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l' enfant loup

 

 

On se méfie de ce qui présente un danger et les idées aussi peuvent être dangereuses. L'énoncé suggère que c'est le cas de l'idée de nature humaine. Il présuppose qu'on est en présence d'une idée si peu innocente et inoffensive qu'il convient de la soumettre à l'examen.

 

  La question est de savoir si l'on peut fonder ce soupçon. En quoi l'idée de nature humaine fait-elle problème et quels sont ses dangers potentiels ? La prudence à son égard est-elle indispensable et même exigible et est-ce là la seule réception légitime de cette idée ?

   Car que cette idée soit problématique ne signifie pas que l'on puisse en faire l'économie. Voyons ce qui étaie cette perplexité.

 

 

1)      La confusion théorique et le danger pratique de l'idée de nature humaine.

 

  L'idée de nature humaine fait problème car la notion de nature signifie étymologiquement ce qui est donné à la naissance, le donné, l'inné. Le naturel s'oppose à l'acquis or l'homme dans son visage humain (la bipédie, l'usage approprié des mains, la parole, la pensée, la sensibilité, la conduite réglée par des normes etc.,) n'est pas une donnée naturelle, c'est une production culturelle. On ne naît pas homme, on le devient dans le cadre d'un milieu social et d'une histoire. La nature de l'homme semble moins être une nature donnée qu'une nature acquise. Ainsi l'exemple des enfants sauvages montre que « ce sont nos acquisitions, nos imitations qui font de nous des hommes au point de vue psychique » (K. Jaspers) L'hérédité biologique ne suffit pas à faire un homme. Celui-ci est ce qu'il est par son héritage culturel, par ses apprentissages.

  Si ce qui appartient à l'ordre de la nature se reconnaît aux deux critères infaillibles de la constance et de l'universalité, la réalité culturelle est au contraire marquée par le changement et la particularité. Un Massaï n'est pas un Hindou, un Grec du V° siècle avant Jésus-Christ n'est pas un Américain du XXI° siècle.

  D'où l'idée qu'il est peut-être nécessaire de renoncer à l'idée d'une nature humaine et d'admettre que l'homme n'a pas de nature, qu'il est un être de culture. Telle est par exemple la position d'un Lucien Malson dans son livre Les enfants sauvages. « C'est une idée désormais conquise, que l'homme n'a point de nature mais qu'il a ou plutôt qu'il est une histoire ».

  On dissipe ainsi l'illusion naturaliste dont on ne soulignera jamais assez les dangers.

 

a)      La confusion coupable de l'illusion naturaliste.

 

  Les hommes, en effet, ne sont pas avares de la référence à la nature. En témoignent les nombreuses expressions : « C'est naturel » ; « c'est contre-nature » ; « chassez le naturel, il revient au galop ». Si l'on en croit l'usage naïf, on serait dans ce domaine en pleine évidence et on ne remarque pas assez que ce qui est naturel pour les uns est contre-nature pour les autres.

  Car tel est le paradoxe : il n'y a rien de plus surdéterminé culturellement que l'idée de nature. C'est déjà le cas pour la nature au sens large. Les Anciens se la représente comme un ensemble harmonieux, une totalité finie, hiérarchiquement ordonnée, un cosmos alors que la science moderne la conçoit comme un ensemble ouvert unifié par des lois. Dans un cas la nature est pensée sur le modèle d'un espace concret, hétérogène, dans l'autre sur le modèle d'un espace abstrait et homogène. Cet exemple montre que la nature comme réel donné, (dans l'idiotie de sa présence dirait Clément Rosset) est l'otage d'un contexte culturel. Elle est une signification et comme telle s'inscrit dans un système symbolique variant d'une culture à une autre.

  Ce qui est vrai de la nature matérielle l'est a fortiori de la nature humaine.

  Nous avons une fâcheuse tendance à tenir pour naturel ce que notre coutume nous a appris à définir comme telle, soit explicitement dans le discours dominant, soit insidieusement par l'effet des habitudes. Car les usages sociaux, les manières de penser propres à un groupe sont reçus avec le lait maternel et sont si bien intériorisés qu'ils se sédimentent en « habitus » selon la formule de Bourdieu. Le sociologue entend par là une disposition acquise par imitation, éducation, appartenance à un milieu social. « L'hexis corporel est la mythologie politique réalisée, incorporée, devenue disposition permanente, manière durable de se tenir, de parler, de marcher, et, par là,de sentir et de penser » (Le Sens Pratique. Pierre Bourdieu).

