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Le Labyrinthe - souffle des temps.. Tamisier..

Le Labyrinthe - souffle des temps.. Tamisier..

Souffle et épée des temps ; archange ; prophéte : samouraï en empereur : récit en genre et en nombre de soldats divin face à face avec leur histoire gagnant des points de vie ou visite dans des lieux saint par et avec l'art ... soit l'emblème nouvau de jésuraléme.

Est-ce dans la solitude qu'on prend conscience de soi ?


Sujet de dissertation philosophique proposé aux élèves de section S en DST le 21 octobre 2006

Vingt-deux copies sur trente ont choisi de traiter cette question technique, et peut-être à tort car ce sujet exigeait des connaissances précises, un raisonnement rigoureux et un plan impeccable, La meilleure note a atteint 12, la plus mauvaise 3. La moyenne s'établi à 6,78/20, situation un peu décevante par rapport à la normale pour un premier devoir sur table.


1. Détermination du problème

1.1. Définitions

La « conscience de soi » fait partie des concepts propres à la philosophie. On était donc en droit d’attendre des candidats qu’ils la définissent correctement – par exemple : « acte cognitif par lequel un sujet se saisit lui-même. » Il s’agit à proprement parler d’une « aperception », terme introduit dans le cours en classe, mais que seul Thibaut sut rappeler (ce qui lui a valu un autocollant).

Hélas, cette première notion occasionne des inexactitudes qui ensuite vicient les développements. Ainsi treize copies confondent-elles, souvent dès les premières lignes, « conscience de soi » et « connaissance de ses traits de caractère » (ou, pis, « connaissance de son inconscient »). Comme on va le voir, cette confusion était dans un sens légitime, et peut-être même inévitable ; mais elle méritait une présentation très minutieuse et appelait une distinction conceptuelle lumineuse en III, ce que la plupart des copies s’avéra incapable de fournir. Des élèves de S, pourtant, devraient bien saisir la différence entre conscience et connaissance : je puis avoir conscience de l’existence de telle planète extrasolaire sans pourtant rien connaître de sa composition chimique ou de son activité géothermique.

Deux copies identifiaient, quant à elles, la conscience de soi et la preuve de sa propre existence ; si la seconde est bien déduite de la première dans l’analyse cartésienne, ces deux notions ne se confondent pas : pour preuve, la formulation même retenue par Descartes : « Je pense, donc je suis. » Une autre copie distinguait explicitement conscience de soi et preuve de notre existence, mais confondait ensuite conscience de soi et sentiment de vivre. Là encore, comme on le verra ci-après, cette confusion était dans un sens légitime, à condition d’une présentation minutieuse et d’un III éclairant. Une autre copie assimilait la conscience de soi à l’analyse correcte de mes actes ; encore aurait-il fallu montrer que mes actes = moi, égalité très difficile à justifier : il semble évident par exemple qu’un radiateur (avec sa fonte, ses tuyauteries, sa peinture etc.) n’est pas exactement la même chose que la chaleur qu’il produit. Il convenait en tous cas de différencier la « conscience de soi » de la conscience « directe » ou « psychologique » : les développements sur la distinction entre phénomène et noumène, ou (dans la terminologie russellienne) entre sense-data et objet physique, n’étaient pas bienvenus ici.

Toutes ces confusions menaient, à un moment ou l’autre, au hors sujet ; l’absence de définition de la « solitude » n’était guère heureuse non plus. Certes, il ne s’agit pas à proprement parler d’un terme philosophique ; mais le cours l’avait pourtant évoquée à propos du solipsisme, doctrine consistant à estimer que seule notre pensée individuelle existe, donc que nous sommes radicalement seuls. Huit copies définissaient la solitude ; mais parmi celles-ci, trois ne proposaient que des pléonasmes, du type : « La solitude correspond à l’état d’être seul ». Voilà qui nous avance beaucoup ! Point n’était besoin, pourtant, de se creuser la tête pour l’associer à l’isolement physique ou psychologique.


1.2. Forme de la question

Le verbe « prendre » méritait quelques secondes d’attention. Verbe d’action, il semble désigner un moment ponctuel – de la même manière que « prendre » un bus s’opère instantanément ; mais dans le tour « prendre conscience », le verbe peut adopter un sens plus progressif. On peut ne « prendre conscience » d’un problème qu’au fur et à mesure, par une série de relations et de rapprochements opérés au fil du temps entre différents faits, lesquels peuvent, par ailleurs, être connus depuis longtemps. Tel est exactement le cas d’un prince qui « prend conscience » de la conspiration ourdie contre lui. Saisie instantanée de la conscience par elle-même, lorsqu’elle s’aperçoit soudain de sa propre puissance, ou découverte progressive et lente du « moi » par moi-même ? Une ambiguïté surgit.


