L'homme peut-il se contenter de travailler en vue du seul gain ?

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Dernière mise à jour : 15/09/2021 • Proposé par: x.marion.x (élève)

Aristote considérait le travail comme une activité par nature asservissante, n'étant pas une fin en elle-même mais le moyen de la subsistance. Activité vile qui déforme l'âme et le corps, elle est réservée aux esclaves qui s'abîment dans ce qu'ils font. Le travail, en effet, implique une spécialisation déshumanisante, car l'homme n'est pas fait pour un métier comme un marteau est fait pour planter un clou. Si la main est le symbole de l'homme, c'est précisément qu'elle n'est pas un outil, mais un organe polyvalent. Ainsi, les activités nobles développent en l'homme simultanément toutes ses facultés, tandis que l'activité laborieuse détruit cette harmonie en instrumentalisant l'une d'elles. Nous dirions aujourd'hui que, asservi aux impératifs de l'efficacité, celui qui travaille perd sa vie à la gagner : Aristote le définit simplement comme un « outil vivant » dont on pourrait bien se passer si les navettes pouvaient se déplacer toutes seules sur les métiers à tisser. L’homme peut se contenter de travailler en vue du seul gain, en être satisfait ? Le travail n’est-il qu’une aliénation de l’homme ? D’autres facteurs agissent-ils dans ces besoins, dans les attentes d’un travailleur ? Nous présenterons de prime abord le travail, comme quelque chose d’aliénant, fait par simple intérêt, en attente de gains quelconques, puis nous nous attacherons à présenter en seconde partie les autres motivations qui poussent les hommes à exercer un travail.