    Ex : La nature de l'homme est d'être agressif, orgueilleux, nomade, celle de la femme sensible, douce, sédentaire entend-on parfois.

       La nature de l'homme est d'être hétérosexuel affirme l'hétérosexuel en présence de l'homosexuel qui, à la manière de Gide dans Corydon, convoque lui aussi la nature pour fonder en nature ce que l'autre tient pour contre-nature.

   Or «  J'ai grand peur, disait Pascal, que cette nature ne soit qu'une première coutume comme la coutume est une seconde nature ».Pensée. B 93.

   En effet comment démêler ce qu'il y a de naturel, d'originaire et de culturel dans la réalité humaine ? En l'absence d'un tel travail de discernement ne risquons-nous pas de tenir pour naturel et donc en droit universel ce qui ne constitue qu'un particularisme culturel avec les conséquences redoutables d'une telle méprise ? Car si la nature de l'homme se définit par les caractéristiques de telle culture, tous ceux qui ont d'autres traits culturels vont se trouver exclus de l'humanité.

  Il s'ensuit que l'idée naïve de nature humaine par laquelle les hommes essaient de saisir leur identité humaine n'est pas innocente. Elle n'est souvent, inconsciente de son propre déterminisme, que l'expression d'un contexte culturel et sa justification. Ce qui est très exactement ce que depuis Marx, on appelle une représentation idéologique.

   Les enjeux pratiques d'une telle confusion sont immenses car en prétendant dire ce qui fait qu'un homme est un homme de manière universelle et éternelle alors même qu'elle entérine une norme culturelle, la représentation idéologique fonctionne comme une référence normative et comme l'alibi des entreprises de normalisation. On s'autorise d'elle pour exclure comme anormales, toutes les conduites non conformes, autrement dit pour réprimer, discipliner, rééduquer, stigmatiser, emprisonner voire pour justifier un nettoyage ethnique.

 

  Au terme de cette première analyse on peut donc conclure qu'il faut se méfier de la fausse évidence de l'idée de nature humaine. C'est absolument nécessaire si l'on ne veut pas faire preuve de confusion, absolument exigible si l'on ne veut pas se compromettre avec la violence.

 

b)     La faute de l'illusion naturaliste.

 

  L'idée de nature humaine est aussi problématique en ce qu'elle prétend définir l'homme c'est-à-dire l'enfermer dans des limites assignables d'avance. La notion de nature connote en effet celle d'une certaine fixité. Une nature est un ensemble stable de propriétés essentielles. La nature d'un être limite et circonscrit à l'avance la sphère de ses possibles variations.

   Or le propre de l'homme n'est-il pas d'échapper à toute détermination en se constituant comme un pour soi ? Si l'en soi a la consistance, la permanence d'un être qui est ce qu'il est, le propre de l'être doué de conscience est d'être impuissant à être sous cette modalité. Il n'est pas, il existe. Il  néantise ce qui est, il choisit d'être ceci ou cela par son projet. Il est libre et la liberté exige de refuser l'idée d'une nature humaine. Chez l'homme « l'existence précède l'essence. Cela signifie que l'homme existe d'abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu'il se définit après. L'homme, tel que le conçoit l'existentialiste, s'il n'est pas définissable, c'est qu'il n'est d'abord rien. Il ne sera qu'ensuite, et il sera tel qu'il se sera fait » (Sartre).

  Il ne s'ensuit pas qu'il n'y a pas « une condition humaine ». « S'il est impossible de trouver en chaque homme une essence universelle qui serait la nature humaine, il existe pourtant une universalité humaine de condition. Ce n'est pas par hasard que les penseurs d'aujourd'hui parlent plus volontiers de la condition de l'homme que de sa nature. Par condition ils entendent avec plus ou moins de clarté l'ensemble des limites a priori qui esquissent sa situation fondamentale dans l'univers. Les situations historiques varient : l'homme peut naître esclave dans une société païenne ou seigneur féodal ou prolétaire. Ce qui ne varie pas, c'est la nécessité pour lui d'être dans le monde, d'y être au travail, d'y être au milieu d'autres et d'y être mortel [...] Et bien que les projets puissent être divers, au moins aucun ne me reste-t-il tout à fait étranger parce qu'ils se présentent tous comme un essai pour franchir ses limites ou pour les reculer ou pour les nier ou pour s'en accommoder. L'existentialisme est un humanisme.1946