1.3. Relations entre les termes

C’est la figure type du sage qu’on questionne ! Selon l’image d’Epinal, l’individu désireux de « reprendre » sa vie en main devrait quitter le tourbillon des affaires et le tumulte de la foule pour se réfugier dans une retraite solitaire où il pourra, enfin, « faire le point » et tirer les leçons de son propre parcours. La question « Est-ce dans la solitude qu’on prend conscience de soi ? » interroge ce cliché. La solitude ne serait-elle pas, tout au contraire, un obstacle à la prise de conscience de soi ? Il convient de souligner que c’est bien en ces termes que pourra s’écrire une antithèse ; les vertus de la relation à autrui dans la prise de conscience de soi ne pouvaient, par elles-mêmes, pas fournir un II suffisant : tout au plus pouvaient-elles s’y inscrire comme un argument ponctuel. Les neuf copies qui montraient, en II, qu’autrui permet la prise de conscience de soi, manquaient leur coup.

 

2. Réponse spontanée et réponse paradoxale justifiées

Réponse spontanée : oui, c’est dans la solitude que l’on prend conscience de soi : la découverte du cogito cartésien s’analyse comme le modèle même de cette prise de conscience. Ajoutons que cette même remarque permettait d’exposer dès l’introduction des enjeux capitaux, puisque la prise de conscience de soi dans le cogito se présente, dans toute la pensée moderne, comme le point de départ, le modèle et la condition même de tout savoir positif.

Réponse paradoxale : non, ce n’est pas dans la solitude que l’on prend conscience de soi car, lieu de l’émotivité brute, la solitude, loin d’être propice à la prise de conscience, au contraire l’empêche.



3. Argumentation de la thèse et de l'antithèse

3.1. Thèse : pas de prise de conscience de soi sans solitude

Descartes, dans le Discours de la méthode, se présente ici comme un modèle indépassable. Il atteint en effet un degré de solitude tout à fait singulier : cherchant la vérité, il s’isole du monde et, dans le secret de son célèbre « poële où [il avait] tout le loisir de [s’]entretenir de [ses] pensées » (2ème partie), loin des opinions des autres et du jeu social qui contraint à la fausseté (comme le remarquait Raphaëlle, d’où un autocollant), il « feint » de penser que toutes les choses qui « [lui] étaient jamais entrées dans l’esprit étaient non plus vraies que les illusions de [ses] songes » (4ème partie). Non seulement il se tient à l’écart des autres et du monde, mais encore il en biffe le souvenir, éradique toutes ses expériences, dévalue toutes ses perceptions, rature tous ses raisonnements, congédie sa mémoire. Le doute hyperbolique ajoute à l’isolement physique une solitude mentale si catégorique qu’elle confine à l’aliénation.

Descartes ménage autour de lui le « no man’s land » du doute, dont il accroît hyperboliquement le champ, rejetant tous les objets du monde à une distance infinie, sur l’horizon brumeux de l’incertain ; mais au moment même où il semble divaguer, à une altitude métaphysique inouïe, au-delà de toute emprise sur le réel, il reprend brutalement pied : lui qui révoque ainsi le monde entier en doute, il exerce volontairement une puissance cognitive ; or cette puissance existe nécessairement puisqu’elle produit des effets sensibles.  « Aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose ». Relevons l’emploi des temps et des adverbes temporels : c’est bien par cette solitude catégorique, et aussitôt après elle, que le doute hyperbolique, jusque-là volonté radicale d’écarter le faux motivée par la pensée résolue à atteindre le vrai, tout soudain cesse de se présenter comme une puissance déployée contre le monde extérieur pour devenir la toile de fond, le décor, le lieu où la révélation intérieure du cogito survient.

L’on comprend alors que la solitude catégorique du doute hyperbolique n’est pas encore la solitude absolue : car, au moment de la ressaisie de la conscience par elle-même, à l’instant du cogito, le « je » occupe instantanément tout le champ de la conscience ; il en évacue tout le reste ; et c’est à cet instant précis que Descartes atteint la solitude absolue – puisqu’il n’a plus conscience de rien d’autre.

