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le pardon. Françoise Naudet. 1928.2008. www.dicart-net.fr/PHOTOS/NAUDET/Img0000.htm

 

  

                       « Vous l'avez appris, il a été dit : Œil pour œil, dent pour dent. Mais moi je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu'un te frappe sur la joue droite, présente-lui l'autre aussi. [...] Vous l'avez appris, il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu pourras haïr ton ennemi. Mais moi je vous dis : Aimez vos ennemis, faîtes du bien à  ceux qui vous haïssent,  priez pour ceux qui vous maltraitent et vous persécutent. Vous serez ainsi les fils de votre Père du ciel, qui fait lever son soleil sur les méchants comme sur les bons, et fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Si vous n'aimez que ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains même n'en font-ils pas autant ? Si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d'extraordinaire ? Les païens n'en font-ils pas autant ? Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait ». Mt 5, 38-43-48

 

 

Introduction :

 

   Est-il concevable qu'une mère pardonne au bourreau de son enfant le mal qu'il lui a fait en la privant du soleil de sa vie ou que le rescapé du camp de la mort pardonne au nazi son désespoir de survivre à une famille et à un peuple anéantis ? A première vue, il nous semble qu'il y a là quelque chose d'impensable. Nous avons tellement du mal à envisager qu'il soit au pouvoir de l'humaine condition de tout pardonner que la question du pardon met en jeu la pensée dans ce qui est proprement impensable pour elle. Nous nous sentons bien capables de pardonner certaines fautes mais est-ce sans restriction ? On le voit, le problème porte d'abord sur l'amplitude du pardon. N'y a-t-il pas des offenses dont le tranchant est tel qu'il annihile la capacité d'effacer la faute et de renouer avec l'autre une relation de confiance ? Autrement dit, n'y a-t-il pas des fautes dont la gravité est telle qu'elles sont proprement impardonnables ? Là est la difficulté. Il s'agit de savoir s'il y a des limites au pardon, s'il faut tracer une frontière entre le pardonnable et l'impardonnable ou si, au contraire, ce n'est pas parce qu'il y a de l'impardonnable qu'il faut se disposer à pardonner. Car outre que cette frontière ne semble pas déterminable objectivement, quel serait le mérite du pardon s'il n'était pas la réponse inconditionnée à l'abîme du mal ? Comme il n'y a aucune vertu à aimer ce qui est aimable, y aurait-il une grandeur voire un mystère du pardon si sa vérité ultime n'était pas de briser la dette de celui qui, en toute rigueur, s'est rendu coupable d'un mal qui serait absolu s'il n'y avait pas la folie du pardon, « folie de l'impossible » comme l'appelle Jacques Derrida ? Mais alors qu'est-ce qui est au principe d'un tel sublime et est-il possible de démêler dans le pardon généreusement offert aux pires criminels, la forme pure de ses formes impures ? Car le pardon, comme toutes les conduites humaines recèle une ambiguïté. Il peut s'alimenter à des sources diverses. Il peut par exemple procéder d'un désir de liquider le passé, de l'oublier, d'effacer jusqu'à son souvenirIl peut aussi se croire autorisé à passer outre le devoir de justice.

   Or en a-t-on le droit ? Le mal commis n'exige-t-il pas que justice soit rendue afin de ne pas ouvrir un boulevard à tous les méchants et de ne pas être ainsi le complice de la souveraineté du mal sur la terre ? Max Weber disait en ce sens, qu'exception faite de la sainteté, le Sermon sur la montagne définissait une éthique sans dignité et on se souvient de la polémique (de 1985 à 1993) ayant entouré l'ouverture d'un Carmel sur le site du camp d'Auschwitz. Qu'une croix, symbole de la rédemption du mal par le pardon chrétien se dresse sur ce lieu où furent exterminés tant d'enfants, d'hommes et de femmes, fit scandale. D'où le problème : le crime contre l'humanité est-il un crime qui puisse légitimement se pardonner ou bien faut-il dire avec Hegel que tout est pardonnable sauf le crime contre l'esprit c'est-à-dire contre la faculté de pardonner ? Au fond la question est, ici, de savoir si le pardon peut avoir un sens, comme d'ailleurs la justice, là où des hommes se sont exclus du champ où ces conduites peuvent prendre sens, à savoir du champ de l'humain ? Elle est aussi de savoir, si n'importe qui peut être habilité à pardonner et si les hommes étant ce qu'ils sont, l'inconditionnalité du pardon ne s'échoue par sur l'exigence de la réciprocité. Peut-on pardonner à celui qui ne demande pas pardon ?

   Peut-être pas et cela signifie que « le pardon pur est un événement qui n'est peut-être jamais arrivé dans l'histoire de l'homme » (V. Jankélévitch). Alors qu'est-ce qui en rendrait possible la forme parfaite et peut-on en concilier le sublime avec l'exigence de justice ?

 

 

I)      On peut tout pardonner : cela découle de la nature et des fondements du pardon.

