Aristote, Politique: La connaissance des masses

Corrigé complet et entièrement rédigé sur ce sujet de type bac technologique. Note obtenue: 18/20.

Dernière mise à jour : 19/11/2021 • Proposé par: chatok (élève)

Texte étudié

Le choix judicieux est l'affaire des gens de savoir : par exemple le choix d'un géomètre appartient à ceux qui sont versés dans la géométrie, et le choix d'un pilote à ceux qui connaissent l'art de gouverner un navire. Car, en admettant même que, dans certains travaux et certains arts, des profanes aient voix au chapitre, leur choix en tout cas n'est pas meilleur que celui des hommes compétents. Par conséquent, en vertu de ce raisonnement, on ne devrait pas abandonner à la masse des citoyens la haute main sur les élections de magistrats. Mais peut-être cette conclusion n'est-elle pas de tout point pertinente, si la multitude à laquelle on a affaire n'est pas d'un niveau par trop bas (car, bien que chaque individu pris séparément puisse être plus mauvais juge que les gens de savoir, tous, une fois réunis en corps, ne laisseront pas d'être de meilleurs juges que ces derniers, ou du moins pas plus mauvais), et aussi parce que il y a certaines réalisations pour lesquelles leur auteur ne saurait être seul juge ni même le meilleur juge : nous voulons parler de ces arts dont les productions peuvent être appréciées en connaissance de cause, même par des personnes étrangères à l'art en question : ainsi, la connaissance d'une maison n'appartient pas seulement à celui qui l'a construite ; mais meilleur juge encore sera celui qui l'utilise (en d'autres termes, le maître de maison), et un pilote portera sur un gouvernail une meilleure appréciation qu'un charpentier, et l'invité jugera mieux un bon repas que le cuisinier.

Aristote, Politique

I. En étudiant le raisonnement d'Aristote, dégagez la thèse qu'il soutient.

Dans ce texte, Aristote entend démontrer que si l'on admet que « le choix judicieux est l'affaire des gens de savoir », alors il ne faut pas abandonner « à la masse des citoyens la haute main sur les élections de magistrats ». Si en effet celui qui sait comment une cruche doit être, c'est le potier, alors il est inutile de demander leur avis à tous ceux qui ignorent l'art de la poterie ; de même, il y a un art politique que connaissent certains (les politiciens de métier) ; ceux qui n'y connaissent rien n'ont pas à intervenir dans les affaires publiques. Cependant, cette thèse repose sur deux présupposés qui vont être réfutés par Aristote : dans un premier temps, ce dernier va en effet montrer qu'en ce qui concerne les affaires publiques, les citoyens dans leur ensemble ne sont pas plus mauvais juges que « les gens de savoir », bien au contraire, à moins qu'il ne s'agisse d'un peuple entièrement composé d'ignorants complets : lorsque les décisions sont prises par « la masse des citoyens », les avis les plus extrêmes sont pondérés et la décision aura toujours tendance à prendre en compte le bien général (si tous décident des lois auxquelles tous se soumettent, aucun n'a intérêt à ce que ces lois soient injustes, parce que nul ne veut subir l'injustice).

Le second présupposé est le suivant : quand on dit que dans les affaires publiques, il ne faut pas laisser le peuple décider, parce qu'il est inculte, et que dans tous les arts, celui qui sait comment faire, c'est le technicien de métier, on ne mécomprend pas seulement la nature de la politique, mais aussi et surtout celle des arts en général. Il est douteux en effet que celui qui sait comment une cruche doit être, ce soit le potier : celui qui sait comment elle doit être, ce n'est pas celui qui la fabrique, c'est celui qui s'en sert. De même, « un pilote portera sur un gouvernail une meilleure appréciation qu'un charpentier ». Mais si ce qui est recteur c'est l'usage, et non la production, alors ceux qui dans l'art politique savent comment les lois doivent être, c'est ceux qu'elles concernent, c'est-à-dire les sujets qui devront s'y soumettre : il faut donc que le peuple décide des lois sous lesquelles il vivra – autrement dit, le régime politique le plus adéquat, ce n'est pas l'aristocratie où quelques hommes réputés instruits décident de tout, mais la démocratie.

II. Expliquez les passages suivants

[b]

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