samedi 6 décembre 2008

Peut-on dire que toutes les cultures se valent ?


Introduction

Si tous les hommes et tous les peuples possèdent une culture, il est évident que toutes les cultures ne se ressemblent pas ; elles sont multiples et non identiques. Pourtant, malgré leurs différences, les cultures sont-elles également respectables et bonnes pour l’homme ? Sous cet angle qualitatif, peut-on dire que toutes les cultures se valent ?



Le terme principal est la « culture ». Sa signification varie sensiblement selon qu’on l’emploie au singulier ou au pluriel. « La » Culture représente l’édification humaine en général, ce qui « élève » un individu et fait de lui un homme à part entière. « Une » culture (particulière) représente plus précisément l’ensemble des mœurs, des conduites, des valeurs, des croyances (mythiques ou religieuses), des caractéristiques sociales, économiques, techniques, linguistiques, inventées par les hommes et propres à un groupe humain donné à un moment donné. Ce dernier sens est manifestement celui qui prévaut dans notre sujet, lequel nous invite à questionner non seulement « les » cultures mais « toutes » les cultures, sans exception : peut-on dire qu’une culture en vaut une autre, comme on dirait "un homme en vaut un autre" ? Pour autant nous sommes bien obligés de convoquer "la" Culture en général. En effet selon quelle essence commune, quels critères communs à toutes les cultures, pourrions-nous énoncer pareille équivalence ?

Pour comparer les cultures et pouvoir préciser éventuellement en quoi elles se valent, il faut dans un premier temps dégager ce qu’elles possèdent en commun, soit l’ « essence » même de la Culture. La culture doit alors nous apparaître comme un phénomène humain universel rendant, de ce point de vue, toutes les cultures équivalentes. Mais dans un second temps, il faudra bien en venir à ce que chacun peut observer, sur un plan accidentel et non plus essentiel, à savoir les différences flagrantes entre les cultures : dès lors, comment résister à la tentation de « juger » ou d’ « évaluer » les cultures étrangères en utilisant ses propres critères culturels comme référence absolue ? Cependant, si l’ethnocentrisme s’avère inacceptable, devons-nous céder pour autant au relativisme lâche du « tout se vaut » ? Nous devrons bien chercher, dans un troisième temps, des critères universels de « civilisation » (s’ajoutant à ceux de la « culture » proprement dite) ou plus simplement des « principes » permettant de condamner certaines pratiques et certains actes, commis souvent « au nom » des particularités culturelles, mais indignes de l’homme et de toute culture véritable.



Développement (plan détaillé)


I – Qu’est-ce que « la » Culture et quelles sont les caractéristiques communes à toutes les cultures ?

- La culture est la marque de l’humanité. L’homme modifie le donné naturel en le niant, aussi bien autour de lui (transformation de l’environnement par la technique et le travail) qu’en lui : culture au sens d’artificialisation du comportement et des rapports interhumains (structures de parenté, structures sociales, échanges économiques), des modes de pensée (croyances religieuses, structuration de la « vision du monde » par la langue), etc.

- Parmi toutes les règles et les normes édictées par culture, on peut citer la prohibition de l’inceste comme étant la plus universelle. Toutes les cultures rejettent cette pratique d’essence animale pour lui substituer une codification des échanges (amoureux aussi qu’économiques).permettant à la communauté de se développer.

- Le trait commun à toute les culture est la présence d’une Tradition. Intégrer la mémoire d’un peuple, pérenniser son identité, transmettre les symboles et les savoirs-faires : telles sont les que l’on peut assigner à la culture en tant que Tradition.

> Du point de vue leur essence (« la » culture), toutes les cultures se valent. Mais en les observant dans leurs particularités ?

II – Pourquoi les cultures paraissent-elles si différentes et parfois même incompatibles ? Peut-on se permettre de les juger ?