 

 

   Pardonner consiste à rompre l'engrenage souvent inéluctable des faits passionnels par lequel le mal subi suscite tout naturellement ressentiment, haine et désir de vengeance. Rien ne rend plus injuste et plus prompte à offenser que d'être victime soi-même d'une offense. Peu importe la qualification de cette dernière. Offenser, c'est toujours blesser un être, lui infliger une souffrance et prendre par là le risque de rompre la relation humaine dans les différents visages que peut revêtir cette rupture. On sait qu'elle peut aller jusqu'à la mort symbolique de l'autre. Le voilà rayé de la surface de la terre, le présent de la faute l'immobilisant dans l'éternité de l'offense. Lorsque ce n'est pas l'anéantissement d'autrui qui s'opère pour une conscience, c'est la vindicte obstinée et haineuse qui s'ensuit et son cortège délétère : l'enfer de la relation et la dégradation morale de ceux qui ne sont unis que par le ressentiment et la haine.

   Parce que le mal qui a été fait ne peut pas ne pas avoir été, parce que l'irréversibilité est le propre des actions humaines, l'enfer serait donc assuré sur la terre s'il n'y avait le pardon. Car pardonner, c'est décider de laver l'offense, c'est en suspendre les conséquences pour ouvrir au sein du présent un avenir qui ne soit pas l'effet naturel du passé. Dans un acte de confiance dans la liberté de l'autre, je l'exonère du poids de sa faute, je lui donne une nouvelle naissance en le faisant exister à nouveau comme un être digne de respect dans la relation sociopolitique, d'affection, d'amour ou d'amitié dans la relation interpersonnelle. Qu'il y ait là, comme le souligne Hannah Arendt, quelque chose de miraculeux, n'en doutons pas. La faculté de pardonner est « la rédemption possible de la situation d'irréversibilité » dit-elle. De fait si nous n'étions pardonnés, nous serions figés dans un acte maudit, condamnés à payer pour le reste de notre vie ses conséquences. « Nous serions, dit-elle, enfermés dans un acte unique dont nous ne pourrions jamais nous relever ».

   Le pardon ne doit donc pas être confondu avec la simple excuse. Ce qui est en jeu en lui, c'est la libération d'une âme coupable. Autant dire qu'il n'y a pas de sens à parler de fardeau  de la culpabilité pour des offenses bénignes. Il suppose des offenses d'une très grande gravité, la question étant de savoir de quoi dépend la faculté de pardonner. Est-ce de la nature de l'offense de telle sorte qu'on puisse déterminer objectivement la frontière séparant le pardonnable de l'impardonnable ?

   Poser le problème en ces termes risque bien de nous conduire à une impasse car l'expérience montre que si certains ne pardonnent rien, même pas ce qui ne mérite qu'une excuse, d'autres offrent leur pardon là où celui-ci semble impossible à la plupart des hommes. A bien observer les choses humaines, on a même l'impression que les ressources en pardon s'accroissent avec la profondeur des offenses, comme si dans l'expérience de ce qui fait mourir les hommes découvraient le principe de ce qui fait vivre. Mais on constate aussi que l'offense peut avoir pour certains un caractère irrelevable. Jankélévitch, par exemple, reconnaissait volontiers son impossibilité de pardonner aux bourreaux de sa famille le mal qu'il avait subi personnellement.

   Si la gravité de la faute est la matière et la condition du pardon, il semble donc qu'il ne soit pas possible de déterminer a priori un degré à partir duquel le pardon serait impossible puisqu'on peut alléguer des exemples d'hommes capables de pardonner le pire.

   Songeons aux paroles du Christ sur la croix : « Père, pardonne leur, ils ne savent pas ce qu'ils font ».

   Songeons à ces rescapés des camps de la mort  accordant leur pardon à leurs bourreaux.

   On touche là au mystère du pardon. Sans doute met-il en jeu des aptitudes psychologiques variables d'un sujet à un autre mais ce n'est pas dans des dispositions psychologiques qu'on peut légitimement le fonder. Le pardon ne relève pas d'une tendance naturelle. Il requiert au contraire l'inhibition des mouvements naturels suscités par l'offense : le ressentiment, la haine. Il suppose une conversion du négatif et la volonté de commencer avec sa décision quelque chose de nouveau. A ce titre, il marque l'insertion dans l'ordre phénoménal d'une autre dimension. Une dimension proprement métaphysique qu'avec Kant on peut appeler la dimension nouménale de la liberté ou avec Pascal la dimension surnaturelle de la grâce. Car la possibilité de se rendre indépendant des inclinations naturelles et d'initier un acte subvertissant l'enchaînement mécanique des causes et des effets ne laisse pas d'être étonnante. Par quelle force un homme peut-il cesser d'en vouloir à celui qui a brisé sa vie, par quel miracle peut-il cesser de haïr ? Seule une grande âme, une âme sauvée des faiblesses humaines nous paraît capable de s'affranchir de la loi ordinaire des échanges où l'offense entraîne naturellement la contre offense pour répondre au mal par un don. Dans pardon, il y a en effet don, don total. Et c'est parce que ce don de la rémission de la faute par celui-là même qu'elle a meurtri est si inouï qu'on est enclin à y voir la main de Dieu. D'où le recours à l'idée de grâce, le terme connotant le principe d'un don divin, d'une force insufflée en l'homme par un être supérieur.

