un désir, un besoin

Désir : Le désir est la recherche d’un objet que l’on imagine ou que l’on sait être source de satisfaction. Il est donc accompagné d’un sentiment de manque ou de privation. Pourtant, le désir entretient avec l’objet désiré une relation ambivalente : se déplaçant d’objets en objets, il est condamné à l’insatisfaction.

Le problème se pose donc entre la réalisation de mon désir et mon bonheur :

Pour la doxa, la réponse au problème posé est oui. Satisfaire ses désirs procure du plaisir, en satisfaire le plus possible, voire la totalité, nous conduirai vers cet état de plénitude qu’est le bonheur. Pourtant, certaines questions méritent d’être posées :
- Est-ce que ce que je désire maintenant m’apportera une satisfaction durable, ou aurais-je besoin de toujours désirer pour rester dans cet état de bonheur ?
- Est-ce que je subis mon désir ou naît-il de ma volonté d’être heureux ?
- Le bonheur doit-il être vu comme obligatoirement entier et complet ?
- Dois-je considérer tout désir comme légitime et réalisable ou les faire passer par le filtre de ma conscience ?

Introduction

Jordan Belfort, personnage principal du film Le loup de Wall Street, de Martin Scorsese, est un multimillionnaire téméraire et sans scrupule. A la tête d’une société boursière, il aurait tout pour être heureux : sa fortune lui permet d’obtenir tout ce qu’il désire : pouvoir, drogues et femme. Allant ainsi de plaisirs en plaisirs, il est persuadé qu’il va droit au bonheur. Mais lorsque ses plaisirs démesurés le conduisent en prison, peut-être réalise-t-il que satisfaire tous ses désirs ne rend pas à proprement parler, heureux.
Étymologiquement, le bonheur est l’aboutissement d’une activité (du latin augurium : accroissement, bienfait accordé par les dieux à une entreprise). C’est un état de satisfaction complète et durable, auquel tout être humain aspire. On l’oppose au simple contentement et à la joie, qui sont par nature éphémères. Pour autant, le bonheur est une notion floue et indéterminée, chaque homme n’aspire pas au même bonheur. Pendant des siècles, le bonheur se résumait un mot : Dieu. C’est un état idéal mais qu’on ne connaît pas, un paradis supposé dont le chemin nous est inconnu.
Le désir est, quant à lui, caractérisé par la conscience d’un manque qu’il nous faudrait combler. Contrairement à l’animal, chez qui désirs et besoins semblent se confondre, il existe chez l’homme des désirs qui ne sont que des désirs fabriqués, artificiels. Nos désirs peuvent donc être trompeurs, et dans ce cas, chercher à les satisfaire est une erreur. La religion nous dit que c’est « une tentation du diable », qui est notre ennemi et nous trompe.
Notre société, à travers la publicité par exemple, nous encourage à satisfaire nos désirs : une nouvelle voiture, une nouvelle machine à café, un nouveau téléphone… seraient nécessaires pour atteindre la plénitude, la satisfaction et donc, le bonheur. Le désir de consommer nous est présenté ici comme un tropisme naturel de l’homme, à avoir plutôt qu’à être.
Le bonheur est présenté comme une réalisation de tous les désirs et une disparition des troubles qui leur sont inhérents, alors que le désir est dit diarrhéique, insatiable car en permanence dévalorisé, au profit d’une jouissance plus élevée. Une fois une nouvelle voiture, achetée, pourquoi ne pas en convoiter de nouveaux modèles, comme la superbe voiture que mon voisin vient d’acheter ?
Être heureux semble donc être un état particulièrement difficile à atteindre. A priori, cette difficulté pourrait s’expliquer par le caractère subjectif du bonheur : qui de l’indien d’Amazonie ou du pompeux PDG est le plus heureux ? Selon les critères de l’un ou de l’autre, le premier est forcément malheureux puisqu’il est « non civilisé », et le second est malheureux parce qu’il est possédé par ses biens et n’a plus le sens de la réalité.

Est-ce que ce que je désire maintenant m’apportera une satisfaction durable, ou aurais-je besoin de toujours désirer pour rester dans cet état de bonheur ? Est-ce que je subis mon désir ou naît-il de ma volonté d’être heureux ? Dois-je considérer tout désir comme légitime et réalisable ou les faire passer par le filtre de ma conscience ? Le bonheur doit-il être vu comme obligatoirement entier et complet ?
Le bonheur semble au premier abord consister en la satisfaction de tous nos désirs. Néanmoins, satisfaire certains désirs peut provoquer le malheur. Sachant qu’ils sont source d’insatisfaction, restreindre ses désirs peut sembler une voie viable et réaliste vers le bonheur.

I – La satisfaction de nos désirs conduit au bonheur


Introduction partielle : « Le désir est […] appétit, courage et volonté […]. Le désir est l’appétit de l’agréable. » - Aristote.

A – Le désir, moteur de nos actions

o Travailler dur pour s’offrir une belle voiture : Nous anticipons le plaisir que nous procurerait la satisfaction de nos désirs, cette prévision nous encourage à tout mettre en œuvre pour atteindre l’objet du désir. Je peux par exemple, désirer être riche et dans ce cas, travailler dur pour parvenir à cet état, supposé contribuer à mon bonheur.
o Désirer peut revenir à se donner un but : Sans désirs, nous perdrions le goût de vivre et serions condamnés à l'ennui ou la mort. « Le désir est l’essence de l’homme » dit Spinoza.

