Bac philo 2019 - Série ES

Le travail divise-t-il les hommes ?

Avertissement : il ne s’agit ici que de pistes de réflexion et non d’une copie type nécessairement attendue par vos correcteurs. D’autres approches, d’autres thèses et arguments sont possibles. 

Introduction / Problématisation

Les hommes doivent produire les conditions de leur survie et subvenir à leurs besoins. On nomme travail cette activité individuelle et collective de production. Par ailleurs, les hommes sont des êtres sociaux et, pour augmenter l’efficacité du travail, ils se spécialisent dans des tâches différentes et en échangent les fruits. Ce phénomène, déjà mis en valeur aux temps de Platon et d’Aristote, s’appelle la division du travail. Mais diviser le travail ne divise pas les hommes. Au contraire, cela instaure une solidarité de fait entre eux. Obligés de collaborer, ils ont besoin les uns des autres et deviennent interdépendants. 

Pourtant, si on observe le cours de l’histoire humaine, on constate que le développement des capacités productives grâce au progrès technique, l’accroissement de la division du travail par l’hyperspécialisation des activités et l’intensification des échanges économiques ne va pas nécessairement de pair avec la pacification générale du monde. Au contraire, le travail est, depuis toujours, à l’origine de conflits à l’intérieur des sociétés et entre sociétés. Qu’en est-il alors des vertus supposément sociales du travail ? Pour y répondre, on rappellera dans un premier temps les effets pacificateurs et civilisateurs de la division sociale du travail pour montrer ensuite qu’elle est génératrice de conflits permanents. Pour surmonter cette contradiction, il sera temps, en dernier lieu, d’affiner notre vision en distinguant l’activité « travail » de ses conditions sociales et politiques d’organisation. 

Partie I.

Le travail réunit les hommes.

Comme le montrait Adam Smith, le travail est le principal ciment social. En effet, grâce à la division sociale du travail, il n’est pas nécessaire de compter sur une hypothétique sympathie, toujours instable, entre les membres d’un groupe social pour qu’il puisse faire société et vivre ensemble. Le travail instaure une solidarité objective de fait entre eux. Ce qui est vrai à l’échelle d’une société l’est également à l’échelle internationale. Les pays ont besoin d’acheter ce dont ils manquent et, pour cela, de vendre une partie de leur production à d’autres. Le commerce et les échanges internationaux créent des relations de dépendance qui obligent les peuples à s’entendre et à privilégier les solutions pacifiques aux conflits pour régler leurs différends. De plus, les relations économiques et commerciales sont propices à favoriser la (re)connaissance de l’autre, à s’ouvrir à lui pour comprendre sa mentalité, donc sa culture. Le travail induit un cercle vertueux : l’obligation de collaboration atténue peu à peu les frictions, favorise l’intégration des manières et des codes sociaux qui, à leur tour, renforce la solidarité, etc.

Partie II.

Le travail exacerbe les rivalités entre les hommes.

Cependant, on le sait bien, le besoin n’est pas le seul moteur du travail. L’homme est aussi un être de désirs. La puissance de son désir le porte à nourrir des ambitions, à ne pas se contenter de ce qu’il a, à se comparer aux autres, à rivaliser, etc. C’est pourquoi les hommes entrent souvent en désaccord à propos du partage de la richesse produite par leur travail. En ce sens, le travail divise, car il est à l’origine de l’apparition d’intérêts divergents, voire opposés. 

Loin de satisfaire les appétits et les désirs de tous, la richesse produite par le travail excite les convoitises à tel point que, comme le proposait Marx, il est possible d’interpréter le cours de l’histoire humaine comme la conséquence du conflit, donc de la division entre les différentes classes sociales qui forment une société. Celles-ci se définissent en effet selon le rôle qu’elles occupent dans la division sociale du travail, leur rapport aux outils de production (propriétaires ou pas). 

