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Le Labyrinthe - souffle des temps.. Tamisier..

Le Labyrinthe - souffle des temps.. Tamisier..

Souffle et épée des temps ; archange ; prophéte : samouraï en empereur : récit en genre et en nombre de soldats divin face à face avec leur histoire gagnant des points de vie ou visite dans des lieux saint par et avec l'art ... soit l'emblème nouvau de jésuraléme.

Faut-il s'abstenir de penser pour être heureux ? Antique


2. Réponse spontanée et réponse paradoxale justifiées

Le corps ne pense pas : il ressent le plaisir et éprouve la douleur. Dès lors, la pensée ne peut rien avoir avec le bonheur, essentiellement corporel.

Pourtant, le bonheur touche à l’éternité. Pour le distinguer du plaisir, il doit durer. Dès lors, la pensée, seul moyen pour nous d’accéder à l’intemporel, constitue la voie royale pour atteindre le bonheur.



3. Argumentation de la thèse et de l'antithèse

3.1. Thèse : le bonheur comme excellence du corps

Défini comme « plaisir durable », le bonheur se présente d’abord comme un plaisir, c’est-à-dire comme une action agréable par elle-même ; or le plaisir relève des sensations, donc forcément du corps (pour les Grecs, la pensée ne « sent » rien). Quel est ce plaisir ? Il s’agit de la jouissance ressentie lorsqu’un besoin est satisfait. (Au passage, qu’il me soit permis de dire ma consternation qu’aucune copie ne mentionne la jouissance – y compris dans son acception « extrasexuelle ». Vous avez dix-huit ans, sacrebleu ! A lire vos copies, on a souvent l’impression d’entendre radoter un petit vieux rabougri.)

Les premiers cyrénaïques (notamment Aristippe de Cyrène, que j’ai eu le plaisir de croiser dans deux copies, bonus !) prônaient l’absence complète de pensée pour se livrer entièrement, de tout cœur, de tout corps, aux plaisirs matériels. Bonheur enfantin insouciant (comme l’ont noté deux copies, bonus !) ? Bonheur de bête ? Oui, mais bonheur authentique, intense, vécu dans son intégralité dans une complète adhésion au réel, une acceptation totale du cosmos, qui surmonte le « drame de la conscience », cette première misère qui vient dès le début de la pensée (voir ce cours). Imbéciles heureux ? Non : imbéciles donc heureux.

Malheureusement, à se dégrader jusqu’au niveau du chien ou du porc, on s’aperçoit d’un point assez gênant : à supposer même qu’elles soient heureuses, ces braves bêtes n’en ont pas la moindre idée, et pour cause ! Elles ne pensent pas. Voilà qui est tout de même rageant : au sommet de la félicité, nous voilà incapables de nous rendre compte ! (Pour info, pris dans ce paradoxe indémêlable, les derniers cyrénaïques ont préféré, pour la plupart, se suicider, jusqu’à ce que Ptolémée intervînt pour fermer l’école.)

Quitte, alors, à penser, on peut essayer de la réduire à un niveau accessoire ou instrumental. Quand Epicure écrit : « Le plaisir est pour nous le début et la fin de la vie heureuse », il a, dans un sens, tout dit : pour l’épicurien, le travail mental peut se résumer au « calcul » des plaisirs (voir la Lettre à Ménécée), afin de distinguer quels désirs constituent à proprement parler des besoins naturels et nécessaires, et lesquels, vains ou non-naturels, doivent être suspendus temporairement (ou définitivement), pour conserver la santé – c’est-à-dire ce qui permet à notre corps de ressentir correctement du plaisir.


3.2. Antithèse : le bonheur s’éternise

La pensée, vous lui donnez le doigt, elle prend le bras !

Epicure lui-même l’affirme : avant d’adhérer à la doctrine du calcul des plaisirs, il faut s’être débarrassé des problèmes faux, certes, mais sources d’angoisse, que sont notamment la perspective de la mort et la crainte des dieux. Comment y parvenir ? En adoptant la conception atomiste du monde, c’est-à-dire une théorie physique. Sitôt qu’on entrouvre la porte à la pensée, aussitôt c’est tout l’Univers qui entre avec elle.

Par ailleurs, « calcul des plaisirs » ? interrogerait Socrate. Calcul par rapport à qui ? Par rapport à la personne qui calcule, bien sûr. Du coup, avant de « calculer » quoi que ce soit, la personne en question doit mener une belle introspection. « Gnôthi seauton » : connais-toi toi-même. Inspecte-toi. (Voir aussi, pour comparer, la première partie du corrigé « moderne ».)

Socrate, lors de son procès (voir ce cours), déclare à ses juges : « Moi, je vous rends vraiment heureux » (36d), par opposition aux athlètes vainqueurs et, voudrait-on ajouter, aux plaisirs du corps. Pourquoi ? Parce qu’en les obligeant à examiner avec lui les concepts, il leur améliore l’âme. Une telle amélioration, bien sûr, ne peut s’accomplir qu’au terme d’une pensée, laquelle apparaît donc comme la condition du bonheur.

A sa suite, monumental, monolithique : Platon. Combien je regrette qu’aucune copie ne lui ait donné la dimension qu’il méritait ! Le monde sensible présente pour caractéristique première la temporalité, le changement, le passage. Au contraire, le monde intelligible, éternel, intangible, ne « passe » pas. Si l’on veut un bonheur durable, il est certain que ce n’est pas ici-bas qu’il faut chercher, mais bien là-haut, hors de la caverne, dans la contemplation des Idées éternelles, dans l’Amour du beau. Non contente de se présenter comme la condition du bonheur, la pensée est le seul bonheur possible. Non contente de se poser comme un avantage pour la conduite de la vie, philosopher apparaît comme la seule vie digne d’être vécue.

