Epicure, Lettre à Ménécée: La peur de la mort

Corrigé en trois parties :
I. Les inconvénients de la crainte de la mort
II. La mort est l’absence de douleur
III. Le philosophe ne craint pas la mort

Dernière mise à jour : 16/03/2021 • Proposé par: stefanief (élève)

Texte étudié

Maintenant habitue-toi à la pensée que la mort n'est rien pour nous, puisqu'il n'y a de bien et de mal que dans la sensation et la mort est absence de sensation. Par conséquent, si l'on considère avec justesse que la mort n'est rien pour nous, l’on pourra jouir de sa vie mortelle.
On cessera de l’augmenter d’un temps infini et l’on supprimera le regret de ne pas être éternel.
Car il ne reste plus rien d’affreux dans la vie quand on a parfaitement compris qu’il n’y a pas d’affres après cette vie. Il faut donc être sot pour dire avoir peur de la mort, non pas parce qu’elle serait un événement pénible, mais parce qu’on tremble en l’attendant. De fait, cette douleur qui n’existe pas quand on meurt, est crainte lors de cette inutile attente !

Ainsi le mal qui effraie le plus, la mort, n’est rien pour nous, puisque lorsque nous existons la mort n’est pas là et lorsque la mort est là nous n’existons pas. Donc la mort n’est rien pour ceux qui sont en vie, puisqu’elle n’a pas d’existence pour eux, et elle n’est rien pour les morts, puisqu’ils n’existent plus. Mais la plupart des gens tantôt fuient la mort comme le pire des maux et tantôt l’appellent comme la fin des maux. Le philosophe ne craint pas l’inexistence, car l’existence n’a rien à voir avec l’inexistence, et puis l’inexistence n’est pas un méfait.

Epicure, Lettre à Ménécée

Le thème de la mort est une des grandes problématiques de la philosophie. Elle est d’abord crainte car elle signifie la fin de l’existence humaine mais elle peut aussi être pensée comme un moyen pour ne plus souffrir. Dans le texte, Epicure développe le thème de la peur des gens face à la mort. Sa thèse est qu’il ne faut pas craindre la mort car elle n’est rien pour nous.
Il vise à nous démontrer que la peur de la mort est injustifiée et que les gens ne pourront pas vivre pleinement leur existence tant qu’ils l’a craindront.

C’est là tout l’intérêt du texte : Faut-il craindre la mort ?

Nous allons répondre à cette question en commentant le texte d’Epicure, en étudiant dans un premier moment les inconvénients de la crainte de la mort (L. 1 à 6) ; dans un second moment la mort est absence de douleur (L.6 à 12) et dans un troisième moment le fait que le philosophe ne craint pas la mort (L. 12 à 15).

I. Les inconvénients de la crainte de la mort

Premièrement Epicure explique que la mort n’est rien pour nous, il n’y a pas de sensation dans la mort, donc pas de bien et de mal. Il n’est donc pas utile d’en avoir peur car s’il on vit dans la crainte de mourir tout au long de notre existence, on n’en jouira pas pleinement. Il ne faut pas penser à soi-même en vue d’une fin mais profiter de la vie tant que l’on peut. D’ailleurs ce que dit Epicure peut faire penser à l’étymologie du mot « diverti » : « divertir » c’est-à-dire détourner son attention de la mort. C’est là la théorie de plusieurs philosophes de l’Antiquité : ne pas se soucier de la mort et profiter de sa vie jusqu’à la fin de sa propre existence.

De plus, nous pouvons dire que le texte d’Epicure est toujours d’actualité, lorsqu’il dit : « on cessera de l’augmenter (la vie mortelle) d’un temps infini » (L.4), cela peut se référer à un exemple actuel. Quand une personne a eu un accident et qu’elle est dans un profond coma, qu’elle souffre, et que sa famille désire la garder envie dans le but de prolonger son existence bien qu’elle ait de minces chances de sortir du coma, c’est avant tout pour l’éloigner de la mort le plus possible, de retarder son échéance car sa famille craint la mort. Au lieu de laisser partir cette personne, ils augmentent sa vie mortelle d’un temps infini.

