Overblog Suivre ce blog
Editer l'article Administration Créer mon blog
Le Labyrinthe - souffle des temps.. Tamisier..

Le Labyrinthe - souffle des temps.. Tamisier..

Souffle et épée des temps ; archange ; prophéte : samouraï en empereur : récit en genre et en nombre de soldats divin face à face avec leur histoire gagnant des points de vie ou visite dans des lieux saint par et avec l'art ... soit l'emblème nouvau de jésuraléme.

La dignité humaine dépend-elle d'un travail ?


Sujet de dissertation philosophique proposé aux élèves de section S en devoir maison le 24 novembre 2006.


1. Détermination du problème

1.1. Définitions

La « dignité humaine » se distingue de la « dignité » en cela que la seconde désigne une fonction, un titre, un rang, qui distingue particulièrement une personne et lui accorde une autorité ; la première, depuis Kant (voir ce cours) désigne cette qualité particulière attachée à toute personne humaine (sans distinction de rang ou de fonction) dans la mesure où elle est considérée en tant que fin, et non en tant que moyen.

Il fallait se méfier. Une copie a entamé sur cette phrase : « Tout Homme est doté de dignité humaine ». Dans ce cas, merci, fin de la copie : la dignité humaine ne dépend pas du travail. Il fallait forcément distinguer entre l’humanité d’une personne, et sa dignité humaine, c’est-à-dire le fait que non seulement elle est humaine, mais encore qu’elle est reconnue comme telle par les autres. La « dignité humaine » qualifie certaines relations interpersonnelles ; elle ne peut s’entendre comme prédicat d’une personne (on ne dit pas « Untel est digne » comme on dit qu’il est « brun » ou « adolescent »).

Le travail s’entend comme activité de détournement des processus naturels au profit de l’humain. Il s’oppose à la fois à l’oisiveté et au loisir. La prudence commandait aussi de distinguer travail et pratique, travail et métier, travail et emploi.


1.2. Forme de la question

Pas de remarque particulière à noter ici. Il s’agit simplement de déterminer si le travail compte au nombre des conditions de réalisation de la dignité humaine. La confère-t-il ?


1.3. Relations entre les termes

Le travail se situe dans le champ de la productivité, de l’efficacité, du rendement ; la dignité se situe dans le champ de la morale, de la reconnaissance entre humains, de l’entente et du respect. Il s’agit de savoir comment s’articulent ces deux pans de la philosophie pratique. Pour reconnaître un humain comme tel, faut-il le voir à l’ouvrage ? Ou bien l’humanité des humains (leur « être » le plus intime) transcende-t-elle leurs pratiques (leur « faire ») ?



2. Réponse spontanée et réponse paradoxale justifiées

Si l’on considère que les animaux ne travaillent pas (voir la comparaison entre l’abeille et l’architecte par Marx, dans ce cours), et si l’on affirme par conséquent que le travail constitue le propre de l’Homme, on peut soutenir que le travail, manifestant l’humanité du travailleur, lui confère sa pleine dignité humaine.

Au contraire, dans la mesure où le travail vise l’utile, il est clair qu’il compte au nombre des moyens de l’humain pour arriver à ses fins. Identifié à son travail, l’individu tend à s’instrumentaliser, donc à déchoir de son statut de « fin » pour se réduire à un simple « moyen ».



3. Argumentation de la thèse et de l'antithèse

3.1. Thèse : la dignité humaine dépend d’un travail

Une certaine pensée dite « néolibérale » (mais au fond simplement utilitariste) tend à soutenir l’idée que la valeur d’un individu dépend de son rendement. Il ne s’agit pas seulement ici de fixer sa valeur salariale (au sens où un chef d’entreprise, assumant des responsabilités et des risques plus lourds que l’ouvrier, mérite de gagner plus), mais aussi la valeur morale. L’inventeur de la cafetière électrique a simplifié la vie d’un très grand nombre de personnes : par son utilité, il a « bien mérité de la société », et il mérite par conséquent d’être cité en exemple, présenté comme modèle, et célébré par ses concitoyens.

Parce qu’ils n’occasionnent aucun progrès, aucune avancée, aucune découverte pour la société entière, les oisifs et les paresseux (évitez le mot relâché « fainéant », SVP) possèdent, aux yeux de l’histoire, une valeur infiniment moindre. Même si Hegel ne l’exprime pas en termes de « valeur » comme nous venons de le faire, il explique tout de même, dans la dialectique du maître et de l’esclave (voir ce cours), que l’histoire appartient à l’esclave travailleur, alors que le maître guerrier reste prisonnier de ses instincts brutaux, comme bloqué dans un passé révolu.

