Corrigé du texte de Nietzsche sur l'art
Niveau
: terminale Littéraire
La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise. Il faut et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.
Le texte :
L'art doit avant tout embellir la vie, donc nous rendre nous-mêmes tolérables aux autres et agréables si possible : ayant cette tâche en vue, il modère et nous tient en bride, crée des formes de civilité, lie ceux dont l'éducation n'est pas faite à des lois de convenance, de propreté, de politesse, leur apprend à parler et à se taire au bon moment.
De plus, l'art doit dissimuler ou réinterpréter tout ce qui est laid, ces choses pénibles, épouvantables et dégoûtantesqui malgré tous les efforts, à cause des origines de la nature humaine, viendront toujours de nouveau à la surface : Il doit agir ainsi surtout pour ce qui est des passions, des douleurs de l'âme et des craintes, et faire transparaître, dans la laideur inévitable ou insurmontable, son côté significatif.
Après cette tâche de l'art, dont la grandeur va jusqu'à l'énormité, l'art que l'on appellevéritable, l'art des oeuvres d'art n'est qu'accessoire. L'homme qui sent en lui un excédent de ses forces qui embellissent, cachent, transforment, finira par chercher à s'alléger de cet excédent par l'oeuvre d'art ; dans certaines circonstances, c'est tout un peuple qui agira ainsi.
Mais on a l'habitude, aujourd'hui, de commencer l'art par la fin : on se suspend à sa queue, avec l'idée que l'art des oeuvres d'art est le principal et que c'est en partant de cet art que la vie doit être améliorée et transformée. Fous que nous sommes! Si nous commençons le repas par le dessert, goûtant à un plat sucré après l'autre, quoi d'étonnant si nous nous gâtons l'estomac et même l'appétit pour le bon festin, fortifiant et nourrissant, à quoi l'art nous convie?
Nietzsche
Voici le commentaire :
On pourrait penser que l’art se cantonne à la beauté des œuvres
d’art, mais quand est-il en réalité ?
La définition de l’art ne peut pas se limiter à quelques œuvres
d’art, ni seulement à la beauté esthétique.
Certes l’art se définit aussi comme la production d’un objet jugé
beau. Nous employons le mot « jugé », car la beauté est subjective,
elle dépend des critères de chacun, et ils sont tous différents. Je ne peux
donc pas affirmer qu’un objet est beau car JE le trouve beau, il correspond
seulement à mes critères de beauté et ne correspondra peut-être pas à ceux
de mon voisin.
Mais comme il n’est pas possible d’affirmer qu’un objet
est beau, nous pouvons alors analyser le jugement que les gens portent sur
lui. Par exemple, je passe devant une énorme maison, située en bord de mer,
dans un climat idyllique ; c’est la maison de mes rêves, je vais
alors dire : « Oh ! Que c’est beau ! » . Car
nous pensons qu’elle remplira le mieux la fonction d’habitat.
Or l’art ne doit pas faire le prix d’une beauté utile, d’après
la définition de Kant, nous pouvons dire que « la beauté doit faire l’objet
d’une satisfaction désintéressée » .
Mais on ne peut pas dire qu’il n’y a que la beauté qui règne dans
l’art, parfois on peut trouver des œuvres qui sont jugée laide,
car dans l’art ce qui compte c’est le sens implicite.
Par exemple, quand l’on regarde une oeuvre de Marcel Duchamp, qui a
exposé un urinoir sur une estrade, on se demande pourquoi il a fait ça, on
sait qu’il y a un ses caché, mais on ne sait pas quoi exactement.
D’après Kant l’art doit aussi faire l’objet d’une
finalité sans fin, c’est-à-dire qu’il y a une intention d’un
homme de faire passer un message, de créer une œuvre (« finalité »),
mais on ne peut dire précisément quel est ce but, c’est le sens implicite
(« sans fin » ).
Dans
ce texte, la thèse de Nietzsche est de nous montrer que l’art doit avant
tout « embellir la vie ». L’art d’après lui doit
aussi « dissimuler ou réinterpréter tout ce qui est laid », mais
ne serait-il pas plus facile de tout simplement montrer la vérité ?
D’ailleurs d’après Heidegger ; « L’essence de
l’art, c’est la vérité se mettant elle-même en œuvre. »
(Chemins qui ne mènent nulle part)
Et, Nietzsche dit aussi que l’art « lie ceux dont l’éducation
n’est pas faite à des lois de convenance », n’y a t il pas
au moins une chose dans l’art qui peut séparer les hommes ?