- Il est normal que les cultures se différencient puisqu’elles reflètent l’expérience vécue de peuples séparés géographiquement, n’ayant pas les mêmes besoins et impératifs de survie. Ainsi l’ethnologie révèle des différences notables dans les structures de parenté (monogamie, polygamie…), dans les rites de politesse ou l’expression des sentiments amoureux, etc. Cette diversité n’est pas un hasard : les cultures « cultivent » leurs différences. Lévi-Strauss a révélé que plus la proximité géographique est grande, plus la différenciation culturelle augmente : affirmation d’une identité collective qui passe par la rupture avec le modèle culturel voisin…

- Ces différences peuvent apparaître comme des « inégalités » si l’on prend comme système de référence le caractère propre d’une culture pour « évaluer » les cultures étrangères. Du point de vue de la culture technicienne propre au monde occidental, il est évident que certains pays d’Orient ou du continent africain paraîtront sous-développés et donc culturellement moins riches. Mais un tel jugement s’inverse si l’on prend pour référence le traitement de la folie (chamanisme) ou de la vieillesse, la maîtrise du corps par la danse et la transe : dans ce cas, « notre » culture intellectuelle et abstraite semblera en retard et infirme par rapport aux cultures dites « archaïques » ou « primitives ».

- Dans tous les cas un tel jugement relève de l’ethnocentrisme, ce préjugé commun consistant à ériger sa culture en norme ou référence absolue. Nous avons pourtant démontré (1ère partie) que toute culture est une expression authentique de l’humain, précisément dans la rupture de cet ordre humain avec l’ordre purement naturel et notamment animal. De quel droit, donc, pourrions-nous juger la culture des autres ? Si la culture en général révèle l’humanité d’un peuple, si chaque culture particulière révèle plus précisément son identité, on ne peut pas plus juger l’identité d’un peuple que l’on ne peut juger l’être d’une personne. Il est temps de distinguer formellement deux instances fort différentes : les représentations et les actes. Seuls les actes ou les pratiques peuvent être soumis à des jugements de valeur. Or la culture relève d’un système de représentations qui, au même titre que la pensée personnelle, réclame une liberté et donc un respect sans condition. Il reste à expliquer pourquoi certains actes sont commis au nom de certaines représentations de la culture, et pourquoi nous ne pouvons que les condamner.

III – Peut-on fixer des critères universels de « civilisation » supérieurs aux critères propres à chaque culture ?

- Tout d’abord, évitons un piège lié à ce terme de « civilisation ». Si on ne le distingue pas formellement du terme de culture, on se rendra coupable du pire ethnocentrisme en laissant entendre qu’il existe des cultures plus raffinées ou plus civilisées que d’autres : nous sous-entendrions immanquablement une supériorité (technique, morale, philosophique) de la culture/civilisation occidentale (voire européenne).

- Par « civilisation » il faut entendre un degré élevé de « civilité » au sens le plus général du terme, soit un ensemble de normes, universelles autant que positives (= écrites, réelles) susceptibles d’interdire certains actes et certaines pratiques que nous pourrions qualifier à juste titre de « barbares ». En effet le cannibalisme, l’excision, les sacrifices sanglants, pour ne citer que ces exemples, ne sont pas condamnables en tant qu’éléments d’une culture donnée (au contraire cet aspect culturel les rend plutôt compréhensibles) ; ils le sont en tant que pratiques sociales qui tentent de se justifier sous des alibis culturels, alors que leurs motifs réels apparaissent bien plus triviaux (politiques la plupart du temps). Il ne faut donc pas hésiter à invoquer des principes universels que la philosophie et la conscience de l’Histoire ont permis d’élaborer (les Droits de l’homme… pour ne pas les citer) afin de condamner sans ambiguïtés des actes criminels et barbares (d’ailleurs qualifiés comme tels par la loi).

Conclusion

Par définition il n’y a pas de culture « bonne » ou « mauvaise ». La culture d’un peuple est toujours bonne pour lui ! Il n’existe pas de culture qui prenne le contre-pied des intérêts moraux et même matériels d’un peuple. Même si la Tradition peut sembler rétrograde et freiner parfois le « progrès », il faut toujours répondre à ceci qu’un peuple privé de culture n’existerait plus – conséquence bien plus grave !

Toutes les cultures se valent bien, mais on ne peut s’empêcher d’admirer davantage les cultures – ou plutôt les aspects d’une culture – qui favorisent l’échange, le mélange, l’ouverture aux autres cultures, en application du principe d’équivalence qui nous venons d’énoncer. Il en va alors d’un degré de civilisation, qui régimente les actes et les pratiques sociales, et plus seulement les représentations culturelles.


(Niveau : terminales technologiques)