   De fait, ce qui donne à certains la force de pardonner, c'est la foi au Dieu de miséricorde nous faisant un devoir de nous pardonner réciproquement nos offenses, de ne pas rendre le mal pour le mal et d'instaurer sur la terre le règne de l'amour. L'amour qui ne demande rien, qui se contente de donner et en donnant fait croître les ressources en humanité des uns et des autres. Il y a dans la foi chrétienne un puissant ressort du pardon, pardon inconditionnel, pardon universel, dont l'agneau de Dieu sacrifié sur la croix est l'exemple le plus éloquent. Par le pardon, l'homme réactualise à chaque instant l'alliance avec ses frères les hommes à l'image du Père dont la miséricorde permet à l'humanité pécheresse d'ouvrir des voies de salut.

   Mais le pardon n'est pas le monopole des hommes de foi. On peut le définir comme une capacité morale au sens où la morale est ce qui est possible par liberté. Et il faut bien en admettre le principe si l'on veut comprendre comment il est possible de substituer à la loi de l'être (la haine, le ressentiment, le désir de vengeance) la loi du devoir être, celle que peut se représenter la raison. Car qu'exige la raison en présence de celui qui a commis le mal ? Non pas de le fixer dans le passé de la faute  mais de se projeter vers lui comme vers un être capable lui aussi de liberté. La méchanceté n'est pas plus le destin du méchant que la rancune ne doit être celle de sa victime. Malgré tout ce qui nous détermine empiriquement l'un et l'autre, la raison nous fait obligation d'instaurer un autre règne, celui que Kant appelle le règne des fins. A l'action qui continue, le pardon s'efforce de substituer l'action qui commence, il suspend le mécanisme, il ouvre des possibilités nouvelles. Sa force est celle de la liberté, inattendue, imprévisible, créatrice d'un espace de vie humaine là où tout semblait perdu.

   Dès lors, si tel est le principe du pardon n'est-ce pas là où l'offense est la plus grande qu'il s'actualise dans la perfection de sa dimension éthique ? L'âme n'est jamais mieux engagée dans sa générosité, dans ses possibilités miraculeuses que dans les situations extrêmes où elle pourrait désespérer d'elle-même et du monde dont elle est le principe. Le pardon, en ce sens, n'est donc pas tributaire de la nature de la faute mais de la grandeur d'une âme apte à faire confiance à la liberté de l'autre au moment où elle fait briller l'éclat de la sienne. Et l'épreuve du feu de cette grandeur n'est pas l'offense superficielle ne méritant qu'excuse, c'est l'offense profonde, celle qui est à la mesure du pardon, parce qu'elle seule révèle son enjeu éthique.

 Le pardon est donc la réponse éthique ou religieuse d'une liberté exposée à la morsure du mal. Si cette liberté n'existait pas, l'offense ne pourrait être lavée et il y aurait du mal absolu. Le pardon traduit le refus d'une telle fatalité. Il ne banalise pas le mal, il ne l'efface pas comme s'il n'avait jamais existé, il en reconnaît la scandaleuse existence mais il décide de ne pas en accepter la souveraineté. Il ne le convertit pas en bien, il en suspend seulement l'efficace pour commencer quelque chose de nouveau où le mal, peut-être, ne saura pas reconduit. On peut donc paradoxalement pardonner le pire puisque dans cette perspective, le pire n'est pas que nous subissions des offenses, le pire c'est de ne pas pouvoir pardonner car cela revient à consacrer l'empire du mal.

 

   Au terme de cette première analyse on peut donc conclure à la possibilité humaine de tout pardonner. Cela découle du fondement même du pardon. La grâce ou la liberté s'atteste dans l'aptitude à surmonter les obstacles emprisonnant les êtres imperméables à l'une ou impuissants à mettre en œuvre l'autre.

   Et pourtant, que le pardon soit une vertu morale ou religieuse admirable, si admirable qu'on peut raisonnablement douter de sa possibilité,  ne signifie pas qu'il n'a pas de limites.

 

II)                Les limites du pardon.

 

A)    L'écueil du non-sens.