Car d’après Bergson, « L’art n’a d’autre objet que d’écarter les symboles pratiquement utiles, les généralités conventionnellement et socialement acceptées, enfin tout ce qui nous masque la réalité, pour nous mettre face à face avec la réalité même. » (Le rire)
Nous distinguons dans ce texte, trois grandes fonctions de l’art ; la première est une fonction d’éducation au niveau moral et au niveau social. La deuxième est de « dissimuler ou réinterpréter ce quAi est laid », c’est-à-dire la réalité. Et la troisième est « l’art des œuvres d’art ».
Dans le premier paragraphe, Nietzsche nous définit sa notion de l’art, « il doit avant tout embellir la vie », il doit donc être « beau » pour influencer les gens dans leur comportement par rapport aux autres, si il est « beau » les gens seront « tolérables » et « agréables » vis à vis des autres. Puis, il développe la définition de l’art, les tâches de l’art. L’art, d’après Nietzsche créait des liens entre les personnes, il arrive à rassembler les « opposés », c’est-à-dire qu’il rassemble ceux qui n’ont pas une éducation favorisée, et qui aurait pu avoir une plus grande connaissance de l’art. Il créait aussi « des formes de civilité », qu’il créait des liens entre les personnes les moins civilisées et les personnes les plus civilisées. Il y a aussi la tâche de « tenir en bride », c’est-à-dire qu’il contrôle les gens, qu’il les « modère », par rapport à leur comportement vis à vis des autres. Ici l’art à la fonction d’éduquer socialement et moralement les hommes.
Dans le second paragraphe, on découvre une autre fonction de l’art, il continue sa définition en y impliquant une opposition par rapport à la définition du dessus. I l doit « dissimuler ou réinterpréter » le réel, c’est-à-dire que soit l’on cache la laideur, qu’on l’a nie et que l’on se cache la vérité, ou soit on la traduit, pour la rendre le plus agréable possible, le plus acceptable. Il définit aussi ce qu’est pour lui la laideur ; ce sont des choses « péniblesA, épouvantables et dégoûtantes », tout ce qui est repoussant, il parle aussi des « origines de la nature humaine », il reste assez obscur sur le sujet, peut-être parce que ces origines le sont aussi, il donne en quelques sortes les raisons pour lesquelles l’ont doit « dissimuler ou réinterpréter » la laideur, il rajoute aussi « elles viendront toujours de nouveau à la surface », en fait ces choses pénibles sont indestructibles, sûrement parce qu’elles sont dues justement aux origines de la nature humaines. Et ensuite, il nous cite ce que doit cacher l’art, c’est-à-dire « les passions, les douleurs de l’âme et les craintes », tout ce qui fait souffrir l’homme, mais qui sont « inévitables » ; En effet, les passions sont incontrôlables chez les hommes, tout comme on ne pourra jamais empêcher les craintes ou les douleurs de l’âme, la vie en est faite, alors c’est là que doit intervenir l’art, et ainsi les cacher ou les traduire.
Dans
les deux derniers paragraphes, Nietzsche nous décrit « l’art des
œuvres d’art ». Il commence en quelques sortes par un renversement ;
ce que les gens pensent être le principal de l’art « véritable »,
c’est-à-dire les œuvres d’art, ne sont en fait qu’un
accessoire, qu’elles ne sont pas indispensables à l’art. Ici,
Nietzsche fait donc la différence entre l’art des œuvres d’art,
et une autre forme d’art, qui serait bien plus important, en quelques
sortes l’art essentiel, on pourrait penser à un art de vivre, qui créerait
des « formes de civilité » entre les hommes, ce qui rejoint la
définition de l’art du premier paragraphe, mais Nietzsche reste obscur
sur ce point. Puis il décrit ensuite comment les œuvres d’art naissent,
l’homme, même de tout un peuple, tellement enrichit par l’art
essentiel, retranscriraAit toute cette force accumulée, dans les œuvres
d’art, elles sont en fait la face visible de l’art, c’est
une façon de se soulager.
Ensuite,
il critique l’interprétation que l’on fait aujourd’hui des
œuvres d’art, c’est-à-dire que l’on pense que l’art
des œuvres des art est l’art « véritable », mais en fait
on se trompe, on « commence par la fin ». « On se suspend à
sa queue » ; on se raccroche seulement à l’art des œuvres
d’art, avec l’idée que les œuvres d’art sont la partie
« principale » de l’art, et que c’est à partir d’elles
que la vie doit être « embellie ». Mais on se trompe, elles ne sont
que l’aboutissement de l’art essentiel.
