du Bellay, Les Regrets - sonnet XXXI (Heureux, qui comme Ulysse...)

Fiche suivant trois thèmes de lecture :
1- le portrait de la France
2- le portrait de l’Italie
3- les conséquences de ce voyage

Dernière mise à jour : 16/03/2021 • Proposé par: zetud (élève)

Texte étudié

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son aage !

Quand revoiray-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison,
Revoiray-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province, et beaucoup d’avantage ?

Plus me plaist le séjour qu’ont basty mes ayeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaist l’ardoise fine,

Plus mon Loyre Gaulois, que le Tybre Latin,
Plus mon petit Lyré, que le mont Palatin,
Et plus que l’air marin la doulceur Angevine.

du Bellay, Les Regrets - sonnet XXXI (Heureux, qui comme Ulysse...)

Le XVIème siècle est marqué par la régence de François 1er. Il s’agit du temps de la renaissance ; le royaume est en crise, et nous assistons à la naissance d’un monde moderne. L’influence artistique italienne est également très importante.
Ainsi, les poètes se réunissent dans un cercle: la Pléiade. Ils s’opposent à l’influence italienne et cherchent à imiter les grands poètes de l’Antiquité grecque et latine.
Joachim du Bellay est né en 1522 près du Liré en Anjou. C’est un proche ami de Ronsard ; ils sont tous les deux persuadés qu’un poète n’est pas seulement un versificateur mais un savant inspiré, un messager des dieux, un visionnaire qui fait la gloire de son pays.
De 1555 à 1557, il vit à Rome. D’abord séduit puis déprimé par ce séjour, il laisse paraître sa nostalgie dans ses poèmes, dont « Heureux qui, comme Ulysse » fait partie.

Quels portraits de la France et de l’Italie découvrons-nous à travers ce poème ?

Nous répondrons à cette problématique en trois thèmes de lecture :
*le portrait de la France
*le portrait de l’Italie
*les conséquences de ce voyage

[tp]1. le portrait de la France [/tp]

* Une certaine nostalgie

Le deuxième quatrain commence par « hélas ! » ; il s’agit de la première preuve concernant la nostalgie du poète.
« et puis » et le point d’exclamation constituent d’autres indices nous mettant sur la piste d’un regret de ne pas être chez soi.
De plus, l’expression « quand reverrai-je ? » marque une interrogation sur la date de son retour en France, qu’il semble vouloir arriver le plus tôt.
En effet, il voudrait revoir son « petit Liré » si humble que la modernité de l’Italie ne peut lui faire oublier ; au contraire, cette modernité semble lui faire regretter plus vivement son pays.

* Un pays chaleureux

Nous pouvons remarquer qu’un grand champ lexical de son pays natal est évoqué avec une énumération des images lui rappelant la France : « Loir gaulois », « Petit Liré »…
La France un pays simple : « petit » et « pauvre », répétés plusieurs fois, accentuent cette simplicité ; pourtant, il ne s’agit pas ici d’un défaut, mais d’une grande qualité que J. du Bellay ne parvient pas, à son grand malheur, à retrouver en Italie.
De plus, nous pouvons voir que J. du Bellay n’utilise aucune consonne forte dans la deuxième strophe décrivant son pays natal, ce qui montre la douceur de celui-ci.
Le poète montre qu’il est attaché sentimentalement à la France, bien plus que par ses avancées technologiques.
Pour toutes ces raisons, nous pourrons dire que J. du Bellay caractérise la France de manière très positive et affective.

[tp]2. Le portrait de l’Italie[/tp]

* Rome et sa richesse

Nous pouvons voir que le champ lexical à propos de Rome est très riche, ce qui nous montre à quel point elle est une des plus grandes villes de l’époque : « palais », « marbre »…
Cependant, les adjectifs décrivant Rome accentuent la dureté de cette ville et son manque de chaleur : « dur », «fronts audacieux »… Par ailleurs, nous pouvons remarquer une diérèse sur « audacieux », montrant une ironie de la part du poète.
De même, les consonances utilisées sont dures, notamment avec des dentales : « Tibre latin », « Mont Palatin », ou avec une consonance de R : « marbre dur », « air marin »…

* Analyse des références

Toutes ces références expriment la grandeur de Rome, ville fascinante du siècle.
Pourtant, elles expriment aussi un certain orgueil, avec par exemple « fronts audacieux » ; c’est une ville qui se sent supérieure aux autres. Or, il faut savoir que l’orgueil présenté ici est en fait ironique, car Rome est une ville en ruine.
De plus, cet orgueil cache une certaine tristesse, une atmosphère froide, que montre bien « le marbre dur » ; il est froid et dur, et se retrouve ainsi opposé à la « douceur » et à la chaleur que dégage la « cheminée ».
Ainsi, nous pouvons dire que J. du Bellay caractérise l’Italie de manière négative.

[tp]3. Les conséquences de ce voyage[/tp]

* L’expérience d’Ulysse

Dans la première strophe, le poète nous décrit brièvement le récit du voyage d’Ulysse. Ainsi, nous pouvons voir que celui-ci est heureux, et ce pour deux raisons: son voyage et son retour.
J. du Bellay montre alors qu’il sera heureux, tous comme ces deux héros, à son retour.
Deux comparaisons sont utilisées : Joachim veut s’identifier à Ulysse et à Jason.

* La comparaison France – Italie

L’expression « plus que » est répétée à chaque début de vers, nous montrant l’opposition entre la ville natale de J. du Bellay et Rome.
Le poète utilise de nombreux pronoms possessifs pour évoquer la France : « mon », « ma », « m’ », opposés aux articles définis pour évoquer Rome : « le », « les »…

* Les conséquences

Bien que la France soit caractérisée de manière très positive vis-à-vis de la technologie de Rome, J. du Bellay sait qu’il retrouvera en France la grandeur de l’Italie, car, à l’époque de la renaissance, la France va surtout s’inspirer des technologies de l’Italie
Le poète montre donc ses illusions dans ce poème ; il voudrait que la France et que son village restent accueillants, chauds, et ne brillent pas par leur avancée technologique.

Ainsi, à cause de sa nostalgie, le poète ne peut apprécier la beauté de Rome.
En conclusion, nous pouvons dire que le poète dessine un tableau très positif du Liré mais négatif de Rome.
La France est présentée comme simple et accueillante alors que Rome semble froide malgré son évolution, ce qui déçoit le poète.
Enfin, J. du Bellay montre qu’il reste attaché à ses racines, demandant ainsi aux autres d’en faire autant.