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Bac philo 2014

Série S: L'artiste est-il maître de son œuvre?

Avertissement : il ne s’agit ici que de pistes de réflexion et non d’une copie type nécessairement attendue par vos correcteurs. D’autres approches, d’autres thèses et arguments sont possibles.

Remarque générale.

Sujet sans aucune difficulté particulière, exigeant seulement de réfléchir à la notion de maîtrise. Il est aussi nécessaire d’avoir les idées bien claires sur la différence entre création et production, art et technique, artiste et artisan etc. pour les mobiliser dans le traitement de ce sujet. 

 

Introduction / Problématisation. 

On dit souvent d’une œuvre d’art qu’elle a un auteur et qu’elle appartient à un ensemble constituant l’œuvre d’un artiste. Celui-ci est aussi considéré comme possédant des dons techniques et un talent lui permettant de donner forme à ses inspirations. Sa supériorité par rapport au commun des mortels tient précisément à cette faculté d’imposer à un support la forme qu’il souhaite pour créer un œuvre inédite, représentant  ses aspirations. Par ces différents aspects, l’artiste s’apparente à un maître. Mais la maîtrise technique ne constitue pas le seul aspect de la relation à l’œuvre, sinon l’artiste ne se distinguerait pas réellement de l’artisan. Se demander si l’artiste est le maître de son œuvre revient donc à interroger la spécificité de la notion d’auteur et à voir si elle s’apparente une relation de maîtrise, entendue aussi comme contrôle et possession de quelque chose. 

Or, si l’artiste est bien un maître dans son domaine, il ne va pas de soi qu’il soit le maître de son œuvre dans la mesure où elle lui échappe de plusieurs manières et c’est, justement, en cela que réside la particularité de la définition de l’artiste. En premier lieu, l’œuvre n’appartient pas à l’artiste car celui-ci n’en contrôle pas absolument le processus d’élaboration. En second lieu, l’artiste ne maîtrise pas la réception dont son oeuvre fait l’objet. 

 

Première partie. L’artiste est l’auteur de son œuvre. 

Une œuvre d’art est une création. Elle suppose donc l’existence d’un créateur et s’apparente  à une forme de production.  L’artiste crée en fonction d’une inspiration, d’un besoin. Même si on lui passe commande, il demeure relativement libre de faire comme il l’entend. Sinon le peintre ne serait, par exemple, qu’une sorte de décorateur et ce n’est pas le cas. L’artiste est donc bien l’auteur de son œuvre et l’on identifie souvent l’un par l’autre, l’un et l’autre. On dit, par exemple, un Matisse, un Picasso comme si la personne du peintre s’incarnait dans ses toiles par la grâce d’un style, d’un talent, voire d’un génie singuliers qui lui sont propres. 

Ici s’établit la différence entre l’artiste et l’artisan (ou l’ouvrier) : tous produisent mais l’artisan agit selon des plans et des objectifs préétablis par d’autres. Il doit respecter des contraintes techniques beaucoup plus importantes liées à la finalité pratique de ses réalisations. Il ne peut donc pas faire ce qu’il veut et n’est donc pas le maître de sa production. 

 

Deuxième partie. Mais il n’en est pas le maître pour autant. 

Pour autant, il n’est pas possible d’assimiler la notion d’auteur à celle de maître. La relation de maîtrise de ou sur quelque chose implique l’idée d’un contrôle total ou celle d’une possession de cette chose (que l’on pense à la relation maître/esclave). Or, être l’auteur d’une œuvre n’implique pas qu’on la possède de la sorte. 

En effet, lorsqu’il crée, l’artiste ne sait pas toujours où il va ni ce qu’il fait. Au début d’un poème, un auteur choisit des mots pour évoquer les images ou les sentiments qu’il porte en lui mais, très vite, le processus s’inverse : les sonorités des mots font surgir de nouvelles images, les mots appellent les mots qui appellent d’autres images et ainsi de suite. Le poète devient presque le spectateur de l’accomplissement de son poème. Il se laisse aller à l’inspiration de son génie. C’est la raison pour laquelle on a souvent identifié le génie de l’artiste à un don divin : à travers lui se tisserait une relation avec les Dieux qui nous parleraient par son entremise. L’artiste se trouve alors possédé par son inspiration. Il nous enchante car il est enchanté par les Muses, c’est-à-dire sous le charme et donc comme possédé. 

 

Troisième partie. L’œuvre n’appartient à personne. 

De plus, l’artiste n’est pas le propriétaire de son œuvre au sens où chaque spectateur ou auditeur est libre d’interpréter et de vivre librement sa relation avec elle. Une musique est recréé à chaque écoute, des significations nouvelles surgissent à chaque lecture d’un poème. Nous sommes libres d’interpréter un tableau comme bon nous semble en nous laissant guider par notre état d’âme de l’instant, par nos impressions, par notre connaissance particulière de l’histoire de l’art. 