On pouvait aussi, à l’appui de cette antithèse, mentionner les stoïciens, et notamment Epictète, qui réduit notre seul bonheur possible à une section précise de notre pensée, celle « d’acquiescer » ou de « ne pas acquiescer » à nos propres représentations du monde (voir le Manuel).



4. La synthèse

A l’issue de ces deux premières parties, une question assez étonnante surgit : non pas « qu’est-ce que le bonheur ? » mais « quand est-ce, le bonheur ? »

Pour les uns, c’est ici, maintenant, tout de suite, de tout cœur, carpe diem ! Pour les autres, c’est là-bas, au loin, nulle part, nulle quand, dans ce monde statufié des Idées éternelles.

Peut-on trouver un moyen de réconcilier la chair et l’esprit, le corps et la pensée ? Faut-il penser que le bonheur ne peut s’imaginer que sous le visage d’une guerre permanente entre le corps et la tête (une copie posait cette question : bonus !) ? Le bonheur est-il de ce monde ? Bien des candidats pensent que non, qui ont cité Larigaudie : « Notre soif de bonheur est telle qu’elle ne peut être rassasiée que dans l’au-delà. »

Je regrette beaucoup que ces candidats n’aient pas eu la curiosité d’esprit d’ouvrir l’Ethique à Nicomaque d’Aristote, car ils auraient pu y lire ceci presque dès le début (I, p. de Bekker 1100a l.10-15) : « Irons-nous jusqu’à dire qu’on n’est heureux qu’une fois qu’on est mort ? Ou plutôt n’est-ce pas là une chose complètement absurde […] ? » Et Aristote d’expliquer.

Le bonheur se définit comme une vie excellente, c’est-à-dire pleinement conforme à sa nature (il est clair que le bonheur d’un athlète ne ressemble pas à celui d’un employé de bureau ; il fallait noter ici la différence avec la définition « plaisir durable »). A ce titre, il s’agit d’une manière d’agir, d’une forme d’activité – ce qui exclut donc qu’elle ne se trouve que dans la mort, l’au-delà ou le monde des Idées ; mais cette vie excellente ne peut pas non plus se résumer à un « tout, tout de suite, maintenant, comme une brute » pour la bonne raison que nous sommes, nous autres humains, doués de pensée par nature. Aussi ne pouvons-nous pas supprimer notre pensée pour atteindre le bonheur (pour une opinion proche, on pouvait aussi penser à Pascal, voir le texte proposé dans ce cours ; il était d’ailleurs possible de réaménager toute cette dissertation sur le thème : I/ la bête en nous ; II/ notre part angélique ; III/ l’humain, un composé).

Il faut par conséquent que notre pensée soit en quelque manière incluse dans notre action (une action excellente, s’entend), et unie à elle, pour que nous en tirions un bonheur complet ; et pour Aristote, cela ne se peut que dans deux cas. Premièrement, la poursuite de la sagesse (à la manière de Socrate). Deuxièmement, la poursuite de la vertu, c’est-à-dire de l’action à la fois excellente et délibérée.

Pourquoi seulement ces deux cas ? Parce qu’il s’agit d’actions tout à fait bizarres, par rapport aux autres actions humaines, pour deux raisons frappantes. Primo, elles procurent du plaisir par elles-mêmes, et pas seulement quand elles atteignent leur but. Ensemencer un champ, placer une somme, réparer un objet, bref, tous les travaux, peuvent procurer du plaisir mais seulement lorsqu’ils atteignent leur fin (au moment de la récolte, de la perception des intérêts, ou de la réparation de l’objet). La vertu et la poursuite de la sagesse, parce qu’elles visent toutes deux à notre amélioration personnelle (et non un objet intérieur à nous) s’animent d’une bonne intention qui nous réjouit à elle seule.

Secundo, ces deux actions se présentent, en droit sinon en fait, comme perpétuelles : on n’a jamais fini d’agir vertueusement, on n’a jamais fini de poursuivre la sagesse. On peut toujours « s’y remettre », alors que toutes les autres actions connaissent une fin naturelle : quand un objet est réparé, il est réparé. Seul un fou irait le re-réparer. Aussi quand ces actions sont finies, elles sont belles et bien finies et le plaisir que nous en avons retiré, en atteignant leur fin, ne reviendra plus.

Il était alors possible de conclure, comme le fait Aristote dans l’Ethique à Nicomaque, que l’action vertueuse et la poursuite de la sagesse sont peut-être des idéaux de conduite trop élevés pour nous seuls, pauvres humains. Dans ce cas, c’est seulement en s’y mettant à plusieurs, par l’amitié et par le dialogue, qu’on peut espérer y parvenir.

Une remarque pour finir : d’ordinaire, les sentences du genre « de tous temps les Hommes » doivent être soigneusement écartées, parce qu’elles sont non seulement contestables, mais banales, creuses, laborieuses, bref, nulles. Dans le cas du bonheur, cependant, il est peut-être exact que tous les humains le recherchent tout le temps (c’est ce qu’Aristote soutient, en qualifiant le bonheur de Souverain bien) ; mais alors, il fallait justement montrer, si l’on employait cette locution, qu’il ne s’agit pas du tout d’un cliché (et le cas échéant, citer Aristote lui-même n’aurait pas juré avec le décor).

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