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Bac philo 2015 - Série L

Suis-je ce que mon passé a fait de moi?

Avertissement : il ne s’agit ici que de pistes de réflexion et non d’une copie type nécessairement attendue par vos correcteurs. D’autres approches, d’autres thèses et arguments sont possibles. 

Introduction / Problématisation

Le sujet semble nous confronter à une impasse. Si je suis ce que mon passé a fait de moi, quelle liberté me reste-t-il? Est-ce à dire que je suis condamné à être toujours le même, tel que j'ai été, sans possibilité de me redéfinir, de me réinventer au gré des événements nouveaux qui peuvent arriver et en fonction du futur et non pas du passé? Mais si je ne suis pas ce que mon passé a fait de moi, comment penser alors le rapport à mon histoire? Comment se construire, évoluer, si ce n'est en intégrant ce passé que j'ai vécu? Comment avoir une continuité dans notre histoire si nous n'avons pas de rapport constructif à notre passé? On voit donc que le passé à un rôle ambivalent dans notre histoire et notre identité : il peut être perçu aussi bien comme ce qui me permet d'avancer comme ce qui m'en empêche, aussi bien comme un poids qui me retient et me tire en arrière que comme un ensemble de pierres me permettant de me façonner une identité stable.

Partie I.

Notre identité repose sur notre passé.

On pourra dans cette première piste développer l'idée que notre identité - le fait que je sois moi, que je reste moi - repose sur notre passé. Ce qui fait que je suis moi, ce qui fait ce que je suis, c'est d'abord en effet ce sentiment et cette certitude immédiats que j'ai d'être moi et personne d'autre. Ainsi, la conscience immédiate que j'ai de moi repose d'abord et avant tout sur la mémoire car c'est par la mémoire que je sais, par exemple lorsque que je reviens à moi le matin, que je suis moi. C'est donc la mémoire qui fait, comme le dit Locke dans L'Essai sur l'entendement humain, l'identité personnelle, que je suis moi, que je le sais et que je le reste.

La conscience est donc liée au passé. Il s'agit de savoir que j'ai été. Peu importe que la mémoire soit plus ou moins étendue, ce qui compte, c'est que je sache que j'ai été, que j'aie des souvenirs, peu en importe la quantité et même la qualité. Le passé désigne ici simplement un rapport au temps dans lequel nous savons qu'il y a eu un "avant". C'est ce qu'explique notamment Bergson dans La conscience et la vie.

Bien sûr, le passé ce sont aussi des souvenirs, des événements. Mon identité se constitue au fur et à mesure de ces événements qui écrivent mon histoire et influencent la personne que je deviens (voir Sartre - L'existentialisme est un humanisme) - de la même manière qu'au niveau collectif on peut dire aussi que ce sont les événements qui constituent les grandes caractéristiques d'une nation. On pourrait même intégrer dans ce passé un certain donné naturel qui peut aussi influencer ce que je suis ou deviens.

Donc je suis ce que mon passé a fait de moi car sans mémoire, sans passé pas d'identité. Lorsque je dis que je suis moi, aujourd'hui, cela signifie : le même que j'ai toujours été. C'est la continuité dans le temps qui nous permet d'accéder à notre identité. Toutefois, la formulation du sujet peut laisser entendre une part de passivité du côté du sujet : ce que mon passé a fait de moi, n'est-ce pas sous-entendre que nous subissons ce que nous devenons plus que nous le choisissons? Si tel est le cas, quelle liberté nous reste-t-il?

Partie II.

Nous ne sommes pas prisonniers de notre passé.

On pouvait donc dans un deuxième temps développer l'idée que nous ne sommes pas ce que notre passé fait de nous dans le sens où nous ne sommes pas prisonniers de notre passé. Celui-ci n'est pas un poids qui nous empêche d'avancer, qui nous déterminerait mais, quelque soit notre passé, nous restons libres et gardons la capacité à nous redéfinir et à nous réinventer.

L'enjeu est la manière dont nous pensons notre rapport au passé. La mémoire peut être, comme nous l'avons vu, définie comme un simple rapport au temps : savoir que nous avons été. Mais ce peut être aussi une quantité donnée de souvenir. En ce sens, elle peut en effet constituer un poids qui nous empêche d'avancer. Ce que je suis, c'est aussi ce que je veux être en me tournant vers le futur sans laisser le passé me retenir. En ce sens, l'oubli est nécessaire. Il ne s'agit pas de faire comme si nous n'avions pas de passé mais de le digérer, de le faire nôtre pour pouvoir avancer, sans nécessairement pour autant en garder une mémoire consciente. C'est en ce sens que Nietzsche exprime sa méfiance à l'égard de l'histoire et de la mémoire. Il n'y a de liberté et de bonheur possibles qu'à la condition d'entretenir une certaine dose d'oubli (Seconde considération intempestive).