    Pas plus que pour Sartre, l'idée de nature humaine n'est recevable pour Marx. Ce « totem de la pensée bourgeoise », symétrique  de l'idée d'éternité est disqualifiée par ce qui définit l'homme, à savoir le travail. Car par le travail l'homme transforme le monde et se transforme lui-même. La production est au principe des rapports sociaux et il faut dire : « Il n'y a pas de nature humaine, il n'y a que des rapports sociaux ». L'intelligence, la santé mentale par exemple ne sont pas déterminées par des facteurs naturels, ce sont des productions sociales. C'est le milieu qui est déterminant dans ce qu'un homme est, non une supposée nature.

  Le marxisme dénonce ce que François Jacob appelle « le mythe de la fatalité génétique ». Est-ce au nom d'un autre mythe, celui que le biologiste appelle « le mythe de la cire vierge » ?  En tout cas, lui aussi considère que l'idée d'une nature est antinomique avec celle d'un être qui, par le travail, s'invente lui-même en même temps que ses conditions d'existence.

 

  Au terme de cette seconde analyse on comprend qu'il faut se méfier de tout discours prétendant circonscrire l'homme dans la rigidité d'une nature.

  D'une part parce que la légitimation par la nature permet à des sociétés de se dédouaner à bon compte de leur propre manquement à l'égard de certains de leurs membres. Si l'échec scolaire par exemple, procède de seuls facteurs naturels, nul besoin de réformer l'école.

  D'autre part parce qu'on risque de porter atteinte à la dignité de l'homme. Dans la mesure où il est une conscience, l'homme a toujours la possibilité de nier ce qu'il est sur le mode du donné. L'homme n'a pas de nature, il est une liberté.

 

 Transition : Qu'il faille être prudent avec l'idée de nature humaine signifie-t-il qu'on puisse la récuser en bonne et due forme ? La liquidation de l'idée de nature humaine ne pose-t-elle pas de nouveaux problèmes ?

  Car si le renoncement à ce paradigme permet de penser la diversité et la multiplicité culturelles, il interdit en retour de penser l'universalité humaine. Or pour des raisons de fait et des raisons de droit ne faut-il pas maintenir le principe d'une unité du genre humain ?

 

2)     La nécessité théorique et morale de l'idée de nature humaine.

 

a)      Les raisons de fait.

 

  Certes à défaut de pouvoir observer « l'homme tel qu'il a dû sortir des mains de la nature » (Rousseau), on peut être hypnotisé par ce que l'homme est devenu dans les mains de l'homme. La différence culturelle sautant aux yeux, la tentation est grande de décliner l'humanité au pluriel à la manière de Joseph de Maistre : «  Il n'y a pas point d'hommes dans le monde. J'ai vu dans ma vie des Français, des Italiens, des Russes etc. Je sais même grâce à Montesquieu qu'on peut être Persan. Mais quant à l'homme, je ne l'ai jamais rencontré de ma vie. S'il existe c'est bien à mon insu ».Considérations sur la France.

  Pourtant n'y a-t-il pas une universalité humaine et comment la fonder ?

  Car que l'homme concret soit le produit d'une histoire et d'une culture est indiscutable mais  comment rendre compte de la production des cultures et de l'histoire si on ne peut  voir en elles l'expression d'une nature ?

  Le génie de Rousseau est d'affronter la question à ce niveau d'exigence et de montrer qu'il est possible par la spéculation de construire correctement l'idée de nature humaine. L'homme appartient au genre animal et au degré zéro de l'histoire, il est « un animal stupide et borné », pourtant il n'est pas un simple animal car l'historicité qui est étrangère à la condition animale est le signe distinctif de l'ordre anthropologique.  « Il y a une qualité très spécifique qui les distingue et sur laquelle il ne peut y avoir de contestation ; c'est la faculté de se perfectionner, faculté qui à l'aide des circonstances développe successivement toutes les autres et réside parmi nous tant dans l'espèce que dans l'individu ; au lieu qu'un animal est au bout de quelques mois ce qu'il sera toute sa vie et son espèce au bout de mille ans ce qu'elle était la première année de ces mille ans ». Discours sur l'origine de l'inégalité. Cf. Cours.