  D'abord on peut se demander si certaines formes de barbarie ne sont pas des défis au pardon, aussi bien d'ailleurs qu'à la justice. Hannah Arendt disait que l'horreur nazie était tellement hors des catégories de l'humain qu'elle mettait en question jusqu'à la faculté même de juger et de pardonner. Dans Condition de l'homme moderne, elle écrit : « [Le châtiment] a ceci de commun avec le pardon qu'il tente de mettre un terme à une chose qui, sans intervention, pourrait continuer indéfiniment. Il est donc très significatif, c'est un élément structurel du domaine des affaires humaines, que les hommes soient incapables de pardonner ce qu'ils ne peuvent punir, ce qui se révèle impardonnable. C'est la véritable marque des offenses que l'on nomme depuis Kant « radicalement mauvaises » et dont nous savons si peu de chose, même nous qui avons été exposés à l'une de leurs rares explosions en public. Tout ce que nous savons, c'est que nous ne pouvons ni punir ni pardonner ces offenses, et que par conséquent elles transcendent le domaine des affaires humaines et le potentiel du pouvoir humain qu'elles détruisent tous deux radicalement partout où elles font leur apparition » Calmann-Lévy, Pocket, p. 307.

   Il ne s'agit pas de tirer argument de cette analyse pour prétendre avec Jankélévitch que « le pardon est mort dans les camps de la mort » mais que les conduites humaines faisant difficilement le deuil de leur sens, il est légitime de remarquer que « quand la victime et le coupable ne partagent aucun langage, quand rien de commun et d'universel ne leur permet de s'entendre, le pardon semble privé de sens » de telle sorte  que «  Pour pardonner, il faut s'entendre, des deux côtés, sur la nature de la faute, savoir qui est coupable de quel mal envers qui, etc. ». (Derrida).

   Bref quand l'humain fait signe dans un monde dans lequel l'idée même d'humanité s'est retirée, le pardon, bien que possible, bien qu'assumant son caractère insensé, ne relève-t-il pas d'une forme d'incongruité ?

 

B)    La spécificité du crime contre l'humanité.

      D'où les interrogations que suscite le crime contre l'humanité. Il n'est pas sûr qu'il faille en faire une invention du XX° siècle. La barbarie n'a pas d'âge et on n'a pas attendu l'industrie de la mort nazie ou le génocide rwandais pour dénier à l'homme en tant qu'homme le droit d'exister. Mais comme l'expression l'indique, la victime de ce crime est, à travers telle ou telle personne, l'humanité elle-même. Dès lors ne faut-il pas suivre Jankélévitch lorsqu'il écrit : « Un crime contre l'humanité n'est pas mon affaire personnelle. Pardonner, ici, ne serait pas renoncer à ses droits, mais trahir le droit ». Le droit est, en effet, l'institution gardienne d'une promesse d'humanité. Le pardon du crime contre l'humanité fait donc problème dans la mesure où, en pardonnant, la victime ne renonce pas seulement à ses droits mais aussi aux droits de tous ceux qui, comme elle, sont des hommes. Voilà pourquoi Jankélévitch parle de trahison du droit. Dans L'imprescriptible il dit : « Lorsqu'un acte nie l'essence de l'homme en tant qu'homme, la prescription qui tendrait à l'absoudre au nom de la morale contredit elle-même la morale. N'est-il pas contradictoire et absurde d'invoquer ici le pardon ? Oublier ce crime gigantesque, ce crime contre l'humanité serait un nouveau crime contre le genre humain ». Certes le pardon n'est pas l'oubli et l'imprescriptibilité n'exclut pas le pardon, mais il y a bien dans cet argument une manière de pointer une limite du pardon.

 

C)    L'exigibilité de la justice.

   Car il revient à souligner l'hétérogénéité des registres. Le pardon met en jeu des individus dans une relation interpersonnelle, or le rapport de l'homme avec l'homme se noue aussi dans une dimension collective. Comme le dirait Levinas, chacun n'est pas seulement dans une relation de face à face avec les autres. Il y a aussi tous les autres, ceux qui n'ont pas de visages et à l'égard desquels la responsabilité de chacun est engagée. Je te pardonne le mal que tu m'as fait mais ne suis-je pas comptable du mal que tu peux faire aux autres ? Et cette responsabilité à l'égard de ce que Levinas appelle le tiers n'exige-t-elle pas que je me préoccupe de faire exister la justice sur la terre ? Comme il l'écrit dans une de ses leçons talmudiques : « si un homme commet une faute à l'égard d'un homme, [...] il faut qu'un tribunal terrestre fasse justice entre les hommes ! Il faut même plus que la réconciliation entre l'offenseur et l'offensé - il faut la justice et le juge. Et la sanction. Le drame du pardon ne comporte pas seulement deux personnages, mais trois » Quatre leçons talmudiques, Editions de Minuit, p.41.

      Le pardon trouve donc sa limite dans les exigences de la sphère juridico-politique dont la vertu première n'est pas la miséricorde  mais la justice.     