Puisque le travail passe souvent pour une activité pénible et mutilante, on peut se demander pourquoi on travaille. Nous allons voir de prime abord que l’homme se contente parfois de travailler en vue su seul gain.
Si l’on interroge les individus sur les raisons qui les poussent à travailler, un grand nombre répondra qu'ils travaillent pour gagner leur vie, pour subvenir à leurs besoins. Mais, cela ne répond pas à la question que l'on pose si on se place du point de vue non pas des individus et des explications qu'ils donnent, mais plus fondamentalement, du point de vue de l'espèce humaine. "Pourquoi travaillons-nous?" voulant alors dire, "Pourquoi y a-t-il du travail, pourquoi le travail existe-t-il?". Le mythe de Protagoras, extrait du Protagoras de Platon, donne certes sous la forme d'un récit mythologique, une réponse à cette question en même temps qu'il développe une thèse à propos de l'origine de la technique. Ce qui indique que l'apparition du travail est liée à celle de la technique. Les individus ne travaillent pas pour produire des valeurs d’usage, ils travaillent pour gagner leur vie, pour obtenir en échange une rémunération ou une contre partie quelconque. On se demande alors pour quelles raisons le motif pour lequel ils travaillent est totalement sans rapport avec la raison d’être du travail à l’échelle de l’espèce? Lorsqu’on travaille pour gagner sa vie, on travaille en échange d’une rémunération avec laquelle on pourra se procurer des biens utiles à la survie et à la vie.
De plus, l’homme attend également du travail une reconnaissance, désire être admiré et pourquoi pas de devenir un exemple pour d’autres personnes. Etre admiré, c’est être reconnu comme un individu à part entière et non comme un être quelconque. Cette reconnaissance n’est toutefois pas spontanée, et demande un certain mérite pour exister. Hegel, dans sa célèbre dialectique du maître et de l’esclave, a exposé une conception du travail qui n’a plus dès lors cessé d’exercer son influence. C’est dans la relation de domination et de servitude que s’ancre cette conception. Pour Hegel, l’homme ne devient proprement humain que lorsqu’il obtient la reconnaissance d’un autre homme, c’est-à-dire lorsque la certitude subjective qu’il a de lui-même se mue en vérité objective. L’homme veut être reconnu en tant qu’homme, autrement dit il veut prouver à l’autre que pour lui, la vie purement animale, la vie des besoins, n’est rien. C’est pourquoi il est prêt à risquer sa vie dans une lutte à mort pour la reconnaissance. Bien évidemment, si l’un des deux protagonistes meurt, plus aucune reconnaissance n’est possible. Hegel affirme que dans cette lutte (qui n’est pas pour Hegel une simple abstraction mais un véritable moment historique et philosophique), l’un des deux adversaires, devant l’angoisse de la mort, abandonne le combat prouvant qu’il tient plus à la vie animale qu’à son statut d’humain, tandis que l’autre maintient son mépris pour la vie. Le premier devient l’esclave, le second le maître. L’esclave est donc contraint de travailler pour le maître. On voit donc que dans un premier temps, le travail est indissociable de la domination. Mais, et là réside l’originalité de Hegel, si le travail n’était pas primordialement fait « au service d’un autre », alors il ne se distinguerait pas du désir animal qui consomme l’objet, qui vise la jouissance. Or, le produit du travail de l’esclave lui est refusé, en tant qu’il est destiné au maître. Ce produit acquiert donc une autonomie à l’égard de l’esclave et c’est justement cette autonomie qui va faire que l’esclave pourra se reconnaître dans le fruit de son travail, et par là se reconnaître dans ce qui lui est extérieur, passer de la certitude subjective à la vérité objective, devenir humain. Le travail pour Hegel est donc culture ou formation (selon le double sens du mot Bildung), c’est un processus d’émancipation qui provoquera la disparition de la domination du maître.
Enfin, l’homme se contente de travailler par obligation afin d’obtenir une intégration dans un environnement qui ne lui est pas propre : la nature. Autant les animaux sont adaptés au milieu naturel, autant l'homme lui est inadapté à ce milieu. L'animal est par nature et sous peine de disparition, adapté au milieu naturel : il dispose des moyens physiques et instinctuels nécessaires à sa survie et le milieu lui offre ce dont il a besoin. Toute inadaptation causée soit par une modification du milieu soit par une mutation se traduit par une disparition rapide de l'espèce. C'est la sélection naturelle des espèces. Cela signifie que chaque espèce est intégrée au sein d'un milieu spécifique appelé écosystème duquel elle est inséparable et en lequel elle a une fonction régulée et régulatrice précise. Or, en ce qui concerne l'homme, une telle adaptation ne s'observe pas. L'homme n'est pas chez lui dans la nature : il a des besoins auxquels il ne peut pas subvenir avec les moyens naturels dont il dispose. Comme le dit Protagoras, l'homme est nu, sans arme et sans couverture. Pourtant, il a survécu, il est une espèce viable. Grâce à Prométhée qui offre aux hommes la maîtrise du feu et des techniques qui vont leur permettre de travailler et ainsi de compenser cette inadaptation au milieu. Or, en offrant aux hommes des techniques, il leur offre aussi le travail puisqu'on ne peut les utiliser que dans le cadre d'un travail. On le voit, le travail et la technique sont liées en cela qu'il n'y a pas de travail sans technique. Mais, alors pourquoi travaillons-nous? Tout simplement parce que la nature ou le milieu naturel et notre constitution ou notre nature ne sont pas spontanément en harmonie, parce que nous ne pouvons nous procurer ce dont nous avons besoin pour vivre qu'en le fabriquant. Ce n’est cependant pas dire que nous travaillons pour nous adapter à la nature, puisque nous ne sommes pas adaptés à elle. C'est donc que nous travaillons pour au contraire adapter la nature à nos besoins. Le travail existe parce qu'il nous faut transformer la nature pour l'adapter à nos besoins et ainsi assurer notre survie. Telle est la raison d'être ou la raison suffisante du travail. Et le travail est cette activité de transformation adaptatrice de la nature à nos besoins. L'homme est l'être qui produit lui-même ses conditions d'existence parce qu'elles ne sont pas immédiatement présentes dans la nature. Il y a donc travail partout où rencontre une activité de transformation de ce qui est donné, que ce donné soit brut ou naturel ou qu'il soit déjà élaboré et ce en vue de la satisfaction d'un besoin ou d'une exigence.