   Au fond apprend-on, l'espèce humaine ne se définit pas par des caractéristiques concrètes mais par une propriété universelle : celle de changer. Ce qui revient à dire que la nature de l'homme est foncièrement indéterminée ; elle n'est pas plus circonscrite dans les limites d'une culture que dans celles d'une nature.

  Ainsi se trouve évité le double écueil des conceptions idéologiques de la nature humaine et de sa liquidation pure et simple. Il y a bien une nature humaine fondant l'unité du genre humain mais il est impossible de lui assigner des déterminations concrètes. L'homme n'est définissable ni par un code naturel ni par un code culturel parce qu'il a la possibilité de refuser l'un et l'autre et de se faire être tel qu'il se projette.

 Indéterminée, ouverte sur une infinité de possibles, la nature humaine porte le beau nom de liberté.

   Comme Rousseau, Lévi-Strauss sauve le principe d'une nature humaine. Comme lui il souligne que seule une démarche spéculative (# observation, constatation empirique)  permet de distinguer dans la réalité humaine empirique l'originaire de l'acquis. La première tâche du penseur et du savant consiste à formuler les critères de discrimination des ordres. L'ordre de la nature se reconnaît à sa spontanéité et à son universalité, celui de la culture à sa relativité, à sa particularité et à ses variations.

  Or la réalité humaine participe des deux ordres.

  Ainsi les hommes parlent des langues différentes mais tous parlent, ils produisent des arts différents mais la tendance artistique est présente toujours et partout, ils obéissent à des règles différentes mais tous norment leur conduite etc.

  Il y a bien présence de tendances fondamentales communes à tous les membres de l'espèce humaine. Ce qui autorise une définition purement formelle de la nature humaine dont l'universalité se particularise dans telle ou telle culture.

  « L'homme naturel n'est ni antérieur, ni extérieur à la société. Il nous appartient de retrouver sa forme immanente à l'état hors duquel la condition humaine est inconcevable ». Lévi-Strauss.

  On observe même avec la prohibition de l'inceste un fait étonnant car cet interdit semble tenir à la fois de la nature et de la culture. De la nature en tant qu'on le trouve toujours et partout. Il n'y a pas une seule société où la sexualité ne soit pas normée. La prohibition de l'inceste est universelle et pourtant la règle est variable dans ses contenus selon les groupes. Par là elle est culturelle. Lévi-Strauss voit en elle le principe d'articulation de la nature et de la culture. « Elle exprime le passage du fait naturel de la consanguinité au fait culturel de l'alliance ». Sa fonction est « d'établir entre les hommes un lien sans lequel ils ne pourraient s'élever au-dessus d'une organisation biologique pour atteindre une organisation sociale » car la prohibition est moins « une règle qui interdit d'épouser mère, sœur ou fille qu'une règle qui oblige à donner mère, sœur ou fille à autrui. C'est la règle du don par excellence ».

  Et le don est ce qui fonde les relations sociales dans la mesure où toute société est un système d'échange.

 

b)      Les raisons de droit.

 

  Une raison de droit est une raison morale ou juridique. L'idéal moral et juridique exige de recourir à l'idée d'une nature humaine pour normer les rapports humains. La reconnaissance de la souveraineté de la liberté humaine pourrait en effet  être reçue comme une invitation à exercer une volonté de puissance sans limite. Le XX° siècle a, hélas, donné la mesure de cette prétention. Dostoïevski l'avait annoncé : "Si Dieu n'existe pas tout est permis" et il est bien vrai que le présupposé de liberté confère à  l'homme la responsabilité de poser les valeurs et les lois. Il n'y a pas de transcendance le dispensant d'assumer sa liberté. En ce sens "tout est permis" sauf qu'il n'y a plus de sens à dire qu'on affirme  la liberté lorsqu'elle s'exerce au mépris des égards dus à l'être dont la dignité consiste précisément dans la liberté.

  Voilà pourquoi il est nécessaire de protéger les hommes des risques liés à un usage non réglé de la liberté.

  Ce qui est la vocation de la construction juridique et morale de l'idée de nature humaine. Elle établit que la nature de l'homme se définit par la conscience ou la raison. Par là l'homme est une dignité, il est une personne exigeant le respect. Il ne doit jamais être traité comme une simple chose, il est un sujet de droit, une liberté qu'on ne peut bafouer sans s'exposer à une légitime condamnation morale.

 

3)   Etrange réalité humaine.