   L'ordre de la justice n'est pas, en effet, l'ordre intersubjectif où un moi et un toi se rencontrent, c'est l'ordre impersonnel des conventions juridiques que les hommes élaborent pour régir leur vie collective c'est-à-dire pour se protéger de la violence que chacun représente pour chacun. Et pour que la loi ne soit pas qu'un vœu pieux, des sanctions sont prévues pour punir sa transgression. D'où l'institution d'un tribunal de police et d'un tribunal de justice. Dans l'exercice de la justice la notion de pardon ne peut pas avoir de sens. D'une part parce que ce n'est jamais la victime qui juge, d'autre part parce que la vocation du juge n'est pas de pardonner mais de veiller à ce que la promesse de justice soit tenue. Si le pardon relève de la subjectivité, de l'individuel, la justice relève des accords collectifs et de l'intervention d'un juge apte à dire le droit et à le faire respecter. Par principe la justice est donc étrangère au pardon.

   Néanmoins il y a des formes juridiques d'effacement de la peine. Telles sont la grâce, l'amnistie et la prescription. Le cas de la grâce présidentielle est particulièrement intéressant car il s'agit en fait d'une  forme de pardon que l'on pourrait être tenté de considérer comme une forme de pardon social puisqu'elle est constitutionnelle. Ce qui ne laisse pas d'être problématique et ne se comprend que comme survivance des prérogatives jadis dévolues au roi de France. Comme l'a montré Michel Foucault dans Surveiller et punir, dans la monarchie d'Ancien Régime, le Roi est en fait la clé de voûte du système juridique et tout délit est d'abord vu comme un défi à l'autorité royale. Dans ces conditions la grâce royale relève bien du pardon d'une personne. Elle est pardon mais précisément parce qu'elle ne relève pas du dispositif juridique dont elle est un cas limite.

   Tout autre est l'amnistie, celle des faits comme celle des peines. Elle relève d'un dispositif législatif  mettant en œuvre un mécanisme d'effacement de la faute par décision d'oublier.

   Quant à la prescription, elle décide de ne plus engager de poursuites ou de ne plus demander l'exécution des peines après un certain délai.  Elle trouve une limite dans la notion d'imprescriptibilité laquelle ne découle pas d'un simple calcul juridique mais intègre des éléments d'ordre moral précédemment énoncés.

   L'amnistie et la prescription procèdent d'une logique de l'oubli. Or ce n'est pas le cas du pardon. « Pardonne mais n'oublie pas » exprime de manière concise cette idée que le pardon à la différence de la prescription ou de l'amnistie n'est pas fondé sur l'effacement de la faute. Pour avoir un sens le pardon a, au contraire, besoin que la faute soit reconnue comme telle et qu'elle soit vécue comme un dommage personnel.

   Il s'ensuit que le pardon n'est pas une vertu juridico-politique. Vertu morale ou vertu religieuse, il est l'autre du juridique que celui-ci se déploie dans le cadre du renoncement au calcul de l'équité (amnistie et prescription) ou qu'il se situe dans un registre qui n'est pas celui du purement juridique. (Droit de grâce).

 

   Au terme de cette seconde partie il apparaît donc qu'il y a des limites au pardon, non pas parce qu'il y a de l'impardonnable en soi mais parce que le pardon n'a de légitimité que dans son ordre. Cet ordre est l'ordre intersubjectif, celui du face à face de la victime et du coupable. Car évidemment seule une victime est habilitée à pardonner un mal subi personnellement, et seul un coupable ayant un visage peut recevoir le pardon. A qui pardonner dans le crime de masse ? Et qui peut pardonner puisque les victimes ne sont plus là pour le faire ? L'imposture majeure consiste à se croire autorisé à pardonner les offenses dont les autres ont été les victimes ou à se laver les mains des offenses auxquelles les expose une miséricorde personnelle. Par conséquent assumer ses responsabilités pour un homme consiste en priorité à se soucier de la positivité de la justice. Mais cela ne signifie pas qu'il en a fini avec ses devoirs et que justice étant rendue, il n'a pas à déployer une autre ressource en humanité.

 

 

III)             Dépassement : la hiérarchie des ordres.

 

 

    Car la justice a une rigueur dont un cœur miséricordieux ne peut pas méconnaître la dureté pour ceux qui s'y sont exposés par  leur faute. Elle n'est pas non plus totalement affranchie d'un rapport à la vengeance même si elle en est le dépassement. Or qu'est-ce qui peut adoucir les rigueurs de la justice et l'innocenter de toute parenté avec la passion vengeresse ? Seulement la générosité du pardon qui vient du fond du cœur comme un don offert à notre frère en humanité. Pardon désintéressé du magnanime ou du charitable. Cette forme pure du pardon n'a pas de finalité égoïste ou utilitaire comme c'est le cas lorsqu'un homme pardonne pour se libérer de son propre ressentiment et retrouver la paix intérieure (visée cathartique) ou lorsqu'un groupe demande pardon pour favoriser une réconciliation politique. Le vrai pardon est un don d'amour, de confiance, de respect. Libérer l'autre de sa culpabilité, lui redonner une virginité morale, le restaurer dans son humanité au moment même où l'on fait triompher la sienne. En ce sens le vrai pardon ne pose pas de condition. Il n'exige pas que l'autre demande pardon ou éprouve dans le repentir les affres de la culpabilité. Il s'offre gratuitement. On pense au pape Jean-Paul II offrant son pardon à Mehmet Ali Agca, l'auteur de l'attentat place St Pierre le 13 mai 1981. Le pape n'est pas passé outre les exigences de la justice mais il est allé au-delà, un au-delà dont nous voyons le sublime mais à la hauteur duquel nous ne nous sentons pas toujours capables de nous élever. Aussi y lisons-nous le signe de la sainteté.