Si l’homme se contente bien souvent de travailler en vue du seul gain, par intérêt, nous pouvons néanmoins constater que derrière un travail aliénant se cache d’autres motivations à travailler.

Nous allons voir que les hommes possèdent d’autres optiques pour travailler, et procèdent à cette tâche avec d’autres motivations, et non que par intérêt, en attente d’un salaire ou de quelconques autres gains.
L’intégration à la division sociale rend possible l’intégration sociale de l’individu ou lui épargne l’exclusion sociale qui commence toujours par l’exclusion du travail qui le prive d’une part importante de sa vie sociale, puis de ressources qui permettent à la fois de consommer et de rencontrer les autres dans la mesure où pour beaucoup les contacts sociaux passent par des actes de consommation, actes par lesquels entre autre l’individu peut accéder à une certaine reconnaissance sociale. En effet, le travail ne met pas seulement l’homme en rapport avec le milieu naturel et des objets fabriqués, il met aussi et surtout les individus en rapport entre eux. Le travail suppose et engendre des relations sociales (rapports de collaboration, d’élaboration collective d’un projet, rapports commerciaux, rapports hiérarchiques, rémunérations, négociations, conflits, etc...). A ce titre, le travail est un fait social, c’est-à-dire une activité indissociable de la vie sociale puisqu’elle suppose et engendre des relations sociales diverses. Cela signifie, du point de vue de l’individu, que le travail se présente comme une activité socialisée, c’est-à-dire inscrite dans la vie sociale au lieu d’être une activité d’ordre privée ou solitaire et qui donc le met en relation avec d’autres individus. Notons aussi le système d’échange qui, lui aussi à sa manière, permet aux individus de tisser des liens, de créer des relations entre eux. Que nous soyons professeur de philosophie ayant besoin de lait ou éleveur de vaches laitières ayant besoin de cours de philosophie pour nos enfants, nous participons ainsi, par notre travail, à un système régi par les mécanismes économiques constitutifs de ce que l'on appelle la division du travail. Par notre travail et par notre consommation, nous entrons collectivement, avec les autres agents économiques, dans le système des échanges. En analyste averti des soubassements économiques de la vie sociale, Aristote notait déjà que "l'échange est l'expédient nécessaire pour procurer à chacun ce dont il a besoin." Autant dire que si l'on travaille, cela semble bien être d'abord pour les autres et grâce à eux, dont on contribue à satisfaire les besoins par son propre travail. C’est donc également une sorte de gain de s’insérer à la vie sociale, partager son savoir, ses connaissances avec d’autres individus.
De plus, nous pouvons évidemment parler du bénévolat, qui illustre parfaitement ce système d’aide, d’échange, sans attente d’une rémunération. En effet certaines personnes possèdent une grande générosité et n’hésitent pas à proposer leur aide aux plus démunis, en se mettant à leur service. Prenons l’exemple des « Resto du Cœur » où de nombreux bénévoles proposent de la nourritures ainsi que des produits de première nécessité à des personnes n’ayant pas les moyens financiers de se les procurer eux-mêmes. Ces personnes travaillent en principe dans des associations où la principale occupation des responsables ou bénévoles n’est pas le salaire qu’il rapporteront après avoir accompli leurs tâches, mais bien au contraire le bonheur qu’ils apportent aux individus qui en ont réellement besoins. Le sourire d’un enfant qui reçoit un jouet, un livre, ou encore celui d’une mère recevant de quoi nourrir sa famille, leur importe bien plus qu’une paye, qu’un salaire. C’est pour eux la plus belle des récompenses. C’est en effet une grande fierté d’avoir le sentiment d’avoir servi à quelque chose, d’avoir aidé des personnes dans le besoin.
Enfin, immédiatement c'est vrai puisqu'il est contraint, on pourrait penser que le travail ne peut être qu'une activité mutilante, une perte de temps pour d'autres activités plus plaisantes ou plus riches en elles-mêmes, une cause de nos malheurs donc. Seulement, que la travail soit une contrainte ne signifie pas nécessairement qu'il soit aussi et nécessairement une activité mutilante parce qu'il est possible de penser aussi que quoiqu'il soit nécessaire, il puisse être vécu autrement que comme une activité pénible, mais au contraire comme une activité enrichissante, une activité qui nous permettrait de nous accomplir. Il est en effet toujours possible de prendre du plaisir à une activité que nous avons d'abord du accomplir par nécessité et en ignorant qu'elle était aussi plaisante. Cela peut alors devenir une passion. Prenons l’exemple d’un artiste peintre, d’un sculpteur, ou tous ces autres hommes exerçant des métiers artistiques. Ces gens ne travaillent pas dans l’attente du moindre gain, mais uniquement par passion, d’autant que leurs chances de reconnaissances sont malheureusement bien souvent minimes. Ils ne travaillent alors que pour leurs propres plaisirs, leurs attentes personnels et ne considèrent en aucun cas leur travail comme une obligations à leur survie, outre leurs envies personnelles. On ne parle dans ce cas pas de travail rémunéré.