Non seulement la solitude catégorique du doute hyperbolique prépare la prise de conscience de soi par le cogito, mais encore la révélation du cogito accomplit du même coup la solitude absolue. L’une s’avère indissociable de l’autre : il s’agit, d’ailleurs, des deux faces d’une même médaille – car si je veux prendre conscience de moi-même, alors il faut que je me purifie des influences extérieures qui me perturbent ; et inversement, évacuer de mon esprit ces influences extérieures pour m’en purifier, revient exactement à m’isoler des autres.



3.2. Antithèse : la solitude interdit la conscience lucide de soi

L’explication cartésienne vaut peut-être dans certaines circonstances très particulières ; mais d’une manière générale, et contrairement aux idées reçues, la solitude n’est guère propice à l’introspection. Au contraire ! Épouvante archaïque, terreur primordiale, la sensation de solitude interdit presque toujours la réflexion posée. Règne de l’imaginaire et de l’émotion, situation désagréable, voire douloureuse, qui peut parfois pousser au suicide (comme le notait Camille, hop, un autocollant), la solitude s’analyse comme l’antithèse du calme et de la sérénité (huit copies pourtant manquèrent de s’aviser de ce point et affirmèrent béatement les seules vertus de la solitude).

Sans entrer dans les catégories extrêmes du fantasme ou de la démence, la solitude présente un grave inconvénient : du fait même que nous sommes subjectifs, il nous est impossible d’avoir un regard objectif sur les choses – c’est même l’une des raisons pour lesquelles Descartes recourt au doute hyperbolique ; à plus forte raison sur cette chose très particulière qu’est nous-mêmes car non seulement nous avons sur nous-mêmes un regard subjectif au sens métaphysique du terme, mais en plus ce regard se trouble d’un amour-propre ou d’une mauvaise foi qui faussent profondément le jugement à notre propre égard. On pouvait citer ici Kant ou Rousseau (voir par exemple ce corrigé), mais aussi Aristote, dont le texte à étudier dans le DM n°2 soulignait cette idée. On pouvait également, et je salue les cinq copies qui l’ont fait, rappeler Husserl et la conscience conçue comme intentionnalité.

À l’isolement de Descartes dans son poële, on pourrait opposer cette autre expérience : autrui parvient parfois à me révéler à moi-même une facette de ma personnalité à laquelle je n’avais, jusqu’alors, jamais pris garde. Sartre expose ce type de situation dans sa célèbre « expérience du regard d’autrui », dont il conclut : « Je suis partiellement tel qu’autrui me voit. » Aussi, dans cette perspective, la présence d’autrui permet-elle, pourvu que nos échanges ne soient pas superficiels ou standardisés selon les normes de la société de consommation (flétrie par Thomas, hop ! un autocollant), une prise de conscience de certains aspects de moi, encore obscurs.

Il était du reste également possible de remarquer que la présence d’autrui m’ouvre l’univers des relations interpersonnelles et la formidable richesse des échanges qu’elles proposent. En particulier, je puis prendre conscience de ma nature profonde « d’animal politique », « d’animal parlant », comme nous définit Aristote (Thibaut, qui l’a remarqué, a obtenu un autocollant). Tout seul, je suis bien moins que la moitié de mon potentiel, car la complexité du jeu social me permet de jouer une foule de rôles que je n’aurais peut-être jamais imaginé si j’étais resté à l’écart.

(Une excellente dissertation aurait avec profit rappelé en II l’analyse de Hegel selon laquelle revenir sur soi-même n’est pas une opération naturelle pour la conscience. Celle-ci, pour se saisir elle-même, pour réfléchir, a absolument besoin de ricocher contre un obstacle, et le seul obstacle qui puisse pleinement, réellement, légitimement et intégralement s’opposer à une conscience ne peut, bien entendu, être qu’une autre conscience : ainsi un objet (cette table par exemple) oppose peut-être un obstacle à mon corps mais pas, à proprement parler, à ma conscience, qui s’en saisit et la conceptualise en un clin d’œil ; seul autrui peut vraiment s’opposer à mes vues, en réclamant pour lui-même la même puissance que j’exerce moi-même par ma conscience. Aussi l’affrontement entre consciences se présente-t-il comme la condition sine qua non de tout retour d’une conscience sur elle-même, de toute réflexion, donc de la métamorphose d’une « conscience » en « conscience de soi ». Pourtant, je n’ai pas tenu compte de cette référence dans la correction, car au moment où ce devoir a été proposé, le cours sur Hegel n’avait pas encore eu lieu.)



