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Bac philo 2014

Série S: Vivons nous pour être heureux?

Avertissement : il ne s’agit ici que de pistes de réflexion et non d’une copie type nécessairement attendue par vos correcteurs. D’autres approches, d’autres thèses et arguments sont possibles.

Introduction / Problematisation.

Ce sujet soulève une problématique assez classique sur le bonheur : celle de savoir quelle place nous devons/pouvons lui accorder dans nos existences. Le bonheur constitue d'une part une fin légitime et même universelle. On ne peut reprocher à personne de vivre pour être heureux, c'est-à-dire de chercher à atteindre le bonheur, et l'on peut même donner à cette affirmation une portée universelle : oui, nous vivons tous, universellement, pour être heureux, tant il est vrai que la définition du bonheur est suffisamment relative à chacun pour que l'on puisse dire que tous les hommes veulent être heureux, quelqu'en soit la manière. 

Mais dans le même temps, le bonheur est une fin incertaine. Vivre pour être heureux, cela signifie aussi chercher le bonheur à tout prix, ne vivre que pour ça. Or, pouvons-nous ainsi tout sacrifier pour le bonheur? Le bonheur constitue-t-il la seule et unique fin de notre existence? Il y a en effet d'autres buts que l'homme, en tant qu'être raisonnable, peut poursuivre et qui peuvent aller à l'encontre de leur bonheur individuel : la vertu, la connaissance, la citoyenneté, la liberté.... Ainsi le bonheur est-il bien la seule fin de notre existence, au détriment de toutes les autres, où notre humanité se joue aussi?

Plusieurs plans étaient bien entendu possibles pour traiter ce sujet, voici donc une proposition à partir de quelques pistes.

 

Première partie. Le bonheur est une fin universelle. 

On pouvait développer dans un premier temps l'idée que nous vivons bien pour être heureux et que cette affirmation a une portée universelle. Cela tient en effet à la définition du bonheur. S'il s'agit d'un état de satisfaction totale et durable, celui-ci peut être atteint de différentes manières selon les individus. Le bonheur est donc relatif, individuel. Dès lors, chacun va, à sa manière, poursuivre celui-ci dans son existence. On peut ainsi considérer le bonheur comme une fin universelle, comme l'explique par exemple Aristote dans l'Éthique à Nicomaque en définissant le bonheur comme la fin suprême : tout ce que nous faisons ou poursuivons (l'argent, les honneurs, l'amour...), nous le faisons pour être heureux et le bonheur est la seule fin en soi de l'existence (on veut être heureux pour être heureux et non pour autre chose).

Il est donc légitime de chercher à être heureux et c'est là aussi un des aspects du problème. Vivons-nous pour être heureux? cela signifie aussi : est-ce bien le sens de notre existence dans le monde? Or, à cet égard, la poursuite du bonheur est conforme à notre nature d'être sensible ce qui implique que nous cherchions à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour être heureux. Le bonheur est en effet fonction de ce qu'il nous est possible de faire, d'obtenir et de notre liberté comme capacité d'action, comme pouvoir. On pouvait ici se référer par exemple aux propos tenus par Calliclès dans le Gorgias de Platon.

Donc le bonheur est une fin universelle et légitime de nos vies. Nous vivons en effet tous pour être heureux. Toutefois, en tant qu'état de satisfaction totale et durable, le bonheur semble difficile voire impossible à atteindre. Dès lors, pouvons-nous ne vivre que pour être heureux? Notre existence n'a-t-elle pas de sens ailleurs que dans un bonheur sensible, individuel et incertain?

 

Deuxième partie. Le bonheur ne peut pas être la seule fin de notre existence.

On pouvait donc enchaîner dans cette deuxième piste sur l'idée que le bonheur ne peut pas être la seule fin de notre existence. On peut aborder la question d'un point de vue moral en arguant que notre devoir, qui va bien souvent à l'encontre de notre bonheur, est cependant nécessaire à la réalisation de notre humanité raisonnable : il nous faut donc savoir renoncer au bonheur si le devoir l'exige. On pouvait s'appuyer sur Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs ou encore Mill, L'Utilitarisme. Le bonheur comme fin en soi de nos existences pose aussi problème en tant que fin individuelle. Chercher son bonheur à tout prix, n'est-ce pas aussi être prêt à sacrifier celui des autres pour obtenir notre propre bonheur? La question se pose donc aussi de savoir dans quelle mesure nous ne devons pas nous soucier des autres avant notre bonheur individuel. C'est la description que donne Hegel du grand homme qui n'est, nous dit-il, pas heureux parce que son existence a un sens qui dépasse cette simple préoccupation. Ainsi, le bonheur agit comme une forme de leurre et ce que nous sacrifions si nous le cherchons à tout prix risque de nous dénaturer en nous amenant à renoncer à des aspects essentiels à notre humanité. Voir pour cela par exemple la critique du despotisme éclairé dans La Lettre à Helvétius de Diderot, puisque précisément le bonheur procuré par le despote éclairé aux hommes agit comme une séduction qui les transforme en bétail.