Comment le travail, que les Grecs tenaient pour indigne de l'homme, a-t-il pu devenir une valeur ? Si la Bible décrit le travail comme un châtiment divin, il est aussi le moyen d'un rachat pour l'humanité qui, par ses efforts, contribue au perfectionnement du monde. Il est alors moins un mal qu'un moindre mal. Dans l'éthique protestante, il devient même un devoir si bien qu'on a pu lier cette valorisation morale du travail à l'essor du capitalisme. A partir du XIX° siècle, au moment même où l'Occident achève son industrialisation, le travail s'impose en philosophie comme une notion centrale, en particulier avec Hegel qui en saisit le caractère anthropogène. L'homme n'est homme que par le travail qui le rend maître de la nature, mais aussi de lui-même (en disciplinant son désir par exemple). Cependant, l'écart existant entre l'essence du travail, producteur de l'humanité, et les formes historiques du travail (aliénation et exploitation économique de la force de travail) sera dénoncé par Marx comme une dénaturation induite par le système capitaliste. Quant à la glorification du travail, elle sera analysée par Nietzsche à la fin du siècle, comme l'instrument le plus efficace, conçu par la morale chrétienne, de domestication des instincts vitaux.

Nous avons donc observer d’après cette étude deux aspects contradictoires du travail : le travail en vue du seul gain, par obligation dirons-nous, puis le travail par plaisir, par passions, par envies. En effet il est possible d'observer dans la réalité ces deux aspects contradictoires : le travail vécu comme une activité seulement nécessaire mais sans autre intérêt que la subsistance ou au contraire comme une activité dont on ne pourrait pas se passer parce qu'elle nous apporte ce qu'aucune autre activité ne saurait apporter. Dire que la travail est une activité qui sert à adapter la nature à nos besoins signifie que nous n'avons pas le choix, qu'il nous faut travailler si nous voulons subvenir à nos besoins, mais cela signifie aussi que grâce au travail, il nous est possible d'acquérir une indépendance à l'égard de la nature, que ne pas dépendre d'elle pour assurer notre survie. Du point de vue du travail en tant que tel, puisqu'il est nécessaire, il est un contrainte indépassable, mais du point de vue de ce qu'il offre ou permet, nous pouvons dire qu’il est libérateur. Nous pouvons désormais nous demander, après s’être rendu compte que le travail apporte tout de même énormément du point de vue social, s’il faut nécessairement travailler pour être humain ?