Vous êtes ici

Bac philo 2013

Série L : Le langage n'est-il qu'un outil ?

Avertissement : il ne s’agit ici que de pistes de réflexion et non d’une copie type nécessairement attendue par vos correcteurs. D’autres approches, d’autres thèses et arguments sont possibles.

Éléments de problématisation

Il s'agit d'un sujet très classique, ce qui ne signifie pas pour autant qu'il est très facile. On peut d'abord prêter attention au « ne...que » du sujet. C'est une formulation restrictive, péjorative. Répondre à l’affirmative, c'est indiquer que le langage est réduit à n'être qu'un outil, c'est-à-dire à une fonction purement utilitaire (encore faudra-t-il préciser de quelle fonction il s'agit). Donc, il y a deux alternatives : soit le langage n'est pas uniquement un outil car il n'est pas du tout un outil (c'est par exemple, non pas un moyen mais une fin en soi) ; soit le langage n'est pas qu'un outil parce que c'est un outil mais pas seulement cela (ce peut être aussi, par exemple, un obstacle et non pas un outil efficace).

Donc la problématique est assez simple : peut-on réduire le langage à ses fonctions purement utilitaires (de communication notamment) ou présente-t-il d'autres intérêts qui en font une fin en soi et pas seulement un moyen?

 

Première partie. Le langage est un outil

On peut assumer dans cette partie l'idée que le langage n'est qu'un outil. C'est là qu'il trouve son origine : le langage apparaît d'abord comme un moyen de communiquer, plus efficace et plus pratique que les autres formes de communication (voir par exemple la généalogie du langage proposée par Jean-Jacques Rousseau dans son Second Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes) et c'est aussi ce qui explique sa forme : c'est une convention arbitraire (voir par exemple Saussure, Cours de linguistique générale). On peut entendre ici la réduction au sens de réduction logique. Réduire le langage à n'être qu'un outil, le restreindre à une pure fonction utilitaire de communication, c'est le ramener à son fondement. S'il ne devait rester qu'une chose du langage, est-ce que ce ne serait pas ainsi cette utilité du langage ? Accepterions-nous un langage inefficace, inutile...?

Pour aller plus loin, on peut aussi montrer que le langage n'est pas seulement un outil de communication mais aussi d'action (cf. la valeur performative du langage avec J. L. Austin, par exemple) ou de domination (voir par exemple Platon, Gorgias). Donc le langage est bien un outil : pas seulement un moyen de communication, mais aussi un instrument efficace pour agir sur et dans la réalité.


Transition : Or, cette efficacité ne peut-elle pas se retourner contre nous ? L'outil est réversible : il peut être l'instrument qui me permet d'atteindre mes objectifs mais aussi l'obstacle qui me résiste. Dès lors, le langage ne peut-il pas ne pas être qu'un outil efficace et utile? Ne peut-il pas aussi être inefficace, voire nuisible?

 

Deuxième partie. Le langage n'est pas seulement un outil, il peut être aussi inefficace voire nuisible

On peut dans cette partie creuser l'idée suivant laquelle le langage n'est pas qu'un outil car il n'est pas toujours utile. Il peut nous desservir : soit parce qu'il ne nous permet pas d'exprimer correctement notre pensée, en raison du décalage qui peut exister entre ce que nous pensons et éprouvons et les mots que nous avons à disposition. Justement parce qu'il doit être un outil de communication, le langage est une convention arbitraire dont les éléments, les mots, sont généraux — d'où son inaptitude structurelle à saisir une réalité (extérieure ou intérieure) qui n'est jamais générale. Voir par exemple Henri Bergson (Le Rire) ou Nietzsche (Le Livre du philosophe). Il est intéressant de noter que c'est justement ici une approche purement utilitaire du monde à travers le langage qui en motive la critique : il y a bien plus dans la réalité que ce que les mots nous en disent (dans leur usage quotidien). Pire qu'inefficace, le langage peut aussi nuire : soit comme outil de domination, soit lorsqu'il nous trahit, on peut penser au lapsus par exemple.


Transition : Donc le langage n'est pas seulement un outil car il peut être aussi inefficace ou nuisible. Mais, comme on l'a d'ailleurs déjà évoqué, cela revient à le réduire à nouveau à n'être qu'un outil : un moyen, utile ou non, avantageux ou nuisible, mais jamais une fin en soi. Or, n'y a-t-il pas plus dans le langage que cette simple question de l'utilité ? Le langage n'est-il pas une fin en soi, en aucun cas un simple outil?

 

Troisième partie. Le langage n'est pas qu'un outil : c'est une fin en soi.

On peut développer ici l'idée que le langage n'est pas qu'un outil parce que c'est une fin et non un moyen. La valeur du langage tient non pas dans une finalité extérieure, mais en lui-même, par ce qu'il rend possible en tant que tel. Il y a deux éléments ici. D'abord, la question de la pensée : le langage n'est pas seulement l'outil de communication et d'expression de la pensée mais il est le lieu même de la pensée, la pensée même (Hegel). Il n'y a pas deux moments (une pensée qui s'élaborerait en dehors du langage pour être ensuite saisie et exprimée par celui-ci) mais un seul.

Deuxième élément, la question du rapport à autrui. La notion de communication suppose en effet dans le sens où on l'a utilisé un rapport extérieur et intéressé mais on peut aussi l'entendre dans un sens plus précis, en mettant en avant le « commun » présent dans le mot lui-même : communiquer c'est aussi rencontrer véritablement l'autre et le langage est alors comme une fin en soi car lui seul permet justement de dépasser l'étrangeté d'autrui pour le rencontrer (Maurice Merleau-Ponty). On peut même élargir en pensant à la fonction de la délibération, de la discussion en démocratie par exemple. L'idée est donc que le langage dépasse des préoccupations intéressées et utilitaires pour nous permettre de réaliser des fonctions essentielles à notre humanité.

 

Conclusion: Le langage n'est pas qu'un outil car c'est une fin en soi où notre humanité se réalise. 

@philomag

Flux Twitter alimenté par @cyrildruesne et @CedricEnjalbert
📚“À la recherche du idéal” : François-Xavier livre une enquête éblouissante. https://t.co/EpZE20zm5K
“ Je fais du braintertainment, de l’apprentissage par le divertissement” ☛ Portrait de https://t.co/ag8xfafLgj
À partir de la semaine prochaine, retrouvez la rédaction sur chaque jeudi. https://t.co/wbXuVhkLXg

Brèves

Derniers commentaires

Quand une religion est déclarée,,d'état,,la liberté de conscience n'est pas garantie par le dit état...

En tant que mère, fêter chaque anniversaire de mes 3 filles, c'est réenchanter ce jour, un miracle, où ch...

MERCi à Vous TouS Cette publication me Conforte et me soulage ... Rien à ajouter si ce n'est sa Valida...

Alvarez a essentiellement créé polémique par la quantité de moyens qu'elle a reçus afin de mettre en oeuv...

en effet, cette conversation futile sur l'argent est difficile à lire : la philosophie doit elle défendre...

Je connais cet homme qui va animer une conférence et un atelier à aix les bains en savoie en octobre 2017. Je...

Après lecture des propos superficiels, indécents de Luchini et Bruckner sur l'argent, j'hésite série...

Bonjour, Souleymane Bachir Diagne met, selon Bergson, au même niveau d'humanité la religion et la raison...

Lorsque je me mets à réfléchir à la corrélation entre bonheur et travail, je commence par me souvenir que le m...

C'est vrai que nous n'avons jamais déclenché les printemps arabes. Cependant nous avons soutenu ces...