 

  La réflexion précédente conduit à comprendre que l'homme est entièrement naturel et entièrement culturel. En deçà de toute convention culturelle, il y a une disposition naturelle, éminemment plastique, non déterminée à devenir ceci ou cela mais que le milieu ne saurait produire artificiellement.

  Réciproquement toute disposition naturelle est un possible, une virtualité qui ne pourrait s'actualiser et prendre forme humaine sans un milieu qui la particularise de telle manière.

 

  Cf. « L'usage qu'un homme fera de son corps est transcendant à l'égard de ce corps comme être simplement biologique. Il n'est pas plus naturel ou pas moins conventionnel de crier dans la colère ou d'embrasser dans l'amour que d'appeler table une table. Les sentiments et les conduites passionnelles sont inventés comme les mots. Même ceux qui, comme la paternité, paraissent inscrits dans le corps humain sont en réalité des institutions. Il est impossible de superposer chez l'homme une première couche de comportements que l'on appellerait « naturels » et un monde culturel ou spirituel fabriqué. Tout est fabriqué et tout est naturel chez l'homme, comme on voudra dire, en ce sens qu'il n'est pas un mot, pas une conduite qui ne doive quelque chose à l'être simplement biologique et qui en même temps ne se dérobe à la simplicité de la vie animale, ne détourne de leur sens les conduites vitales, par une sorte d'échappement et par un génie de l'équivoque qui pourraient servir à définir l'homme »

                           Maurice Merleau- Ponty. Phénoménologie de la perception.

 

 Conclusion :

 

  L'idée de nature humaine fonde la possibilité d'une unité du genre humain par delà l'éclatement de l'humanité en multiples cultures et offre la garantie d'une limite à l'arbitraire humain dans la mesure où elle est l'objet d'une rigoureuse construction théorique. En ce sens il n'y a aucune raison de s'en méfier.

  Mais elle n'est souvent qu'une simple représentation idéologique fonctionnant comme l'instrument de cet arbitraire. Ce qui est inévitable dès lors que ce qui se prétend universaliste dans son extension s'avère particulariste dans sa compréhension. En ce sens la méfiance est une saine précaution.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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16 Réponses à “Faut-il se méfier de l'idée de nature humaine?”

  1. laure dit :

    Bonjour, je viens de parcourir votre site, je le trouve vraiment bien. Par contre j’ai mal compris votre conclusion sur le texte de Maurice Merleau-Ponty, ne pas dissocier nature et culture d’accord mais pourquoi l’auteur émet cette thèse alors qu’il a écrit un texte accès sur l’aspect artificiel de l’Homme ?
    Merci d’avance pour votre réponse.

  2. Simone MANON dit :

    Je ne vois pas de quelle conclusion vous parlez ni à quel texte de Merleau-Ponty vous faîtes allusion.
    Le texte figurant dans la 3° partie de cette dissertation soutient que l’homme est à la fois entièrement naturel et entièrement culturel, ce que je ramasse dans la formule: étrange réalité humaine.

  3. Valentin dit :

    Merci beaucoup pour ce cours très clair et très intéressant qui me sera d’une aide précieuse pour le bac, comme le reste de ce site !
    Si seulement ma prof avait pu faire des cours de cette qualité !
    Bonne journée et merci encore !

  4. Stephane dit :

    Bonjour Madame,

    Tout d’abord, merci pour votre blog par lequel je trouve un réel plaisir à lire de la philosophie, vous savez rendre certaines notions abordables alors que les auteurs sont encore très souvent hermétiques pour moi.
    Une idée me vient après la lecture de votre texte et pardonnez-moi si ma question est puérile. La nature de l’homme pourrait-elle se définir par le génome de l’être humain? Le code génétique est une loi naturelle qui semble définir l’homme en tant qu’être vivant. L’homme a en commun bien des caractères avec le monde animal et il s’en différencie par d’autres caractéristiques que vous avez développées, mais son génome lui est propre, commun à toute l’humanité tout en permettant de distinguer les individus.
    Merci