   Et comme ce sublime n'est pas la loi de la terre, le pardon dont nous sommes capables est d'ordinaire celui qui nous est demandé par un coupable repentant. C'est dire que nous restons prisonniers de la logique des échanges (mon pardon en échange de ton repentir). Le souci de la réciprocité nous expulse de la logique du don c'est-à-dire du vrai pardon comme en donnent l'exemple Jankélévitch et  Primo Levi. Ce dernier avoue conditionner son pardon à la transformation morale du coupable mais il voit bien l'aporie car seul un ennemi a besoin d'être pardonné, pour l'ami, cela n'a plus de sens. Voilà pourquoi, quand il n'est pas aveuglé par la haine, omniprésente dans L'imprescriptible, Jankélévitch rend justice à la vérité du pardon. « Le pardon, écrit-il, ne demande pas si le crime est digne d'être pardonné, si l'expiation a été suffisante, si la rancune a assez duré [...]. Il n'y a pas de faute si grave qu'on ne puisse en dernier recours, la pardonner. Rien n'est impossible à la toute-puissante rémission ! Le pardon, en ce sens peut tout. Là où le péché abonde, dit St Paul, le pardon surabonde. [...] S'il y a des crimes tellement monstrueux que le criminel de ces crimes ne peut même pas les expier, il reste toujours la ressource de les pardonner, le pardon étant fait précisément pour ces cas désespérés et incurables ». Le pardon, Aubier, p.203.

   Mais il y faut une force par laquelle l'humanité fait briller ce qu'elle a de meilleur et le meilleur est toujours en rupture avec la petitesse dont est pétrie la nature humaine. La force du pardon est une subversion de la nature, qu'on y lise le signe de l'effort moral ou celui de la grâce divine. Aussi faut-il suivre Pascal dans sa magistrale analyse des trois ordres et distinguer l'ordre des corps ou de l'extériorité auquel correspond la vengeance, l'ordre des esprits ou de l'intériorité auquel correspond l'exigence de justice et l'ordre de la supériorité ou de la charité auquel correspond le pardon. La justice opère le passage de la vengeance à la punition en substituant à la volonté subjective de vengeance, la volonté objective de réparation. Ces deux ordres sont naturels et c'est déjà beaucoup d'obtenir des hommes qu'ils substituent les principes et les valeurs de l'esprit à ceux du corps. Mais il y a encore un autre ordre infiniment supérieur, ordre surnaturel, affirme Pascal, constituant le site d'où les deux autres révèlent leur limite. 

 

  

Conclusion :

 

   La question «peut-on tout pardonner? » relève d'un traitement moral non d'un traitement juridique. L'ordre juridique a introduit la notion d'imprescriptibilité pour les crimes contre l'humanité pour signifier qu'ils sont d'une telle gravité qu'il ne faut ni les oublier ni les absoudre. Au nom des millions de morts ne pouvant pardonner, on doit effectivement les déclarer tels et s'efforcer de rendre justice, ne serait-ce que par le devoir de mémoire, à ceux dont le silence doit continuer de nous hanter.

   Mais ce n'est pas parce qu'il y a, éthiquement, de l'impardonnable en soi, c'est parce que nous avons un devoir de justice et que nulle prescription ne peut étouffer le cri de l'homme que l'on a torturé et assassiné simplement parce qu'il était un homme.   

   Cela ne nous dispense pas de nous sentir tenus de nous porter à la hauteur du pardon des fautes subies personnellement. Mais nous sommes, pour la plupart, si éloignés de la perfection morale en jeu dans la générosité du pardon, que si nous savons admirer l'âme miséricordieuse, nous ne savons guère l'imiter.

 

 

 

 

 

 

 

 

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10 Réponses à “Peut-on tout pardonner?”

