Freud, dans ce texte extrait de son ouvrage Métapsychologie, cherche à prouver l’existence d’un inconscient, en réponse à de nombreuses objections. En effet, pour le psychanalyste, le postulat qui tend à définir l’homme par la conscience qui est la sienne suscite également des interrogations quant aux limites de la conscience : plus précisément, il s’agit pour Freud de savoir si celle-ci est absolument transparente à elle-même. En d’autres termes, n’existerait-il pas comme une forteresse psychique imprenable en dehors de la conscience, qui rendrait plus difficile la connaissance de soi? La formulation de la réponse de Freud, péremptoire et très ordonnée, commande les moments du texte: d’une part « l’hypothèse de l’inconscient est nécessaire », d’autre part, elle est « légitime », et même prouvée. Ainsi est clairement affirmée la volonté d’une démarche qui se veut scientifique, ce que confirment l’emploi de la notion d’inconscient comme conjecture, le recours à l’observation factuelle -les rêves, les actes manqués-, la capacité d’aller au-delà de l’expérience immédiate, la constitution d’une théorie qui conduit à une vérification expérimentale par le recours à une pratique programmée, qui de manière ultime valide l’hypothèse initiale émise par Freud.
En bref, il s’agit de nous demander à quel point il faut concéder que l’homme n’accède qu’à une connaissance partielle de lui-même. Faut-il ainsi le déposséder de lui-même, ce qui reviendrait alors à légitimer tous les actes qu’il commettrait, et lui ôter, par la même, toute responsabilité? Ou bien s’agit-il pour Freud de mettre en place la notion de « psychisme inconscient », compris comme une composante de l’appareil psychique, pour rendre à l’homme l’autonomie dont il est porteur ?
Nous pouvons discerner, dans ce texte, trois moments qui correspondent aux trois étapes de la démonstration de Freud. En effet, la structure argumentative du texte suit ce mouvement de réflexion afin d’aboutir à la certitude qu’il existe un inconscient, c’est-à-dire que mon esprit serait en partie obscur à moi-même. Freud établit alors une argumentation rigoureuse en mettant en lumière ses arguments fondateurs: dans un premier temps, il montre la nécessité de l’hypothèse de l’inconscient; dans un second moment, il explique que l’hypothèse de l’inconscient est légitime, en ce sens qu’il est possible de fonder sur elle une pratique efficace. Enfin, le troisième moment du texte s’appuie sur les deux