  5. Simone MANON dit :

    Non, Stéphane, votre question est loin d’être puérile. Elle se fait l’écho d’une tendance lourde de l’époque se caractérisant par le triomphe de ce que Francis Wolff (dans son livre magistral: Notre humanité) appelle une nouvelle figure de l’homme. L’homme est désormais « l’animal comme les autres », vivant dépouillé de tous les « propres » que la tradition lui avait reconnus et qui conféraient une pertinence à la distinction nature/culture; déterminisme/liberté, animalité/humanité.
    Ce nouveau paradigme naturaliste en vogue dans l’anthropologie pulvérise l’idée même d’espèce (au profit de celle de population), efface la frontière séparant l’homme de l’animal et en l’homme celle qui séparait le physique du mental, le mental du social ainsi que celle qui distinguait le naturel et l’artificiel.
    Tout cela est fort intéressant mais éminemment problématique aussi.
    A brouiller toutes les frontières, on ne gagne guère en clarté conceptuelle sans compter les enjeux pratiques (moraux et politiques) considérables de la question.
    Je vous invite à lire le livre auquel je fais référence.
    Bien à vous.

  6. Stéphane dit :

    Merci pour votre réponse.
    Je vais sans doute faire l’effort de lire l’ouvrage auquel vous faites référence bien que les thèses de ce monsieur à l’égard de la corrida ne soient pas les miennes. Je ne suis ni végétarien, ni écologiste au sens politique du terme mais je ne vois rien de défendable dans ce jeu barbare. Je pense qu’il y a une différence entre abattre un animal pour se nourrir ou l’abattre par jeu, pour le plaisir du combat. « Les défenseurs de lacorrida mènent un combat écologiste » dit-il, admettons. Mais je crois que le problème de la corrida se situe plus sur le plan de la morale que sur celui de l’écologie. Je n’ai pas l’impression que c’est perdre son humanité que de vouloir combattre une forme de torture envers les animaux. Mais je m’écarte du sujet qui nous intéressait…Quoique.
    Très cordialement.

  7. Simone MANON dit :

    Quand on a tout à apprendre, comme c’est votre cas Stéphane, on se met à l’écoute, patiemment, modestement, des grands professeurs. Et parce que Francis Wolff est un de ceux là, vous avez tout à y gagner. Cela vous permettra de faire la différence entre le travail exigeant et informé de la pensée et les propos creux.
    Bon courage.

  8. Stéphane dit :

    J’espère qu’à mon âge je n’ai plus tout à apprendre même si j’ai énormément à faire en ce qui concerne la pensée philosophique – c’est la raison pour laquelle je viens m’instruire ici. Quant à la vacuité de mes propos, je l’assume, mais ils étaient inspirés par ceux de M.Wolff tenus dans la presse et non par quelque commentaire malveillant. Toutefois comme je le disais précédemment, je lirai ce livre (si j’y parviens, j’entends par-là si l’auteur est accessible, ce n’est pas toujours le cas des grands professeurs).
    Merci encore. Bien à vous.

  9. Raymond dit :

    Bonjour
    merci pour votre site!
    J’entame une première année en philo à Nanterre (enseignement à distance). Mon bac étant déjà lointain, je butte sur le démarrage de la dissertation suivante: « Peut-on connaitre la nature humaine ? ».

    Voulez vous bien me donner quelques directions et pistes de recherche afin de me mettre le pied à l’étrier ?

    Merci d’avance, cordialement
    Raymond

  10. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Je n’interviens pas d’ordinaire dans le travail des élèves. Mais puisqu’il s’agit de vous « mettre le pied à l’étrier », je vous suggère de commencer par la lecture des règles de la méthode
    http://www.philolog.fr/methodologie-de-la-dissertation-philosophique/

    Votre premier travail doit consister à analyser avec rigueur les termes de l’énoncé afin d’élaborer la problématique.
    Peut-on : est-ce possible ? Est-ce théoriquement envisageable ? N’y a-t-il pas une contradiction entre ce que recouvre l’idée de connaissance et celle de nature humaine ?
    Bref « la nature humaine » est-elle un objet à connaître ou une notion à construire et à penser? (> exploitation de la distinction kantienne du connaître et du penser)

