du Bellay, Les Regrets - sonnet XXXII

Plan de la fiche :

I - Une expérience commune
II - Un idéal humaniste
III - Un projet humaniste incertain

Dernière mise à jour : 16/03/2021 • Proposé par: zetud (élève)

Texte étudié

Je me ferai savant en la philosophie,
En la mathématique et médecine aussi :
Je me ferai légiste, et d’un plus haut souci
Apprendrai les secrets de la théologie :

Du luth et du pinceau j’ébatterai ma vie,
De l’escrime et du bal. Je discourais ainsi,
Et me vantais en moi d’apprendre tout ceci,
Quand je changeai la France au séjour d’Italie.

Ô beaux discours humains ! Je suis venu si loin,
Pour m’enrichir d’ennui, de vieillesse et de soin,
Et perdre en voyageant le meilleur de mon aage.

Ainsi le marinier souvent pour tout trésor
Rapporte des harengs en lieu de lingots d’or,
Ayant fait, comme moi, un malheureux voyage.

du Bellay, Les Regrets - sonnet XXXII

Introduction

La renaissance a été une période de profonds bouleversements dans tous les domaines et a fait naître, chez ceux que l’on qualifiera plus tard d’humanistes, une intense curiosité et une envie de s’approprier un savoir exhaustif, en revenant à tout ce que l’Antiquité, délaissée au Moyen-âge, légué.
Du Bellay participe à ce renouvellement et, à l’occasion d’un voyage à Rome où il suivit son cousin, le cardinal Jean du Bellay parti négocier avec le pape Jules III, il va pouvoir confronter ses rêves d’humaniste à la réalité. D’abord enthousiaste devant les vestiges de la majesté romaine, il déchantera vite et sera déçu dans ses plus chères ambitions.
Le sonnet XXXII des Regrets, recueil de poèmes écrits pour la plupart lors de ce séjour en Italie, à partir de 1555, et dans lequel il exhale son amertume, sa nostalgie et ses déceptions, est empreint d’une ironie désabusée, opposant à la naïveté de ses rêves humanistes les rigueurs de l’implacable réalité.

I – Une expérience commune

Le poème est la relation d’une expérience personnelle qui s’inscrit dans le temps et dans une expérience commune. Les temps verbaux structurent ces différentes étapes tout en les précisant : le futur exprime des actions à venir que le lecteur peut situer par rapport au temps de l’énonciation. Mais les imparfaits renvoyant à l’idée de paroles font apparaître que ce futur se situe dans le passé, avant l’évènement évoqué par le passé simple. La valeur du passé composé est voisine mais le sens même de ce temps qui exprime la conséquence présente d’une action passé suggère que le séjour (implicite comme le laisse entendre « je suis venu ») perdure avec ses conséquences.
Deux étapes apparaissent ainsi en relation étroite avec l’expression du temps et de l’expérience personnelle : la certitude enthousiaste des apprentissages avec les verbes au futur, le retour en arrière avec les imparfaits qui renvoient au moment où cet enthousiasme s’exprimait, et le temps du bilan négatif qui rejoint la généralité de la comparaison finale avec le présent de vérité générale et l’article défini « le » devant « marinier » qui rappelle que cette expérience personnelle s’inscrit dans une expérience commune.

II – Un idéal humaniste

L’idéal humaniste et utopique de connaissance exhaustive parcourt tout le premier quatrain et le début du deuxième. Ces rêves aujourd’hui écroulés, du Bellay, on l’a vu, les rapporte au futur. Il était alors plein d’assurance e

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