À l’échelle internationale, les relations économiques d’interdépendance entre États ne sont pas une assurance pour le maintien de la paix. Les raisons qui poussent à ne pas entrer en guerre sont les mêmes que celles qui incitent à le faire : l’impérialisme et le colonialisme sont les conséquences du besoin d’accaparer les richesses des autres peuples ou de les exploiter à son profit. 

Partie III.

Ce n’est pas le travail en soi qui divise les hommes, mais la façon dont il est organisé.

Le sujet posé révèle l’ambiguïté structurelle de cette activité proprement humaine qu’on nomme le travail. Il est cependant possible de sortir de cette ambiguïté en faisant un effort de distinction. En effet, il s’avère utile de distinguer l’activité productrice proprement dite (le travail de l’artisan, le travail domestique, la fourniture d’un service, etc.) de ses conditions d’organisation. En effet, ce n’est pas tant le travail en soi qui divise ou unit les hommes, mais la façon dont on répartit les moyens de production, échange les biens produits, distribue les richesses créées. Si l’on y prête attention, rien dans le travail lui-même n’excite la convoitise et tous les maux sociaux qui en découlent. Quand je suis à la tâche et que je me concentre sur ce que j’effectue, je ne suis pas le jouet de mon désir. Au contraire, toutes mes forces sont mobilisées positivement pour atteindre l’objectif fixé. Mon désir se trouvera comblé d’avoir bien œuvré, d’avoir bien fait mon travail, quelle que soit. Une infirmière qui a donné du réconfort au patient, un menuisier qui reçoit la reconnaissance admirative de son client, un professeur qui constate l’intérêt de son élève ne rivalisent ni ne se comparent à personne. La poursuite de l’objet de leur désir et de sa satisfaction ne fait de tort à quiconque, bien au contraire. Leur travail crée du lien et réunit des semblables. Mais cela suppose que leur activité ait un sens pour eux et, à cela, il faut au moins deux conditions : que son travail soit utile à tous et qu’on en vive dignement. Ceci exige que chacun ait du travail et puisse œuvrer à quelque chose qui n’est pas simplement perçu comme une tâche alimentaire (cf. distinction entre œuvre et travail chez Arendt). 

Conclusion.

La distinction proposée en dernière partie peut être considérée comme abstraite : en effet, est-il véritablement possible de séparer, autrement que par la pensée, le travail de ses conditions d’organisation ? Et pour cause, dans la réalité, l’organisation de la production est souvent à l’origine de nouvelles tâches et fonctions : c’est bien parce qu’on demande à des cadres d’être encore plus rentables que ceux-ci ne prennent parfois pas le temps de se restaurer et qu’on a créé des services de livraison de repas effectuée par des employés souvent mal payés et peu épanouis dans leur travail… Mais, justement, ce dernier exemple montre que la valeur du travail relève d’une interrogation de type politique, c’est-à-dire d’une réflexion et d’une délibération collective destinées à répondre à la question suivante : que veut-on réellement produire, pour quelles finalités et avec quelles ressources. 

Vos réactions

Proposition de correction

Salut :), je viens demander si on pouvait partir du postulat que diviser les Hommes c'était les faire entrer en conflit ou les stratifier. Du coup, j'ai dit, en première partie que le travail faisait se reconnaître les hommes et les rassemblaient (le travail permettant de montrer la différence Humain/animal), en seconde partie, j'ai dit que le travail aliénait les Hommes et les divisait (secteur ouvrier, travail à la chaîne cumul des inégalités, stratification sociale) et en dernière partie j'ai proposé une solution visant à dire que les conflits dans le secteur du travail (syndicat, etc..) permettaient aux Hommes de se reconnaître, d'affirmer leur humanité et cassait la dualité maître/esclave. Ces soulèvements contre les maîtres servent donc à rassembler les Hommes malgré le fait que ces conflits au travail ressemblent à une division. (je ne sais pas si j'ai fait un hors sujet j'espère pas). Merci ;)

Phrase du jour

“Chaque être humain est une fiction, nous vivons en étant immergés dans nos propres fictions, englués en elles”

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