    Pour faire apparaître les problèmes qui précisent la question, vous devez donc interroger ce qu’implique :
    -d’une part l’idée de connaissance
    -d’autre part celle de nature humaine.
    Grâce à cette analyse, vous serez en mesure de pointer les difficultés.
    Ex : Si par connaissance, on entend la connaissance scientifique, il faut bien voir que sa méthode est la méthode expérimentale dont les trois moments sont : l’observation des faits, l’invention d’une hypothèse, la vérification de l’hypothèse. C’est dire que par ses procédures mêmes, la science suppose un objet donné dans l’expérience, un objet à observer et à étudier. La question est de savoir à ce niveau, si ce que nous appelons la nature humaine ne cristallise pas un ensemble d’obstacles épistémologiques. Car si nature humaine il y a, elle n’est pas une donnée empirique. Ce qui est donné, c’est une réalité humaine où la détermination culturelle, historique conduit certains à mettre en cause l’idée même d’une nature humaine.
    Si l’on en maintient l’idée, on ne peut la construire que par des procédures d’abstraction mais alors on n’obtient qu’une forme sans contenu assignable (Cf. Lévi-Strauss) Vider une forme de son contenu, n’est-ce pas priver la connaissance d’un objet à connaître?
    Si cette forme est essentiellement celle d’une liberté, n’est-ce pas de même s’interdire d’en circonscrire les contours? etc.
    Je ne vous donne ici que quelques indications et attire votre attention sur le fait que le mouvement de la réflexion doit être dialectique.
    Bon travail.

  11. […] Bien sûr, je force un peu le trait, mais c’est ce que la philosophe Simone Manon appelle les « raisons de droit » à l’existence d’une nature humaine, écrivant très clairement :  «  il est […]

  12. Pascal De Oliveira dit :

    Bonjour madame Manon,
    Tout d’abord, je tiens à vous remercier et vous féliciter pour votre site qui est une vraie mine d’or pour l’amateur de philosophie que je suis.
    J’ai beaucoup apprécié votre article sur un sujet qui m’intéresse particulièrement.
    Une chose cependant me dérange dans votre conclusion, c’est l’expression « rigoureuse construction théorique ». La description de la nature humaine ne doit elle pas être avant tout le fruit d’une « rigoureuse observation » ? Une construction théorique non fondée sur des observations ne risque-t-elle pas de dessiner un Homme qui n’existe pas mais qui satisfait les nécessités d’une autre construction théorique, par exemple une idéologie politique ?
    Dans l’attente de votre réponse,
    Bien cordialement,
    Pascal

  13. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Votre remarque serait fondée si la nature humaine était une donnée empirique qu’il faudrait en effet observer rigoureusement pour en élaborer la science. Mais l’homme, tel qu’il se donne à observer dans l’expérience, n’est pas l’homme naturel, c’est un mixte de nature et de culture. Dès lors le risque est de prendre pour naturel ce qui est un acquis culturel. Ce dont les hommes ne se privent pas comme je le souligne au début de l’article.
    Voilà pourquoi, seule une démarche spéculative peut distinguer ce qui est assignable à chacun des ordres. A défaut d’être une donnée empirique, la nature ne peut qu’être une réalité construite théoriquement avec rigueur. Ce qui ne signifie pas qu’elle se condamne à être un pur imaginaire. Il faut bien partir des faits observables mais à partir d’eux il convient d’isoler, d’abstraire ce qui est doit être constant et universel pour qu’il y ait sens à parler de nature.
    Rousseau propose ainsi une construction théorique de l’idée de nature humaine dans le discours sur l’origine de l’inégalité. http://www.philolog.fr/la-perfectibilite-rousseau/comment-page-1/
    Cf. « Quand on veut étudier les hommes, il faut regarder près de soi, mais pour étudier l’homme il faut apprendre à porter sa vue au loin; il faut d’abord observer les différences pour découvrir les propriétés » Essai sur l’origine des langues, §VIII
    Voyez par exemple l’effort d’un empiriste aussi résolu que Hume. Son traité de la nature humaine repose sur la CROYANCE qu’il existe une nature humaine dont on peut faire la science mais une science sceptique, une science essentiellement conjecturale.
    Bien à vous.

  14. thomas dit :

    Bonjour Madame MANON,
    Merci tout d’abord pour ce site qui m’aide beaucoup dans mes révisions. Etudiant en classe préparatoire, je prépare certains sujets que j’estime intéressant dans le cadre de la préparation au concours(le thème étant la nature). Ainsi je travaille sur le sujet « La nature humaine ». J’ai lu l’Ethique à Nicomaque(livre 2 sur la vertu et l’habitude), j’ai des pistes de réflexion mais j’ai beaucoup de mal pour le plan en 3 parties sur ce sujet qui me paraît assez vaste.
    Pouvez vous m’aider à cadrer le sujet ? Très cordialement
    Thomas

