Zola, La Curée - Chapitre IV: Premier inceste entre Renée et Maxime

Commentaire en deux parties :
I. Mise en scène sacrée de la faute
II. Description de Paris comme une Babylone moderne

Dernière mise à jour : 15/09/2021 • Proposé par: bac-facile (élève)

Texte étudié

Ce fut le seul murmure de ses lèvres. Dans le grand silence du cabinet, où le gaz semblait flamber plus haut, elle sentit le sol trembler et entendit le fracas de l’omnibus des Batignolles qui devait tourner le coin du boulevard. Et tout fut dit. Quand ils se retrouvèrent côte à côte, assis sur le divan, il balbutia, au milieu de leur malaise mutuel :

— Bah ! ça devait arriver un jour ou l’autre.

Elle ne disait rien. Elle regardait d’un air écrasé les rosaces du tapis.

— Est-ce que tu y songeais, toi ?… continua Maxime, balbutiant davantage. Moi, pas du tout… J’aurais dû me défier du cabinet…

Mais elle, d’une voix profonde, comme si toute l’honnêteté bourgeoise des Béraud Du Châtel s’éveillait dans cette faute suprême :

— C’est infâme, ce que nous venons de faire là, murmura-t-elle, dégrisée, la face vieillie et toute grave.

Elle étouffait. Elle alla à la fenêtre, tira les rideaux, s’accouda. L’orchestre était mort ; la faute s’était commise dans le dernier frisson des basses et le chant lointain des violons, vague sourdine du boulevard endormi et rêvant d’amour. En bas, la chaussée et les trottoirs s’enfonçaient, s’allongeaient, au milieu d’une solitude grise. Toutes ces roues grondantes de fiacres semblaient s’en être allées, en emportant les clartés et la foule. Sous la fenêtre, le café Riche était fermé, pas un filet de lumière ne glissait des volets. De l’autre côté de l’avenue, des lueurs braisillantes allumaient seules encore la façade du café Anglais, une croisée entre autres, entr’ouverte, et d’où sortaient des rires affaiblis. Et, tout le long de ce ruban d’ombre, du coude de la rue Drouot à l’autre extrémité, aussi loin que ses regards pouvaient aller, elle ne voyait plus que les taches symétriques des kiosques rougissant et verdissant la nuit, sans l’éclairer, semblables à des veilleuses espacées dans un dortoir géant. Elle leva la tête. Les arbres découpaient leurs branches hautes dans un ciel clair, tandis que la ligne irrégulière des maisons se perdait avec les amoncellements d’une côte rocheuse, au bord d’une mer bleuâtre. Mais cette bande de ciel l’attristait davantage, et c’était dans les ténèbres du boulevard qu’elle trouvait quelque consolation. Ce qui restait au ras de l’avenue déserte du bruit et du vice de la soirée, l’excusait. Elle croyait sentir la chaleur de tous ces pas d’hommes et de femmes monter du trottoir qui se refroidissait. Les hontes qui avaient traîné là, désirs d’une minute, offres faites à voix basse, noces d’une nuit payées à l’avance, s’évaporaient, flottaient en une buée lourde que roulaient les souffles matinaux. Penchée sur l’ombre, elle respira ce silence frissonnant, cette senteur d’alcôve, comme un encouragement qui lui venait d’en bas, comme une assurance de honte partagée et acceptée par une ville complice.

Zola, La Curée - Chapitre IV

Introduction

Certaines ville comme Babylone, Sodome et Gomorrhe sont le symbole du Mal. C’est ce que Zola, écrivain s’appuyant sur la théorie du naturalisme qu’il définit dans le roman expérimental a essayé de représenter Paris dans le passage suivant du chapitre 4 de La Curée ; deuxième roman des Rougon-Macquart, histoire naturelle et sociale d’une famille du second empire. Cette scène est la première situation d’inceste entre Maxime et Renée.

I. Mise en scène sacrée de la faute

1. Honte de Renée, malaise

- champ lexical du malaise
- cadence mineure, rythme saccadé des gestes de Renée « alla à la fenêtre, tira les rideaux, s’accouda »
- allitération en s : faute qui renvoie à la figure du Mal, du serpent.

La scène n’est pas décrite entièrement, il n’y a pas de description inutile à les personnages ne sont pas conscients de ce qu’ils sont en train de faire à soucis du naturalisme

Il n’y a pas de description par réalisme :
- le cabinet se transforme en lieu infernal « tremblement de terre » « le sol qui tremble » « les flammes des lampes de gaz »
- dramatisation
Scène primitive symbolique qui participe à la dimension tragique du passage.

2. Description de Paris

- en mouvement : du haut vers le bas
regard de Renée « d'un air écrasé vers les rosaces du tapis », « en bas de la fenêtre », « les trottoirs s’enfonçaient »
- Image de l’enfer, de la mort « l’orchestre était mort »
- Mouvement de fuite « s’en être allée » « en emportant » à Paris se vide de la lumière et de la foule à donc de la vie
- Thème de la pesanteur (traduction physique de leur malaise) « atmosphère lourde », « irrespirable » « ténèbres »

3. Dimension de l’horreur sacrée

Renée prend une forme d’héroïne grecque : Phèdre

PHYSIQUEMENT
- enfermement ; enfermée dans un cabinet
- solitude : comparaison à un dortoir géant « la mer » « le ruban d’ombre »
- petitesse de Renée face à la ville.

PSYCHOLOGIQUEMENT : honte « c’est infâme »
- ce renfermement trouble son regard
- la phrase se termine par l’alexandrin « dégrisée, la face vieillie et toute grave » à échéance morale
- Echo sonore, allitération guttural « dégrisée » « grave »

II. Description de Paris comme une Babylone moderne

1. Point de vue narratif interne

Description de Paris la nuit à l'imparfait
Fidélité de Zola à la description au naturalis

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