Toujours conformément aux pensées hégélienne et marxiste, le travail, de surcroît, élève le travailleur qui, affrontant la réalité matérielle, découvre par là même les lois de la nature ainsi que ses propres forces et ses propres faiblesses. Par le travail, l’individu déploie pleinement des facultés qui seraient restées latentes dans l’oisiveté. Il développe ainsi sa dimension humaine complète, par laquelle il se distingue de l’animal (on pouvait aussi faire allusion à la doctrine judéo-chrétienne de l’humain condamné à travailler). Dans cette analyse, la dignité humaine non seulement se manifeste, mais surtout se constitue, s’élabore, se concrétise par le travail.

Cette notion de place dans la société, dans l’histoire et dans l’humanité qu’on gagnerait à la sueur de son front, méritait quand même beaucoup de concision et de diplomatie. Employé dans rigueur, cet argument pouvait donner lieu, a contrario, à des lectures véritablement atroces, où l’on finit par conclure, ainsi que l’a fait une copie : « [Le chômeur] n’ayant plus de place au sein de la société, […] devient une sorte de parasite, un poids et un fardeau pour le reste de la société. »

Je tiens à préciser au passage que cet « argument », quand on le trouve dans les copies (ou les discours politiques) vise toujours les « chômeurs » ou les « rmistes » ; jamais les mutilés de guerre, les invalides, les retraités ni les enfants, qui pourtant ne travaillent pas ou plus, et qui constituent eux aussi, dans cette optique obscène, stupide et génocidaire, autant de « poids morts ».

Clarisse a eu la sagesse de prévenir explicitement de tels excès : bonus !


3.2. Antithèse : travail et dignité ? Aucun rapport !

Nombre de copies ont fourni des II assez maladroits, parce que beaucoup trop radicaux. Pour rappel, le sujet demandait si le travail compte parmi les conditions de la dignité humaine. Dire qu’il n’en fait pas partie n’implique pas de conclure que le travail empêche ou détruit la dignité humaine (ce qui est évidemment faux). Par ailleurs, montrer que le travail ne détermine pas la dignité humaine ne vous appelait pas à déterminer de quoi au juste la dignité dépend (elle ne dépend peut-être de rien du tout).

Pour mieux vous rendre compte de ces deux dérapages, prenons une question beaucoup plus simple : « Faut-il du persil pour cuisiner une omelette ? » Que penseriez-vous d’une réponse qui vous expliquerait que le persil empêche totalement de cuire une omelette ? Ou qui oublierait totalement le persil pour vous énumérer tous les ingrédients indispensables à l’omelette ? Le hors sujet ne crève-t-il pas les yeux ?

Il s’agissait « simplement » de dire, ici, que la dignité ne dépend pas d’un travail ; autrement dit, que certaines personnes dépourvues de travail accèdent néanmoins à la dignité humaine. (Ici, surtout, des distinctions pointues entre travail, métier et emploi s’avéraient indispensables.)

On pouvait souligner ici l’anomalie complète que constitue la pensée, disons, moderne, par rapport à une civilisation occidentale vieille de plusieurs millénaires, et qui a pendant au moins mille cinq cents ans considéré le travail comme indigne. Associé à la servitude au sens médiévale, à l’esclavage au sens antique, le travail (y compris le commerce, neg-otium) est conçu comme opposé à l’otium, cette bienheureuse « oisiveté », en fait « temps libre » au sens élevé du terme, en cela qu’il libère l’esprit des soucis matériels pour lui permettre de se  consacrer à l’activité politique, à la spéculation philosophique, ou à la contemplation religieuse (voir aussi, à ce sujet, les analyses de Kirkegaard).

Il était également possible, comme l’a fait Marie, de nier au travail cette puissance de manifestation de l’humanité, en rappelant par exemple que, dans la pensée judéo-chrétienne, ce n’est pas tant le travail qui se présente comme « le propre de l’Homme », mais bien la pénibilité du travail (bonus !). Dans la même optique, on pouvait rappeler que ce qui manifeste l’humanité d’un humain, c’est « le discours » (chez Aristote) ou « le rire » (chez Rabelais), alors que la matérialité du travail nous rapproche au contraire de l’animal.

Il était également souhaitable d’indiquer que même à notre époque, le travail n’est pas si bien vu que ça. Raphaëlle rappelait (bonus !) que l’on tend à travailler moins pour s’investir dans des projets humanitaires, ou des œuvres de création.