Contrairement à un objet artisanal ou technique, l’œuvre d’art ne s’accompagne pas d’un mode d’emploi indiquant la façon dont il faut l’utiliser et la comprendre. Aussi, l’artiste accepte-t-il d’être dépossédé de son œuvre dès qu’il la rend accessible à autrui. Il apparaît donc que cette forme de don et cette prise de risque soit profondément incompatible avec les présupposés attachés à la notion de maîtrise. L’artiste ne maîtrise pas le destin et la réception publique de son œuvre. 

 

Conclusion.

Loin de s’apparenter à une relation de maîtrise, la notion d’auteur exige, au contraire, la faculté de se détacher de son œuvre. Au cours de l’acte créateur d’abord, l’artiste doit pouvoir se laisser aller à son inspiration et se rendre disponible pour l’accueillir, quitte à abandonner en cours de route ses aspirations initiales. Une fois l’œuvre achevée ensuite, il lui faut accepter qu’elle ne lui appartienne plus, au sens où chacun devient à sa manière l’auteur de l’œuvre selon sa façon de l’interpréter, de la vivre voire d’y être indifférent ou de ne pas l’aimer. 

En résumé, la maîtrise technique de son art ne signifie pas que l’artiste est le maître de son œuvre. Il faudrait plutôt dire qu’il en est seulement le maître d’œuvre. 

 

Par Mathias Roux

Normalien et agrégé de philosophie, Mathias Roux enseigne au lycée Victor-Louis, à Talence (Gironde). Il s’est intéressé à des sujets aussi divers que le sport (Socrate en crampons. Une introduction sportive à la philosophie, Flammarion, 2010) et la politique (J’ai demandé un rapport. La politique est-elle une affaire d’experts ? Flammarion, 2011). Il vient de publier S’estimer soi-même avec Descartes (Eyrolles, 2016).

Vos réactions

L'artiste et son œuvre

C'est devenu un lieu commun universitaire, depuis Paul Valéry, de dire que "des significations nouvelles surgissent à chaque nouvelle lecture d 'un poème etc. J'ai toujours trouvé ce jugement outré. A ce compte-là, qu'est-ce qui m'empêcherait d'affirmer que pour moi, le sonnet "Correspondances" de Baudelaire est un appel direct à la grève des métallurgistes ou la description d'un paysage auvergnat. La polysémie est tout de même une fonction relative du texte.

L'oeuvre

Je partage votre raisonnement, je suis un créateur moi même et me retrouve dans les différents pistes que vous parcourez pour en arriver à votre conclusion de fin. C'est d'ailleurs plus sain pour l'artiste d'avoir une relation de détachement par rapport à sa propre création, il libère de cette façon son âme pour l'oeuvre qui suivra. Se vide est 'd'après moi, l'outil de base de l'artiste.

L'artiste est-il maître de son œuvre

Le phénomène de conception, base de l'œuvre, n'appartient qu'à l'artiste. Il développe , intégre ses pensées, ses concepts, ses recherches, son vécu pour créer et matérialiser son projet. Les techniques de production ou de fabrication ne lui sont pas forcément utiles pour la réalisation : nombreux artistes s'en tiennent à leurs esquisses et dirigent ceux qui ont le savoir technique

l’artiste est le maître de son œuvre

C'est l' oeuvre qui est maîtresse de l 'artiste, elle résulte d'une passion qui vous prends aux tripes et vous rends malade.
Tant quelle n 'est pas aboutie, elle vous taraude l' esprit jours et nuits.
Jusqu'à l'achèvement !!
L artiste est le révélateur de l 'oeuvre !!

Références?

Même si votre réflexion est tout à fait claire et pertinente, je trouve qu'elle manque de références philosophiques. J'imagine que ce manque serait reproché à un candidat au bac... Aucun philosophe n'a évoqué cette question de la maîtrise artistique?

l'artiste

L'Artiste quel qui soit , ne sera propriétaire de son oeuvre, tant qu'elle sera à lui ,ou à elle .Que, cette Artiste soit , un Homme, une Femme, Mexicaine, ou de tous autres continents. Nous n'aimons que ce que nous connaissons. Connait on ,les œuvres de ceux qui peignent avec leurs pieds, avec leurs bouches.Non nous connaissons ce que l'on veux bien montrer à la populace: comme disait ,Victor Hugo la Révolte ,est à la populace ce que la révolution est au peuple .l'ART EN LUI MÊME CE DOIT D’ ÊTRE RÉVOLUTIONNAIRE .ET ne peu appartenir qu'a son créateur; ALLEZ regarder la Liberté guidant le MONDE , ?c'était une autre époque ! Mais ,a qui appartient cette oeuvre: ? A son auteur? OU, à la Republique? certes Non son auteur, meme s'il est connus ne peus rivaliser avec se qu'il a crée: HE bien voila,une eouvre qui appartient à qui??? A

Il aurait été intéressant de

Il aurait été intéressant de mentionner l'Ion de Platon, dans lequel est rapporté le dialogue de Socrate avec un poète à proie du génie. Peut-être aussi qu'il faudrait développer plus le rapport de l'artiste avec son œuvre plutôt que de trop parler du public de l'œuvre...