4. La synthèse

Le sujet autorisait de très nombreuses synthèses ; mais à titre préalable, un III du type : « il faut alterner la solitude et la compagnie », sans autre explication, comme le proposaient trois copies, me paraît inopérant, pour la raison suivante : la prise de conscience de soi du cogito présente cette particularité d’être un événement ponctuel, unique et définitif. Une fois prise la conscience de sa propre existence dans l’affirmation catégorique « Je pense, donc je suis », point n’est besoin d’y revenir ultérieurement. Dès lors, à quoi bon retourner vers les autres, pour repartir plus tard dans la solitude où nous ressasserons un même cogito sans rien lui apporter ? 

1) La synthèse la plus scolaire consistait à distinguer conceptuellement la « conscience de sa propre existence », ou « conscience réfléchie » en I, de la « connaissance de sa personnalité » en II. Habituellement, la conscience d’un objet se distingue clairement de la connaissance de cet objet. Toutefois, dans le cas particulier de la conscience de soi, il était nécessaire d’observer des nuances assez fines. Lorsque autrui me révèle une partie de mon caractère, donc améliore ma connaissance de moi-même, il faut en même temps reconnaître que, dans cette « révélation », opère une… prise de conscience de ce trait de caractère ; or, ce trait de caractère fait bien partie de moi. Il est peut-être même capital pour moi de le connaître pour avoir une conscience précise de ma propre valeur. Aussi un tel III requerrait-il des explications serrées, en montrant que l’on peut réduire la « conscience de soi » à la pure aperception de sa propre existence, mais que l’humain tend à « plus » que cela, et que dans un certain sens la conscience de soi empiète sur la connaissance de sa personnalité – autrement dit, que cette distinction conceptuelle n’est pas entièrement satisfaisante. Ajoutons que cette insuffisance interne à cette distinction conceptuelle, est imputable aux paradoxes de la conscience (subjective) se prenant elle-même comme objet. Il était alors possible de décliner cette synthèse selon plusieurs cas :
- distinguer conscience de son existence et conscience de son essence ;
- distinguer conscience de soi et connaissance de soi ;
- distinguer connaissance de son existence et connaissance de ses traits de caractère ;

2) Plus tranchante, sans doute, une autre distinction conceptuelle était également possible. On pouvait en effet noter que pour désirer s’isoler pour faire le point sur soi, il est évidemment nécessaire de disposer d’abord d’un concept de « moi », donc d’une conscience de soi, même frustre. Dès lors, avant la saisie de la conscience par elle-même dans une aperception intelligible et soudaine, nous devons postuler que nous possédons une sorte « d’intuition » de moi, quasi-consciente, voire déjà consciente de manière floue. Avant le cogito, ce brusque coup de projecteur sur moi-même, tous « mes » actes baignaient déjà, de manière beaucoup plus tamisée, dans un « sentiment d’existence » diffus. Marie suggérait fortement cette piste de recherche par cette phrase où tous les verbes comptent : « Lorsque l’Homme est seul, il se ressent seul, donc il prend conscience de son existence puisqu’il se sent être seul. » Belle formule qui lui valut un autocollant.

Une variante de cette synthèse aurait brillé d’un éclat particulier car il était possible d’axer toute la copie autour des parties I à IV du Discours de la méthode : on remaniait le II en montrant que si Descartes veut s’isoler dans son poële, c’est bien déçu par ses maîtres et leur enseignement invalide, déçu par le commerce hypocrite des autres, déçu par le monde, par ses péremptoires emportements, par ses vaines passions, par ses opinions approximatives. La solitude, même cartésienne, se recherche bien contre les autres, lesquels restent donc à l’horizon, en arrière-fond, en coulisse par rapport au cogito – invisibles, mais pourtant présents : « alors que je voulais ainsi penser que tout était faux », écrit Descartes, et il inscrit bel et bien le mot « tout » sur la page. En III, il était alors envisageable de montrer que le cogito parvient non seulement à prouver à Descartes sa propre existence, à un degré encore jamais atteint en philosophie, mais aussi à réunir sous ce même « je », désormais révélé en pleine lumière, la série d’événements qui a conduit Descartes à la solitude de son poële. La conscience de soi révélée dans la solitude restitue une cohérence complète du vécu, puisque c’était bien ce même « je» qui était à l’œuvre « sous » toutes mes expériences : si bien que la sensation d’exister (« brouillon » du cogito, si l’on veut) se trouve à la fois illuminée, justifiée et résumée, par la sentence intelligible du cogito à la densité presque infinie.

3) Autre possibilité encore : approfondir le sens de l’expression « prendre conscience », qui peut aussi bien désigner l’aperception instantanée et l’apprentissage dans la durée (cf. sur ce point la « forme de la question », supra).

