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Bac philo 2017 - Série S

Défendre ses droits, est-ce défendre ses intérêts ?

Avertissement : il ne s’agit ici que de pistes de réflexion et non d’une copie type nécessairement attendue par vos correcteurs. D’autres approches, d’autres thèses et arguments sont possibles. 

Introduction / Problématisation

À l’origine, les droits de l’homme ont été formulés en prenant en compte  les intérêts fondamentaux des hommes qu’ils sont censés garantir et préserver. Par intérêt, on entend alors tout ce dont un homme a besoin pour mener une vie véritablement humaine, à la hauteur de l’idée que l’on se fait d’une existence digne d’être vécue. En ce sens, défendre ses droits équivaut toujours, plus ou moins directement ou explicitement, à défendre ses intérêts. Pour autant, la défense de nos droits n’a jamais qu’une dimension strictement individuelle dans la mesure où, par définition, un droit n’est pas seulement personnel et ne concerne pas que moi. De plus, au-delà de mon intérêt, il est aussi souvent question d’un principe de justice que la possible violation de mon droit menace également. Or, généralement, le principe possède une valeur en lui-même indépendamment de ce que son respect nous apporte personnellement. Et cette valeur est un motif suffisant pour le défendre. Enfin, on fera remarquer que défendre ses droits peut même aller à l’encontre de ses intérêts en nous exposant à des risques. Certains les prennent volontairement en estimant que cette défense est plus importante que la préservation de leurs intérêts.

Partie I.

Mes droits garantissent mes intérêts fondamentaux.

Un droit garantit  l’usage d’une liberté. Or, être libre, c’est agir en fonction de ce qui, à nos yeux, possède une valeur, ce qui nous est profitable et que l’on désire, c’est-à-dire un intérêt. Quand j’agis, c’est parce que j’ai un intérêt à le faire et, si le droit protège ma liberté, alors défendre ses droits, c’est défendre ses intérêts. L’homme a intérêt à une vie familiale, à la formation et à l’expression de ses opinions, à la connaissance, à l’indépendance que lui confère un travail, au respect de son intégrité corporelle, toutes choses  que la Déclaration des droits de l’Homme a pour ambition de reconnaître pour les préserver. En ce sens, défendre ses droits, c’est toujours œuvrer à la défense de ses intérêts.

Partie II.

Mon droit exprime un intérêt général qui n’est pas toujours compatible avec mon intérêt propre.

Mais l’expression « défendre ses droits » peut cependant être trompeuse, car, à proprement parler, il n’y a pas de droits strictement personnels. Mon droit est toujours également le droit des autres. Par définition, le droit, pour être juste, est toujours collectif.  Comme le dit Rousseau dans le Contrat social, la loi n’est légitime que si son objet est général et qu’elle concerne tout le monde. Défendre son droit, c’est donc toujours plus que défendre son intérêt personnel.  

Surtout, le droit est aussi la traduction sous forme juridique de l’intérêt général. Or, l’intérêt général n’est pas la simple somme des intérêts individuels ou la conception majoritaire de l’intérêt individuel. Ce qui explique, paradoxalement, que, bien qu’il  puisse ne pas correspondre à mon intérêt propre, le droit  n’en demeure pas moins mon droit dans la mesure où il s’applique aussi à moi. La conséquence en est qu’il n’est pas nécessaire d’y avoir directement intérêt pour trouver légitime de défendre un droit. À titre personnel, je n’ai, par exemple, pas intérêt au respect du droit de grève, car je suis un travailleur indépendant et que  les grèves ont tendance à plus me gêner qu’autre chose ; mais je suis conscient que ce droit est conforme à l’intérêt général et serait prêt à manifester s’il était remis en cause.

Partie III.

La défense des droits engage aussi des principes.

Défendre ses droits fait également référence à l’attachement à des principes et à des valeurs comme la liberté, l’égalité, la légitimité des institutions politiques, etc. Cela entraîne parfois une prise de risques incompatible avec la considération de nos intérêts bien compris et peut nous coûter plus que ce que cela nous « rapporte ». Un acte de résistance au nom de la défense d’un principe de justice est désintéressée, car les bénéfices que pourrait en tirer celui qui le commet sont sans doute inférieurs à ce qu’il lui en coûtera. Ils sont par ailleurs beaucoup trop hypothétiques pour penser que son acte est la conséquence d’une sorte de calcul à quoi, d’ordinaire, se ramène la considération de l’intérêt personnel.

Sans même tenir compte de la forme d’héroïsme associée au désintéressement de l’acte de résistance et d’une façon plus générale, défendre mon droit, c’est toujours plus que défendre mon intérêt. En effet, la défense de mes droits revient à la défense du droit en général : à travers la visée de mon intérêt, c’est le respect de la légalité et de principes qui sont en jeu. C’est pourquoi, pour reprendre l’exemple précédent, même si des gens se mettent en grève pour des intérêts propres à leur corporation, il en va souvent de la défense de principes dont bénéficieront un jour ceux qui, aujourd’hui, ne sont pas concernés, voire désapprouvent une grève qui les embêtent.

Conclusion

La question posée nous invite à  nous rendre compte que le sens de la justice est autre chose que le sens de nos intérêts. Le droit, en ce sens, nous élève en ce qu’il nous invite à nous envisager comme membre d’une communauté et, au-delà, comme représentant de l’humanité. La société n’est pas uniquement un simple collectif de consommateurs s’associant pour la défense de leurs intérêts. Le sens de la justice est aussi celui de la dignité humaine. Défendre le respect de la dignité n’est pas la conséquence d’un trivial calcul d’intérêt.

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C'est très propre le sujet et j'ai bien compris

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