Le temps infini concerne aussi la vie dans l’Hadès (Dieu des enfers) : tous les morts (bon ou mauvais) étaient conduits dans le monde sous-terrain par Hermès (messager des dieux), et c'est à leur arrivée que l'on décidait de leur sort. Ceux qui avaient particulièrement offensé les dieux étaient promis à souffrir éternellement.

« On supprimera le regret de n’être pas éternel » signifie qu’il faut accepter la réalité, nous sommes des « êtres pour la Mort » (Heidegger). Ainsi nous pourrons profiter pleinement de notre vie sans craindre notre fin. Le fait de se dire qu’il n’y a rien après la mort nous aide à mieux vivre, car quand nous aurons compris cela, nous comprendrons qu’il n’y a pas « d’affres après cette vie » (L.6). La crainte de la mort serait donc supprimée.

II. La mort est l’absence de douleur

Deuxièmement, Epicure explique que la mort en elle-même n’a rien de douloureux, c’est l’attente de la mort qui est douloureuse : « la douleur est crainte lors de cette inutile attente ! » (L.8). Quand on meurt, cela revient à dire qu’on cesse d’exister et si on cesse d’exister alors on ne peut pas ressentir la douleur. Donc, comme le dit Epicure, c’est vraiment inutile de s’en faire alors que cette douleur n’existe même pas. Ce qui nous ronge c’est justement l’attente de la mort. Epicure poursuit sa thèse en disant que la mort n’est rien pour les vivants car ils ne peuvent pas la connaître, de même que les morts ne peuvent pas la ressentir étant donné qu’ils ont cessé de vivre. En fin de compte, cela ne sert à rien de s’inquiéter en pensant à la mort puisqu’à aucun moment on ne peut savoir ce qu’elle est réellement. Elle n’est donc rien pour nous.

III. Le philosophe ne craint pas la mort



Finalement, il y a des exceptions : « la plupart des gens tantôt fuient la mort comme le pire des maux », cela signifie la crainte qu’ils en ont, « tantôt l’appellent comme la fin des maux », cela revient à dire au fait de suicider. On peut étayer cette phrase avec la citation de Pascal : « Tous les hommes cherchent le bonheur jusqu’à ceux qui vont se pendre ». La mort peut être vue comme un moyen d’être heureux. Et à ce moment là elle est perçue non plus comme une fin mais comme un moyen, le moyen d’arrêter ses souffrances.

Le philosophe, quant à lui, s’oppose au commun des mortels, il ne craint pas de mourir. D’ailleurs Epicure fait une opposition entre « existence et inexistence », c’est-à-dire entre la vie et la mort. De ce fait, comment le philosophe peut-il craindre la mort alors qu’elle n’a pas de rapport avec la vie ? En plus la mort « n’est pas un méfait ».

Epicure conclue sa thèse ainsi, c’est ce qu’il nous a démontré tout au long du texte : il ne faut pas avoir peur de la mort puisqu’elle ne représente rien de douloureux pour soi-même au final.

Conclusion



Pour conclure, il ne faut pas craindre la mort car elle n’est rien pour nous selon Epicure. On gâche son existence à la craindre alors que ça n’a pas lieu d’être. En effet, on ne doit pas craindre la mort car elle est absence de douleur. Il faut cesser de retarder son échéance et envisager la mort, non pas comme un méfait, mais plutôt comme un passage obligatoire dont il ne faut pas avoir peur car après la vie, il n’y a plus d’affres.

Cependant, la vision d’Epicure ne semble pas tenir compte de la religion. Par exemple, les hindous croient en la réincarnation donc le fait qu’il n’y ait rien après la mort, comme le dit Epicure, est remis en cause. Les Bouddhistes, au contraire, seraient assez proches la vision d’Epicure. Selon Comte-Sponville, le « je »  n’existait pas de toutes les façons.