Moi je l'ai fait hier, j'en

Moi je l'ai fait hier, j'en ai conclue que l'artiste étais maitre et non maitre de son oeuvre. J'ai bien aimer ce sujet, il est assez large et je vois que vous regroupez pas mal de mes idées ce qui me fais assez plaisir. (bon après je dit pas j'ai réussis a caser mickael Jackson dedans quoi..) Puisque pour moi la notion d'artiste est assez large. L'artiste peut être peintre, sculpteur, architecte, écrivain, musicien même! Voila voila je tenais a préciser mon ressenti. Votre développement est très bien fait je tient a le préciser. :)

artiste

Afin de répondre à la question "L'artiste est il maitre de son oeuvre", il faut définir ce qu'est un artiste et ce qu'est une oeuvre, ce qu'est être maitre de son oeuvre.


Il m'apparait comme clair que "L'artiste" type n'existe pas, il y a en effet différents profils d'artistes. Certains qui maitrisent le moindre détail de leurs œuvres avec une précision allant au dela parfois de l'entendement, nous pourrions citer des compositeurs comme Bach qui nous ont laissé des oeuvres d'une régularité et d'une précision extrême. Des peintres réalistes qui avec des pinceaux réussissent des toiles que nous prenons aujourd'hui encore pour des photos. Ces artistes là sont clairement maitres de leurs œuvres et savent avant de poser le pinceau sur la toile ce que sera le résultat du coup de pinceau. Il est meme capable de savoir ce que seront les cinquantes ou les cent coups de pinceaux suivant. L'autre type d'artiste est celui qui laisse l'aléatoire venir personnaliser son oeuvre et lui donner sa singularité. Je prendrais l'exemple d'un calligraphe japonais qui avec un immense pinceau gorgé de sumi (encre noire japonaise) vient violement éclabousser le papier de riz afin de créer la singularité d'un trait composé de multiple vides et de pleins, cela en une seule seconde et dans un esthétisme qui lui est maitrisé car le geste à été répété pour s'assurer que l’œuvre bien que très aléatoire dans l'intérieur du trait très épais de l’idéogramme sera écrit de manière à être lisible. Bien qu'en partie aléatoire, l'oeuvre de cet artiste japonais est donc maitrisée et l'artiste n'est la encore pas dépassé par son oeuvre.

Etre dépassé par son oeuvre, voila ce qui me semble être le coeur de la question. Un artiste est maitre de son oeuvre lorsque qu'il atteint le résultat qu'il s'était donné grace à sa technique et son talent et cela meme pour un art ou une part d'aléatoire existe, cet aléatoire doit etre maitrisé. Lorsque l'artiste n'obtient pas le résultat voulu, il jette son oeuvre manquée et recommence en changeant ce qu'il pense être la raison de son échec. Est ce qu'il ne devient artiste que lorsque son oeuvre est réussie. Cela serait invraisemblable. Il arrive parfois qu'un artiste réussise une première oeuvre et rate la seconde. D'aucuns viendront dire qu'il eu cessé d'être artiste après son oeuvre ratée.

Un artiste qui laisserait l'arbitraire total créer son oeuvre et qui prendrait un outil au hasard, une matière au hasard et d'un un mouvement totalement improvisé, sans aucune réfléxion ni objectif viendrait créer une oeuvre serait un imposteur et non un artiste sauf si cette absence de tout concept ou reflexion et outils prédéfini était justement le concept de son oeuvre.

Comme pour tous les arts, on ne devient pas maitre en quelques heures et que penser d'un artiste apprenti qui composerait une musique dissonante par erreur pendant l'écriture de sa partition ou d'un calligraphe apprenti qui mettrait trop d'encre sur son pinceau venant créer malgré sa volonté de faire un trait nuancé, faire une énorme tache d'encre sans interet. Peut-on considerer ces gens commes des artistes. Les grands maitres sont en effets tous passés par ces étapes et personne ne peux dire qu'ils n'ont pas toujours été artistes. Il est donc logique de penser que les artistes qui ne maitrisent pas à un moment donné leurs oeuvres, sont tout de meme de meilleurs artistes en devenir.

Il existe donc des artistes débutants, confirmés, et des maitres qui maitriseront leur art à des degrés différents et seront donc relativement maitre de leurs oeuvres ou quasi totalement. Il est donc impossible de répondre simplement par l'affirmative ou la négative à cette question, "L'artiste" étant un terme trop large pour répondre à la question. Voici comment je concluerais.

Il existe des artistes maitres de leurs oeuvres et d'autres moins experimentés qui tendent à l'être. Un artiste est donc toujours maitre de son oeuvre à un degré qui varie selon son talent et son expérience.

L artiste est maître de son

L artiste est maître de son œuvre tant qu elle lui appartient puisqu'il peut la détruire !

est ce qu'on répondrai de la

est ce qu'on répondrai de la même façon si la question posée était plutôt << l'artiste maîtrise-t-il son travail >>

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