Dès lors, nous ne sommes pas ce que notre passé fait ou a fait de nous car nous restons libres. Il n'y a pas de déterminisme dans le sens où nous serions nécessairement conduits à être tels ou tels par notre histoire. Ce que nous sommes aujourd'hui n'est pas nécessairement le reflet de ce que nous étions hier. Rétrospectivement certes nous pourrons toujours trouver dans le passé de quoi expliquer ce que nous sommes ou serons, mais au présent nous gardons la capacité à agir de manière totalement inédite et originale, c'est-à-dire sans rapport avec ce qui précède. C'est en ce sens que Bergson parle de liberté créatrice (La Pensée et le Mouvant).

Donc je ne suis pas ce que mon passé a fait de moi puisque je reste fondamentalement libre. Mais est-ce à dire que je peux faire table rase du passé? N'est-ce pas quand même le rapport que j'entretiens à mon histoire qui me permet de construire mon identité et d'avoir une certaine stabilité, continuité dans le temps? Ne peut-on pas dire alors que je ne suis pas ce que mon passé a fait de moi mais ce que je fais de mon passé?

Partie III.

La connaissance du passé permet de m’en libérer.

On pouvait enfin analyser ici le rapport que nous pouvons entretenir au temps sans le nier et tout en préservant notre liberté. Si notre passé ne nous détermine pas et que nous gardons notre capacité à changer, à évoluer, en un mot à être libres, pour autant on ne peut pas nier l'importance que notre passé a dans notre identité. Les événements, marquants ou pas, que nous vivons définissent notre personnalité, nos principes, etc... Pour autant, nous n'en sommes pas prisonniers puisqu'il nous appartient de décider ce que nous en faisons. Le passé devient alors histoire : ce qui importe ici est la manière dont nous nous le racontons et dont nous le pensons.

Ainsi, si une partie de notre passé peut être pensée comme un poids que nous portons et qui influence notre histoire sans même que nous ne nous en rendions compte, de manière inconsciente, il n'y a là aucune fatalité. A nous en effet de nous saisir de ce passé pour nous réconcilier avec lui et nous en libérer. Par la psychanalyse je peux en effet travailler mon inconscient pour transformer ce passé qui me pèse en une connaissance de moi-même qui me permet d'être ce que je veux. D'une manière générale, c'est donc la connaissance du passé, de mon passé, qui me permet de m'en libérer.

Ainsi, mon identité n'est jamais figée, elle s'écrit certes au fur et à mesure de mon histoire mais non pas dans le sens où celle-ci déterminerait le futur. C'est plutôt dans le sens où, dans la mesure où mon identité est en perpétuelle redéfinition, elle évolue au fur et à mesure de mon existence en intégrant le passé et en décidant librement du rapport que j'entretiens à lui, de la manière dont je le pense. Si, comme le dit Sartre dans L’Existentialisme est un humanisme: "l'existence précède l'essence", cela signifie donc bien que nous sommes ce que nous décidons d'être, ce que nous projetons d'être, certes au fur et à mesure de notre vécu - mais sans être déterminé par lui, sans être retenu par le passé mais au contraire en étant tournés vers l'avenir et c'est bien là le sens du mot projet.

Conclusion.

Je ne suis donc pas ce que mon passé a fait de moi. Certes, la mémoire est indispensable à l'identité. Mais nous ne devons pas la penser comme un frein, un poids, qui nous empêchent d'avancer et d'être ce que nous voulons être. Il nous appartient de l'utiliser pour nous projeter vers l'avenir sans être retenu dans le passé. Nous dirons alors plutôt que nous sommes ce que nous faisons de notre passé.

Vos réactions

Bonjour Aïda

En troisième partie, je me suis concentré sur la possible illusion du "je". Le Moi ne serait qu'une fiction. Alors que l'énoncé du sujet présuppose une identité fixe.
Si le Moi est une fiction alors on est vraiment très libre et on peut encore plus se détacher du passé. C'est ainsi que j'ai rattaché l'illusion d'une identité fixe avec le sujet. Mais c'est peut-être un peu artificiel car j'aurais pu faire cette partie avec tous les sujets ou presque qui commencent par "Suis-je...".
Dans cette partie, j'ai développé :
On n'est pas prisonnier d'une essence (Sartre, "l'homme est cet être qui n'est pas ce qu'il est et qui est ce qu'il n'est pas").
Le moi n'est qu'une fiction (Hume, nous sommes une "suite de perceptions").
La critique du cogito de Nietzche (Descartes est sûr que c'est lui qui pense, il présuppose l'existence du "je". Mieux vaut peut-être plus dire "ça pense" plutôt que "je pense". Notre langue, avec sa conception du monde, est certaine de l'existence du concept d'identité, mais on peut imaginer une langue où ce concept n'existerait pas).

salut vraiment moi je

salut vraiment moi je comprend rien du tout, moi je pensais que le sujet revient a savoir si l,homme subit l,histoire ou s,il est sujet de l,histoire. Mais de la maniere que vous avez traitez moi je n,y comprend rien donc s,il vous plait expliquez le moi

suis je ce que mon passé a fait de moi?