Nous devons donc nous méfier du bonheur, soit qu'il ne soit qu'un leurre impossible à atteindre, soit qu'il agisse comme un somnifère qui nous conduit à renoncer à ce qui est essentiel à notre nature d'homme. Toutefois, comme nous l'avons aussi vu, nous ne sommes pas que des êtres raisonnables mais aussi des êtres sensibles pour qui le bonheur est essentiel. Ne peut-pas alors chercher le bonheur sans pour autant renoncer à ce qui nous définit?

 

Troisième partie. Vivre pour être heureux n'est pas incompatible avec le reste de nos devoirs.

Dans cette troisième piste on pouvait développer l'idée que vivre pour être heureux n'est pas nécessairement incompatible avec le reste de nos devoirs, et même que la recherche du bonheur n'a de sens que dans le respect de ceux-ci. Si l'on définit le bonheur comme un état de satisfaction totale dans lequel nous sommes parfaitement nous-mêmes, cet état ne peut de toute façon être atteint que dans le respect de ce que nous sommes comme être sensible et raisonnable. On ne saurait être heureux en renonçant à ce qui nous constitue. Ainsi, dans le Second discours, Rousseau explique en quoi le contrat social doit permettre de retrouver le bonheur et l'harmonie naturels de l'homme, c'est-à-dire en quoi, en faisant son devoir de citoyen, l'homme retrouve un bonheur qui ne peut de toute façon plus être purement individuel. De la même manière, par exemple chez Kant, le bonheur peut être poursuivi comme une fin secondaire, c'est-à-dire comme un moyen pour accéder à la vertu.

Ainsi, vivre pour être heureux ne signifie pas nécessairement se lancer dans une course frénétique à la satisfaction de tous nos désirs, mais plutôt trouver l'équilibre nous permettant d'atteindre un état durable d'absence de trouble, comme le propose l'éthique épicurienne par exemple. 

 

Éléments de conclusion.

Nous vivons bien pour être heureux. Cela ne signifie pas que nous pouvons tout sacrifier pour notre satisfaction personnelle. Le bonheur est certes une fin légitime de l'existence, mais ne peut être atteint qu'à la condition que nous le construisions sans renoncer aux traits essentiels de notre humanité raisonnable. Nous vivons ainsi pour être heureux dans le sens où le bonheur constitue la fin à partir de laquelle nous construisons notre existence pour l'atteindre, sans pour autant tout lui sacrifier de manière aveugle.

Vos réactions

Est il possible de parler du

Est il possible de parler du bonheur sans évoquer une seule fois Spinoza ?

Merci !

J'ai écrit les mêmes problématiques pour les deux premières parties, merci le guide de survie !!!!! J'ai bon espoir de dépasser la moyenne cette fois

Commentaire:Vivons nous pour etre heureux

L universalité du concept du bonheur s explique également par la nature sociale de l homme qui ne peut realiser son bonheur que parmi d autres humains .Dans le cas contraire l homme tomberait dans l égocentrisme et l égoïsme incompatibles avec toute vie humaine qui se veut humaniste et humanisant.L homme étant dans son essence un animal social:le bonheur n est donc concevable qu en prenant en compte le milieu et l environnement qui charrient des valeurs spécifiques.

Le bonheur n'est total que s

Le bonheur n'est total que s'il est partagé!

Merci et...