  1. Pierre dit :

    Bonjour chère Simone,
    Je formule ici deux observations:

    1) Jankélévitch n’opère-t-il pas un antagonisme lorsqu’il écrit « N’est-il pas contradictoire et absurde d’invoquer ici le pardon? Oublier ce crime gigantesque, ce crime contre l’humanité serait un nouveau crime contre le genre humain » alors même qu’il affirme « S’il y a des crimes tellement monstrueux que le criminel de ces crimes ne peut même pas les expier, il reste toujours la ressource de les pardonner, le pardon étant fait précisément pour ces cas désespérés et incurables » ?
    2) Ne peut-on pas apporter un tempérament à la partie 2)C) en rappelant qu’en droit français la première victime d’une infraction est la société et qu’à ce titre, elle semble, selon la logique développée, pouvoir pardonner?
    Merci de votre réponse.
    Bien à vous,
    Pierre

  2. Simone MANON dit :

    Bonjour Pierre
    1) Oui, on peut relever le caractère contradictoire de ces deux jugements de Jankélévitch si l’on ne voit pas que l’un et l’autre n’envisagent pas la question du pardon sous le même rapport. Dans un cas, il est apprécié du point de vue de la nature du crime et l’enjeu du propos est de pointer la spécificité du crime contre l’humanité, les problèmes moraux qu’il pose. Dans l’autre, le pardon est envisagé dans son caractère miraculeux et sublime comme pure possibilité morale, affranchie des lois de la terre en quelque sorte. D’un propos à l’autre le déplacement de perspective est si radical qu’il n’y a pas lieu de parler de contradiction.
    2) Je ne peux vous suivre dans la réserve que vous formulez car seule une personne peut pardonner. La société est un être impersonnel, le Roi, non. Ce qui avait une cohérence dans une royauté, (Cf. La thématique des deux Corps du Roi), n’en a plus dans un corps social qui n’est plus qu’un être abstrait, un être de raison.
    Bien à vous.

  3. Pierre dit :

    Bonjour chère Simone,
    Merci pour ces éclaircissements. Je vous suis en effet s’agissant de la disctinction personne physique / corps social.
    A bientôt,
    Pierre

  4. patrick dit :

    Bonsoir,

    J’ai cherché un plus d’information sur le blog sur la « culpabilité ».
    J’aurais tendance à dire, mais cela est peut être irréfléchi, que la culpabilité est un sentiment inutile et vain. Que seule la responsabilité est constructive.
    « Je me sens coupable de manger dans un restaurant très cher, alors qu’à la porte un homme meurt de faim.
    En tant qu’être libre je peux choisir : aller ou ne pas aller au restaurant, donner de l’argent ou de la nourriture au mendiant, … je suis responsable de mes actes.

    Je me sens coupable de voler alors que d’autre travaillent, je me sens coupable d’avoir menti,
    Etc…
    Si je comprends la culpabilité comme la reconnaissance de l’existence de la faute, j’ai l’impression que la culpabilité nous extrait en quelques sortes de notre responsabilité.
    ‘Je vole je sais que je vole et je suis responsable de mon vol. Je le fais car je le décide.’
    La culpabilité me semble parfois une façon de soigner son ego plus que le sentiment qui amènerait à réparer sa faute
    Mais je manque d’information sur ce sujet. Peut-être pourriez-vous m’éclairer?

    Bien à vous, Patrick

  5. Simone MANON dit :

    Bonjour
    La question de la culpabilité exige de tracer une frontière très nette entre la perspective psychanalytique et le perspective juridique et morale.
    Pour la première, le sentiment de culpabilité est en grande partie inconscient dans ses causes et ses effets. Il s’explique par l’histoire infantile, colle à la peau de sujets dont la souffrance présente, les ratés de leur vie s’expliquent, pour le psychanalyste, par des affects inconscients.
    Que cette expérience soit pathétique, négative, vaine, cela va de soi et cela d’autant plus que, toujours selon la psychanalyse, le salut ne passe pas par la maîtrise intellectuelle et la responsabilité morale mais par une thérapie analytique.

    Si l’on se place dans la seconde perspective, se sent coupable l’auteur d’un acte conscient d’avoir commis quelque chose de répréhensible légalement ou simplement moralement. Je ne vois pas comment on peut distinguer cette expérience de celle de la responsabilité.
    L’homme responsable est le sujet se sentant tenu de répondre de ses actes, d’en assumer les conséquences, de les juger avec lucidité. S’il juge que ce qu’il a fait est fautif, n’est-il pas par cette conscience même conduit à se sentir coupable? Simplement ce sentiment de culpabilité peut prendre la forme du regret ou du remords. Si le regret est positif en ce qu’il incline à ouvrir un avenir où la faute passée est assumée et payée, le remords est négatif car il empoisonne le présent et l’avenir, incarnant ainsi une forme d’aliénation.
    Bien à vous.

  6. Patrick dit :

    Merci pour cette éclairante réponse comme toujours.