4) Une approche très différente, et bien moins scolaire, aurait permis de s’interroger sur l’idée que l’on se fait de « soi ». « Prendre conscience de soi » peut en effet s’opérer de manière instantanée dans le cogito si l’on conçoit le « moi » comme une chose ponctuelle, comme un pur point de vue sur le monde, ainsi que semble le penser Descartes ; mais ce même « moi » peut aussi s’envisager comme une chose possédant une épaisseur, une opacité, y compris à moi-même (telle est effectivement la teneur du II, qui flirte ici avec Freud et la possibilité qu’une partie de « nos » phénomènes psychiques échappent à « notre » conscience). « Moi » sans dimension ou « moi » des profondeurs ? Ne s’agit-il pas là de deux sentiments, inconciliables, de moi-même ? Comment ces deux sentiments peuvent-ils se succéder en ce même « moi » qu’ils prétendent refléter ? Ne serait-il pas temps de les réconcilier, si c’est possible, dans un nouveau cogito dont celui de Descartes ne serait qu’une première ébauche ?

5) Enfin, et je regrette beaucoup que Charles ne soit pas allé au bout de cette idée (qui lui valut un autocollant), il était possible de remarquer qu’au plus profond de la solitude, nous ne penserions en fait à rien, et nous atteindrions une complète aliénation mentale ; mais ce que nous voulons désigner, lorsque nous parlons de « solitude », c’est en fait ce moment où nous procédons à une introspection, à un examen de conscience, ou – dans une perspective croyante – à une prière. À qui, alors, nous adressons-nous ? À nous-mêmes ? à un ami imaginaire ? à Dieu ? toujours est-il que nous semblons convoquer, au plus profond de l’isolement, un « autrui » qui n’est pas tout à fait différent de nous. « Je est un autre » écrit Rimbaud ; de même que Descartes se dédouble : « alors que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, etc. » La « solitude » ultime nous verrait sombrer dans l’aphasie, voire l’autisme ; la « solitude », dans l’usage commun de ce terme, n’est pas tout à fait une solitude intégrale, puisque je suis « seul avec moi-même » ; mais il ne s’agit pas non plus d’une compagnie au sens strict, puisque c’est avec « moi-même » que
« je me » retrouve. Il existe donc, entre la compagnie des autres et la psychose profonde, un état intermédiaire paradoxal, mi-isolement mi-ouverture, et authentique synthèse de solitude et d’accompagnement.


Deux remarques pour finir.

Primo, j’ai argumenté la première partie en faisant remarquer que le cogito trouve sa cause directe dans le constat, par la pensée, de sa propre efficacité sur le monde tout entier. Une autre approche était possible, et je remercie Marc (autocollant !) pour cet usage très original de Freud : au stade anal, l’enfant découvre sa puissance sur le monde et commence ainsi à structurer le concept de « je ». L’analyse d’un « je » conçu à partir d’un constat d’efficacité pose, notons-le, des problèmes ardus, mais ce n’est pas ici le lieu de les élaborer.

Secundo, il n’existe jamais, stricto sensu, de « référence obligatoire » en philosophie ; il était possible de recourir à l’introspection et à l’examen de conscience « classiques », ainsi celui mené par saint Augustin dans les Confessions. Pourtant, le corrigé le montre, Descartes se présentait ici comme une ressource de premier choix, presque la garantie d’une copie réussie – alors que son absence risquait fort de conduire à des développements superficiels, peu originaux, voire hors sujet. Un cours extensif avait été fourni sur le cogito ; et cependant, douze copies seulement mentionnaient Descartes (à peine plus de la moitié des candidats) : ces carences expliquent en partie certaines mauvaises notes. Je tiens à ajouter que Descartes fait partie des « incontournables », des « poids lourds » de la philosophie ; à plus forte raison, pour des élèves français (cocorico !) ; à plus forte raison en section scientifique, puisqu’il passe pour le père de la méthode scientifique moderne, et qu’il inventa le repère orthonormé que vous utilisez chaque jour en cours de maths, amis de S. Mieux vaut ne pas trop le dédaigner, ni le dauber…

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clovis simard 12/05/2012 13:17


Blog(fermaton.over-blog.com), No-7, THÉOREME MIROIR !. -Conscience et Virtuel.

clovis simard 11/02/2012 21:55


L'esprit a une histoire, mais il n'y a pas d'histoire de l'esprit.


(fermaton.over-blog.com)Les mathématiques.

clovis simard 12/09/2011 13:17



L'esprit a une histoire, mais il n'y a pas d'histoire de l'esprit.


(fermaton.over-blog.com)Les mathématiques de la conscience.