Il
emploie alors une métaphore pour illustrer sont idée ; si nous dévorons
trop d’œuvres d’art, avant d’avoir apprécié les effets
de l’art essentiel, nous perdrons l’art de vivre, et si l’on
suit la logique de l’auteur, à point extrême, les hommes n’arriveront
plus à produire des œuvres d’art, car elles sont le fruit de l’art
essentiel, qui est l’art de vivre.
Et, enfin l’auteur conclut ce texte avec une question « à quoi l’art nous convie ? » ; où est-ce qu’il nous mène, soit les hommes continue à mal l’interpréter, et détruisent touts les ressources de l’art, ou soit ils changent et l’art « embellira » alors la vie des hommes.
Mais
dans ce texte plusieurs choses peuvent être mise à l’épreuve.
Tout
d’abord dans ce texte Nietzsche, nous a montré que l’art doit
« embellir la vie », et « cacher ce qui est laidA »,
donc l’art doit avant tout être « beau ». Mais la beauté artistique
est-elle la seule dans l’art ?
N’avons-nous
pas des exemples de laideur artistique, traduite par certaines œuvres
d’art plutôt controversées ?
Certaines
œuvres d’art ne sont pas considérée comme belles, elles sont voir
même « laide ».
Par
exemple Le Radeau de la Méduse, peint en 1819 par Géricault. Il
nous montre bien, tout ce que l’homme déteste voir, pour survivre on
pourrait tuer père et mère, plus aucun lien ne survit en dehors de la société.
Ce tableau contre-dit Nietzsche, le fait que l’on créait des formes
de civilité, ce qu’il ne peut pas faire ici, si les œuvres d’art
retranscrivent le contraire de ce qu’il affirme. L’art ne peut
donc pas toujours « embellir » la vie , si il nous montre ce que
l’on déteste voir.
Aussi
Nietzsche nous dit que l’art doit « dissimuler ou réinterpréter tout
ce qui est laid ».
Mais
d’après Hegel, le but final de l’art est de « révéler la
vérité, de représenter d’une façon concrète et figurée ce qui s‘agite
dans l’âme humaine » (Esthétique). Ici Hegel nous montre
que l’art est la représentation de la vérité et de ce qui « s’agite
dans l’âme humaine », c’est-à-dire de retranscrire tout ce
que Nietzsche voulait cacher, les passions, les douleurs de l’âme et
les craintes.
Bergson
peut aussi s’opposer à Nietzsche. D’après lui « l’art
n’est sûrement qu’une vision plusA directe de la réalité »,
en fait pour lui « l’art n’a d’autre objet que d’écarter
les symboles pratiquement utiles, les généralités conventionnellement et socialement
acceptées, enfin tout ce qui nous masque la réalité, pour nous mettre face
à face avec la réalité même. » (Le rire).
Bergson
est opposé à Nietzsche, il nous montre que l’art écarte les symboles,
les conventions, les liens sociaux ; tout le contraire de Nietzsche qui
dit que l’art « crée des formes de civilités », Bergson rejoint
aussi Hegel quand il dit que « l’art est une vision plus directe
de la réalité ».
Dans ce texte Nietzsche nous montre que l’art « embellir la vie », et qu’il cumule une fonction d’éducation morale et sociale. Et l’une des ces tâches est de « dissimuler ou réinterpréter » le réel, la laideur humaine, tout ce qui fait souffrir l’âme. Puis il fait ensuite, la différence entre l’art des œuvres d’art et une forme d’art que l’on peut interpréter comme l’art de vivre, le plus important dans l’art, donc l’art essentiel.
Mais on a vu aussi que d’autres philosophes, comme Bergson et Hegel mettent en avant la vérité, qui serait le but final de l’art. Et d’après Bergson, l’art écarterait les symboles, en fait tout ce qui lie les hommes, tout ce que mettait en avant Nietzsche. On a vu aussi qu’il existait une laideur artistique retranscrit par quelques œuvres d’art, tel Le radeau de la méduse, de Géricault, qui nous montre que l’art peut ne pas « embellir » la vie, en nous montrant ce que l’on ne veut pas voir.
Merci à P.G. pour ce corrigé.