  7. Jean-Guy Munger dit :

    Bonsoir Madame
    je vais prendre quelque peu de votre temps pour vous faire état d’une expérience difficile avec laquelle j’ai peine à vivre.
    En 2002,j’ai commis une infraction criminelle grave qui à eu des conséquences désastreuses sur la victime et ses proches parents. Il en a été de même pour ma compagne et pour mon fils.
    Bien sûr,tout contact a été coupé.Ce n’est que l’an passé que mon fils m’a écrit et qu’il m’a fait part de ses malaises ressentis depuis les faits.
    Sa lettre était très touchante et j’ai pu mesurer l’ampleur de sa détresse et de sa déception.
    Il a terminé sa lettre par ces deux phrases:
    1)Je te pardonne Toi Papa
    2)JMais je ne pardonne pas le geste posé..
    Depuis les incidents,je n’ai jamais sollicité le pardon de qui que ce soit.J’avais moi même de la difficulté à associer un pardon à la nature des gestes posés.
    Le contexte étant défini,voici mes questions:
    1)Dans le cadre du pardon,est-ce que l’auteur des faits et les gestes posés, peuvent-ils être dissociés,séparés et analysés et d’en arriver à la conclusion qu’on peut pardonner à l’auteur des faits mais ne pas pardonner le geste.
    2)On entend beaucoup cette phrase au Québec,lorsque utilisée dans le cadre d’un pardon.*Je te pardonne,mais je n’oublierai pas*
    J’ai lu votre texte en entier avec un vif intérêt, mais il me faudra le relire pour en comprendre toute la portée. et la subtilité.
    J’apprécierais beaucoup obtenir votre point de vue
    Merci
    Guy
    Québec Canada

  8. Simone MANON dit :

    Bonjour Monsieur
    Merci de ce témoignage qui donne une chair aux drames bouleversant tant de vies.
    Vous dîtes, si j’ai bien compris, que vous ne vous êtes jamais senti autorisé à implorer le pardon de ceux que vous avez fait souffrir, tant vous avez conscience que votre faute est impardonnable.
    En un sens, ce scrupule vous honore dans la mesure où il montre que vous assumez la gravité de votre faute. Tant de personnes, par manque de sens moral ou mauvaise foi, cherchent à se justifier à bon compte!
    Mais n’est-ce pas parce qu’il y a de l’impardonnable que la question du pardon se pose? N’est-ce pas parce qu’on ne peut pas défaire ce qui a été fait, parce qu’il y a un risque d’absolu du mal, qu’il appartient à l’homme de mettre en œuvre des ressources spirituelles propres à mettre en échec cette fatalité?
    Ouvrir un nouvel avenir, renouer la relation avec ceux que l’on a fait souffrir, y a-t-il une autre possibilité de rédemption que celle-ci? Cela passe d’abord, me semble-t-il, par la nécessité de demander pardon du côté du coupable. Ce pardon peut être refusé par la victime ou par ceux qui parlent en son nom, mais au moins elle ou ils auront le sentiment d’être reconnus dans leur malheur de victime.
    Pour ce qui est de vos questions précises:
    Votre fils vous offre son pardon pour les souffrances qu’il a endurées par votre faute. On ne peut en effet pardonner que le mal qu’on a personnellement subi. Il précise simplement qu’il condamne le mal que vous avez fait aux autres. Ce qui témoigne d’une véritable rigueur morale. Il ne s’agit pas pour lui de nier le geste que vous avez commis mais nul ne peut être confondu avec un de ses actes. Il vous restaure dans votre liberté d’être autre que ce que vous avez été. Il vous signifie que l’amour d’un enfant pour son père peut survivre au pire et il vous tend la main pour un avenir meilleur.
    Il en est du rapport pardon/oubli, ce qu’il en est du rapport pardon/condamnation.
    Pas plus qu’on ne peut et ne doit supprimer l’écart entre une personne et ses actes, on ne peut supprimer le mouvement temporel. Le présent et l’avenir ne peuvent pas être réifiés dans un passé qui est éternisé. Le pardon se donne dans un présent cherchant à ouvrir l’avenir sans que cette ouverture signifie oubli de ce qui fut.
    Il y a quelque chose de sublime dans le pardon, d’une part parce qu’il témoigne envers et contre tout d’une confiance en l’humanité de celui qui, une fois, s’est rendu inférieur à ce qu’il peut être, d’autre part parce qu’il déjoue le poids du passé dans une existence.
    Bien à vous.

  9. rose danjou dit :

    Bonjour madame,
    J ai lu avec intérêt votre article sur le pardon.
    C est un sujet important pour moi en ce moment.
    Je voudrais savoir si pour vous le pardon est un lien nouveau avec le bourreau.
    Et également:  » comment savoir que l on a pardonné »?
    Avec mes remerciements.
    Rose Danjou

  10. Simone MANON dit :

    Bonjour Madame
    Le pardon transforme nécessairement la relation d’une victime avec la personne lui ayant fait du mal puisqu’il consiste dans le don de la rémission de la faute.
    Tant que j’éprouve du ressentiment, de la haine, tant que j’en veux au coupable, j’expérimente que je n’ai pas pardonné. Il me semble que le pardon est conjointement libération de la faute pour le bourreau, libération du ressentiment et de l’appétit de vengeance pour la victime. Cette expérience salvatrice est sans doute le signe le plus éloquent de la réalité du pardon.
    Bien à vous.

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