bonjour, je suis très angoissée. Je constate que je n'ai rien mis de ce qu'il fallait; je pensais qu'il s'agissait du chapitre sur la substance: autrement dit, qu'est ce qui fait de moi ce que je suis?
J'ai donc mis, dans ma première partie, Descartes et son cogito, qui montre que ce qui me fait moi, c'est ma pensée, donc uniquement le présent. Puis, dans ma seconde partie, Hume et Bergson, l'un expliquant que ce qui me fait moi, c'est mes expériences, l'autre que ce qui me fait, c'est ma mémoire, j'en ai donc conclu que dans une certaine mesure, oui, le passé fait de moi ce que je suis, mais UNIQUEMENT dans une certaine mesure. Enfin, dans ma troisième partie, j'ai parlé de Freud et de l'inconscient; donc que c'est uniquement mon passé qui s'accumule en moi et créent en moi diverses névroses ou autres auxquelles nous sommes tous sujets. C'est donc entièrement mon passé qui fait de moi ce que je suis d'après Freud.
Est ce entièrement un hors-sujet? Puis-je au moins espérer la moyenne???
J'attends impatiemment votre réponse.

aliza, je ne passe le bac

aliza, je ne passe le bac cette annee mais je suis passionne de philo. Votre plan est a mon sens bien plus juste que celui expose. L expose est a contre sens en partant sur une interpretation de l enonce. Vous etes reste dans le sijet avec une belle profondeur. Minimum 16 de mon point de vue. Tenez moi au courant de votre note. Bravo

Suis-je ce que mon passé a fait de moi

Bonjour, j'ai opté pour une approche totalement différente en n'utilisant ni Sartre ni Descartes.
J'ai centré ma premiere partie sur le fait que le passé fait de moi un être nostalgique, j'ai donc évoqué Héraclite " Nous ne nous baignons jamais deux fois dans le même fleuve" J'ai aussi parlé de Bergson et de la mémoire sélective.
Dans une deuxième partie, j'ai tenté de montrer qu'au delà d'être la misère de l'homme, le passé pouvait aussi faire sa grandeur au sens ou il contribuerait à sa faculté d'évoluer, ce que Rousseau appelle la "perfectibilité" ( j'ai donc parlé de l'éducation et des enfants sauvages de Lucien Malson entre autre)
Dans une dernière partie, j'ai évoqué le fait que pour se libérer du désespoir qui peut m'être laissé par mon passé, il fallait accepter l'irréversibilité du passé pour donner un nouveau sens a ma vie ( le mythe de Sisyphe et le néoplatonisme)

Moi et le passé

Je pense que le plan d'aliza est très bon !
Elle peut espérer une bonne note !

suis je ce que mon passé a fait de moi

moi je panique totallement je croit avoir fait un hs total j'ai pas du tout fait ce plan j'ai fait 1) nous la somme de notre présent ( dans le sens ou le passé ne reviendras pas et que notre future est inconnu , nous sommes libre de nos vies , le temps ) et 2) nous sommes fait de notre passé ( expérience , biologiquement , histoire , société ) mais j'ai pas mis de citations .. je crois que je vais rater mon bac

Suis-je ce que mon passé à fait de moi?

Bonsoir, j'ai peur d'avoir fait un total hors sujet moi aussi...
Ma problématique était : qu'est ce qui définit un homme?
Ma 1ère partie traite des erreurs et des choix qui pourraient définir l'homme (pensée de Descartes), puis la 2ème que c'est autrui qui nous définit (pensée de Locke) et enfin la 3 ème qu'un être soumis aux lois du temps et qui est donc en perpétuel changement ne peux être définit (comme le pensait Platon)...
Est-ce que c'est hors sujet ou pas? Etant en L le coefficient est de 7 et j'ai bien peur que la philo m'empêche d'avoir une mention... Est-ce possible d'avoir l'avis de quelqu'un? Merci d'avance...

mon passé

Merci tout d'abord pour votre lecture et de pouvoir m'exprimer. C'est a travers la vie de couple de ma fille que je me rend compte, combien je me suis mal aimé même maltraitée chaque jour. Jamais battue mais maltraitée. J'ai le même rêve qui me revient souvent, "la vie de couple de ce passé". Je sais que l'important aujourd'hui c'est mon présent, j'en suis fière, j'ai fais un vrais et bon chemin. Mamy aujourd'hui, je suis davantage dans l'amour de mère et de mamy que l'amour du couple. Pourtant je voudrais tout de même rencontrer l'amour sincère d'un homme, je le mérite. Ma vie de famille serait au complet. Je suis heureuse quand même seule mais avoir un compagnon comblerait ma vie. Merci encore d'avoir pu m'exprimer sa fait du bien. Suis je ce que le passé à fait de moi ?

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