Charles, quant à lui, signalait qu’associer la dignité humaine au travail finissait par conclure que, dans ce cas, l’humain devait son humanité à une sorte de bataille permanente (je regrette beaucoup que cette idée n’ait pas été développée jusqu’à son terme).

La meilleure remarque qu’il m’ait été donné de lire en antithèse consistait tout simplement à remarquer que la législation sociale en générale cherchait à faire en sorte que les conditions de travail respectent la dignité humaine : preuve s’il en fallait que celle-ci ne dépend pas de celui-là (Cécile a eu droit à un bonus).



4. La synthèse

Plusieurs III pouvaient être envisagés.

1) De tous, le moins efficace, parce qu’il amène à une conclusion relativiste mollassonne, consistait à montrer que certains travaux promeuvent la dignité, mais pas tous. Beaucoup de copies ont versé dans ce travers, avec des exemples parfois pertinents, mais souvent très convenus. D’accord, d’accord, le taylorisme (mentionné onze fois dans les copies !) a réalisé une forme infernale d’organisation du travail, et je suis très sensible au fait que vous vous montriez indignés par le sort atroce que subissent les prostituées. J’aurais pourtant souhaité, s’il fallait à toute force finir sur ce genre de III, que vous fassiez preuve d’un peu plus d’originalité. Quid par exemple des agents d’entretien qui accomplissent au quotidien un travail des plus ingrats et que si peu de personnes saluent ? Quid de tel employé de bureau harcelé par son chef de service jusqu’à sombrer dans la dépression ou même le suicide ? Quid de tel employé senior débarqué du jour au lendemain comme un malpropre ? Quid de tel jeune acceptant un job alimentaire minable qui ne correspond ni à ses qualifications, ni à ses ambitions ? Les travailleurs consciencieux et motivés, qui pourtant essuient au quotidien des humiliations, du mépris, des incivilités, de l’irrespect, sont légion. Inutile d’aller chercher dans le crime ou dans une forme d’emploi ouvrier disparue depuis bientôt cinquante ans. De grâce, sortez des sentiers battus (voyez aussi ici) !

2) Plus astucieux, le III pouvait distinguer entre dignité humaine (donnée par nature) et respect (gagné pour service rendu). On pouvait aussi formuler ce même III dans une tonalité inverse, qui consistait à déplorer que la dignité humaine, innée, se manifeste le plus souvent au travers d’un emploi, même si certains cas exceptionnels de « travaux » au sens large (œuvre artistique, découverte scientifique…) pouvaient aussi la faire pleinement apparaître. Ce même type de III pouvait distinguer magistralement entre « dignité humaine » (due à tous les individus) et « dignité » au sens de cette autorité (parfois presque un trait de caractère, comme l’a souligné Thibaut, bonus !) qui résulte souvent d’un travail ou d’une fonction.

3) Pierre (bonus !) a quant à lui retenu une piste de recherche très originale. Montrant que le manque de dignité envers une personne la conduit à une forme d’aliénation dans laquelle elle juge sa propre vie absurde, il a pu alors montrer que, sitôt qu’un humain donne un sens à sa vie (par le travail ou de n’importe quelle autre manière), alors il acquiert une dignité pleine et entière. A l’appui de cette thèse, on pouvait citer certains personnages célèbres comme Gandhi, par exemple. Le prolongement existentialiste de cette analyse était presque donné (« L’existence précède l’essence », comme l’écrit Sartre).


Pour finir, je voudrais, avec son autorisation, rapporter ici intégralement l’introduction présentée par Marie : je la crois en effet exemplaire, même si elle n’est pas impeccable.

« Le travail, qui désigne toute activité socialement rentable, permet à l’Homme de transformer la nature en vue de la satisfaction de ses besoins;  il est lié à la nécessité.
Tout travail semble ainsi apporter à l’Homme des valeurs qui sont l’essence même de son humanité. La dignité humaine paraît alors en dépendre, c’est-à-dire être liée, être une conséquence, d’un travail. Cependant, le travail ne peut-il pas aliéner l’Homme, le rabaisser ? La dignité est-elle seulement liée au travail ? »

Partager cet article

Repost 0

Commenter cet article

clovis simard 12/09/2013 17:59


DE L'OISIVETÉ À L'EXCÈS DE
TRAVAIL.fermaton.over-blog.com

clovis simard 21/01/2011 22:14



Bonjour,


Vous êtes cordialement invité à visiter mon blog.
      
Description : Mon Blog(fermaton.over-blog.com), présente le développement mathématique de la conscience humaine.


La Page No-25, SOLJÉNITSYNE; UN HOMME VÉRITABLE !


Cordialement


Clovis Simard