B – La quête continuelle du plaisir

o Nous sommes des êtres imparfaits, aller de désir en désir peut rendre heureux, car enfin le désir ne dépend pas de l’objet, mais le précède et le produit en désirant : Il n’y a pas de désirable en soi. Autrement dit, ce n’est pas la satisfaction de nos désirs qui importe tant, mais le fait même de désirer.
o « Ce n’est pas parce que nous jugeons bonne une chose que nous la désirons, mais au contraire, c’est parce que nous la désirons que nous la jugeons bonne » écrit Spinoza.
o Pour Dom Juan par exemple, le désir est une « force en mouvement » qu’il s’agit de sans cesse renouveler, il ne cherche pas un état (la vie en couple), mais une succession de plaisir (celui de séduire). Une fois son désir satisfait, il s’empresse alors de charmer une autre femme.
Le désir bien qu’infini, agit sur nous comme un stimulant, mais qu’en est-il de l’objet du désir ? Est-ce une quête noble ou au contraire, un désir malsain ?

II – Le désir comme malheur


Introduction partielle : « La satisfaction, le bonheur, comme l’appelle les hommes, n’est au propre et dans son essence rien que de négatif ; en elle, rien de positif » Schopenhauer.

A – Le plaisir immédiat peut provoquer le malheur

o Tout plaisir n’est pas nécessairement un bien. Les drogues par exemple, provoquent le plaisir dans un premier temps : le toxicomane désire plus que tout sa « dose ». Le problème est que, souvent, nous confondons plaisir et bonheur. Cette quête du plaisir à court terme est évidemment source de malheur.
o Schopenhauer écrit dans Le Monde comme volonté et comme représentation, « Tout vouloir procède d'un besoin, c'est-à-dire d'un manque, c'est-à-dire d'une souffrance. La satisfaction y met fin ; mais pour un désir qui est satisfait, dix au moins sont contrariés ».
o Le désir est en effet bien moins satisfait qu’insatisfait, entre autre parce que ce que nous désirons ne met pas seulement notre personne en jeu, mais aussi les autres. Le bonheur ne dépend pas uniquement de nous.

B – Bannir les désirs

o Pour Épictète, les désirs nous enchaînent, les abandonner nous rendrait libre : « Le bonheur ne consiste pas à acquérir et à jouir, mais à ne rien désirer, car il consiste à être libre ». En effet, désirer c’est d’abord vouloir quelque chose d’extérieur, c’est devenir dépendant. Il paraît impossible d’être heureux sans être libre.
o Pour les philosophes, n’est pas heureux celui qui est aliéné par ses passions, ses désirs. Pour Leibnitz, « la satisfaction de nos désirs nous rendrait stupide ».
o Jean de La Fontaine, dans Le savetier et le financier, nous montre que le bonheur n’est pas celui que l’on croit. Si aujourd’hui, le but de bien des hommes est de devenir riche – assez riche du moins, pour satisfaire leurs désirs – ils peuvent en devenir malheureux : le savetier ne parvient plus à trouver le sommeil tant il a peur de se faire voler l’argent que le financier lui a donné.

III – Restreindre nos désirs, la condition du bonheur


Introduction partielle : « Le bonheur est l’état d’un homme raisonnable à qui dans tout le cours de son existence tout arrive selon son souhait et sa volonté ». C’est donc « la totalité des satisfactions possibles » Kant. Il paraît évident que tout ne peut pas arriver selon son souhait et sa volonté et sans doute faut-il accepter cette frustration.

A – Distinguer les besoins des désirs

o On a coutume de distinguer possible, réel et nécessaire : le nécessaire, c'est ce qui ne peut pas ne pas être ; le réel, c'est ce qui est ; le possible, c'est ce qui peut être.
o Si une personne n’a pas ce dont elle a besoin, on peut dire qu’il lui manque quelque chose de nécessaire (manger et boire pour survivre par exemple).
o L’envie provient d’un manque par comparaison, on compare souvent son bonheur avec celui, possible, des autres : « Si on ne voulait qu'être heureux cela serait bientôt fait. Mais on veut être plus heureux que les autres et cela est presque toujours difficile parce que nous croyons les autres plus heureux qu'ils ne sont. » avance Montesquieu
o Une fois que l’on a atteint le but recherché (être riche par exemple), on est confronté au réel : ce n’était pas un besoin, mais bien un désir vain puisque je ne suis jamais assez riche pour être satisfait.

B – La thèse des stoïciens

o Pour Platon, le désir est un tonneau percé : nous aurons beau continuer à le remplir, il ne sera jamais plein. Par conséquent, satisfaire ses désirs ne nous permettra pas de parvenir au bonheur.
o « Tous les hommes recherchent le bonheur, mais bien peu savent ce qu'il faut chercher », écrivait Sénèque le Jeune dans De la vie heureuse.
o Les philosophes stoïciens notamment, prônent l’ataraxie, il faut selon eux, passer ses désirs au crible et les sélectionner. Le bonheur serait la simple absence de trouble lié au caractère infini du désir.
o Pour Marc-Aurèle la condition du bonheur est l’abolition de tous les désirs vains : « Donnes-moi l’intelligence d’accepter ce qui ne dépend pas de moi, le courage de changer ce qui en dépend et la sagesse de distinguer le premier du second ».