Merci vraiment beaucoup, malgré le "cette égard" qui fait tache (enfin, je peux parler,j'ai écrit "hérigée" et "Quant est-il?"... le stress et le manque de discernement sur des sujets dénués de philosophie, peut-être également que l'allemand Kant,m'a donné envie de mettre des "h", très germaniques, un peu partout sur ma copie et d'écrire "Qu'en" à la façon de "Kant", c'est à dire: "Quant"), votre proposition de plan correspond globalement à ce que j'ai mis. DE PLUS, je trouvais intéressant dans chaque partie (Première, deuxième et troisième), de subdiviser mon propos en deux, selon les deux définitions possibles du "nous" de "vivons-nous pour être heureux?": d'une part , nous, en tant que sujet, singulier; est-il de ma nature et est-il moral de vouloir accéder à mon bonheur personnel? D'autre part, nous,en tant qu' "être humain", entité universelle et contingente dans l'espace et le temps, puis-je considérer le bonheur comme une finalité?

Ma conclusion se formulait globalement ainsi: La quête du bonheur personnel n'a pas de sens d'un point de vue historique et peut s'avérer immorale. Toutefois, nous devons tendre vers un bonheur universel inscrit dans l'espace et le temps, moral, dans le respect de la nature et de notre nature; c'est à dire dans une société-monde dénuée de narcotiques (drogue, argent) pouvant nous détourner de notre véritable bonheur; celui de vivre dans un monde contingent.

Vos remarques, questions et propos contraires au mien seront vraiment les bienvenus !

Je n'ai pas parlé une seule

Je n'ai pas parlé une seule fois du mot "bonheur"....

La vie a une finalité interne

La vie a une finalité interne, c'est pour cela qu'elle a de la valeur.

Moi j'ai un peu parler de la

Moi j'ai un peu parler de la religion.. Est ce que cela vous semble HS ?

Vivons-nous pour être heureux ?

Vivons-nous pour être heureux ? Tout le monde veut être heureux, ça semble évident. Est-ce que cela signifie que nous vivons pour être heureux ? C'est une autre histoire.

Tout le monde court après le bonheur. Il n'y a que ça qui compte dans notre vie, la quête du plaisir. Le bonheur, le plaisir, la joie... tout ça signifie la même chose, un sentiment agréable, par opposition au malheur, à la souffrance, la peine, qui sont désagréables. Certains distingueront le bonheur de la joie en rajoutant le mot "durable". Le bonheur est alors un leurre, tellement les sensations de joie et de peine sont liées. Boire un verre d'eau quand on n'a pas bu pendant 24 heures c'est un vrai bonheur. C'est un bonheur car ça met fin à une peine. Et il est quand le bonheur : quand l'eau est dans la bouche ? quand on saisit le verre ? D'autres diront qu'ils pensent aussi, sinon surtout, voire exclusivement au bonheur des autres. Parfois même au détriment de leur propre bonheur. Foutaises. Ceux-là ne se rendent tout simplement pas compte qu'ils prennent du plaisir en faisant plaisir aux autres. Il en est de même de ceux qui parleront de connaissance, de morale... s'ils font tout ça, c'est uniquement parce que cela leur procure du plaisir.

Est-ce que pour autant le bonheur est la raison d'être. Certainement pas. "La seule raison d'être d'un être, c'est d'être". Sur ce point, je suis entièrement d'accord avec Henri Laborit. Nous vivons dans un seul but : "c’est se maintenir en vie". Tout nos actes sont guidés par ce seul but (consciemment, ou inconsciemment). Le plaisir n'est que la conséquence d'un acte qui va dans le sens de la survie. Voilà tout. Il est inévitablement lié à la peine, qui est une alerte, qui nous signale un danger pour notre vie. La vie ne servirait donc à rien d'autre qu'à elle même ? A quoi bon continuer alors ? Vous avez dit suicide ? Il s'agit là d'affronter une peine à la hauteur de l'enjeu. "L'inconvénient d'être né" selon Cioran.

bonheur

Tant que l'on n’aura pas défini clairement ce que l'on entend par bonheur tout restera flou et on pourra parler dessus à l'infini.

Parler de la religion n'est

Parler de la religion n'est pas forcément hors sujet.

Attention

Je prévois une hausse de vue sur ce billet, en cette veille de devoir :D

Ça ma beaucoup aidé pour

Ça ma beaucoup aidé pour reviser mon bac blanc de philo. Merci !

Merci beaucoup

J'ai consulté votre texte durant la pause de la dissertation, il m'a été très utile pour la compréhension.

Le sentiment du bonheur?

Ce que les Orientaux appellent le kief, c'est le bonheur absolu. Ce n'est plus quelque chose de tourbillonnant et de tumultueux. C'est une béatitude calme et immobile.
Une foule de joies menues et inracontables?

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