  15. Simone MANON dit :

    Bonjour Thomas
    Je suis désolée mais mon blog n’est pas un blog d’aide aux devoirs.
    Vous ne formulez d’ailleurs pas l’énoncé du sujet. Je suppose qu’il se résume en l’énoncé du thème: « la nature humaine ». Le traitement de cette question ne pourra guère faire l’économie des analyses suivantes:
    Dans une première partie, il faut montrer que les philosophies antiques et classiques établissent qu’il y a une nature humaine. L’enjeu de l’analyse ici consiste à préciser ce qu’il faut entendre par l’idée d’une nature et comment celle-ci est précisément conçue.
    Dans une deuxième partie, il faut examiner les raisons conduisant à une remise en cause de cette idée. Que peut bien signifier l’idée que le propre de l’homme est de ne pas avoir de nature?
    Mais cette thèse ne conduit-elle pas à des apories? Lesquelles? etc. Dès lors comment est-il possible de dépasser l’opposition des deux premières positions?
    Bien à vous.

  16. Halden dit :

    Je découvre votre site et vous félicite pour la qualité de son contenu.

    C’est au gré de mes recherches sur le thème de la nature humaine que je suis arrivé sur votre texte. Alors existe-il vraiment une nature humaine qui serait en quelque sorte une essence universelle de l’homo sapiens bien distincte, au fond, de toutes ses créations culturelles.
    Sur ce point précis de l’universel ou du particulier, permettez-moi de mettre mon petit grain de sel dans la réflexion générale.
    On définit généralement l’homme comme un animal doué de raison comme si le reste de la création en était dépourvue.
    Avec pascal Picq et bien d’autres paléoanthropologues j’aurais tendance à croire que la culture n’est pas une caractéristique propre à notre espèce et même qu’il existent des formes de cultures animales dans le monde sauvage, certes très rudimentaires mais bien réelles quand même.
    A partir de là, on peut rétorquer que la raison humaine est d’une telle ampleur qu’elle le distingue véritablement des autres créatures biologiques. Pourquoi pas ! A un certain degré d’intensité la culture deviendrait en quelque sorte un « phénomène émergeant » de nature spécifique. Ainsi, dans « le phénomène humain » Teilhard de Chardin explique bien mieux que je ne pourrais le faire comment l’humain est à la fois un corps biologique certes, mais qu’il est plus essentiellement encore un être social faisant partie d’un maillage constituant un « tissu de pensée » très étendu. Mais à cet égard, je formule une objection car je considère que le maillage qui nous relie tous à notre Etre de raison est la plupart du temps en lambeaux pendant que nos édiles passent leur temps à ravauder ce qui peut l’être avec plus ou moins de succès.
    Pourquoi ?
    Le orientaux étant bien différents des occidentaux, leur approche semble intéressante à ce sujet, ainsi j’évoquerais tout particulièrement a un certain Krishnamurti qui enseignait au 20ème siècle que la pensée c’est précisément ce qui divise. Son universalité est d’être particulière. Il n’est pas un être de raison comparable à un autre être de raison car finalement pour notre malheur la pensée qui divise est aussi celle qui rassemble.
    Là où se forme des familles, des clans et des nations, là seulement peuvent apparaître les guerres or là où s’affrontent les patriotes naît le désir de paix. Guerre et paix sont constitutives l’une de l’autre.
    En revanche, il n’existe pas de guerres ou de paix animales mais seulement des combats un contre un ou bien des alliances circonstancielles souvent en vue de la prédation d’autres espèces, et même si Jane Goodall a observé au moins une fois une guerre de clans chez les chimpanzés, il faut bien admettre que ces primates nous ressemblent beaucoup étant nos plus proches cousins dans l’échelle de l’évolution.
    Parler de nature humaine d’un côté et de culture humaine d’un autre côté c’est utiliser des concepts de la pensée qui ont un caractère complémentaire et se ressemblent par bien des aspects alors que le plus souvent nous les utilisions comme des concepts antinomiques.

    En effet, je crois (mais cela n’engage que moi) que l’universalité d’une nature humaine en ce qu’elle aurait de générale par opposition à tous les particularismes des cultures diverses et variées susceptibles de distinguer jusqu’au moindre individu s’affirmant au titre de conscience particulière est comme une sorte de double échelle qui une fois posée vous oblige à monter jusqu’à son sommet puis a redescendre par l’autre côté.

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