Peut-on dire que toutes les opinions se valent ?

 

Remarque : les titres donnés ici sont seulement indicatifs, et ne doivent en aucun cas figurer sur la copie.

Introduction


On a coutume de définir l'opinion comme une croyance peu fiable, incertaine, variable selon les individus, les classes sociales et les cultures. D'emblée, l'opinion paraît ainsi s'opposer à la vérité qui, elle, est certaine et indubitable. Quelle peut être alors la valeur des opinions ? Quel crédit leur accorder ? Si les opinions sont par définition douteuses, aucune ne peut être digne de confiance. Elles se valent toutes, elles sont toutes équivalentes parce qu'elles sont toutes incertaines.
Affirmer que toutes les opinions se valent, c'est donc dire qu'aucune n'est préférable à une autre. Pourtant, nous sommes constamment forcés de faire des choix, politiques ou moraux. Et faire un choix, c'est privilégier une opinion au détriment des autres, c'est accorder à l'opinion que nous avons choisi plus de valeur qu'à celles que nous avons exclues. L'action suppose que toutes les opinions n'aient pas à nos yeux la même valeur: pour agir, il paraît impossible d'affirmer que toutes les opinions sont équivalentes.
Peut-on donc réellement affirmer que toutes les opinions se valent, malgré la nécessité de faire des choix ? Nous tenterons de répondre à cette question et au problème qu'elle soulève dans un développement argumenté.

I. L'équivalence des opinions

A. La diversité des opinions
Lorsque l'on examine les opinions, un premier constat s'impose : elles sont diverses, variables et opposées. Deux civilisations distinctes peuvent avoir sur une même question des opinions différentes, voire contradictoires. Pascal, dans les Pensées, soulignait ce fait lorsqu'il affirmait : " Vérité au delà des Pyrénées, erreur en deçà ", montrant ainsi que les opinions ne sont pas des vérités universellement partagées mais de simples croyances. Par conséquent, les opinions se caractérisent par leur incertitude : comment leur accorder alors de la valeur, si elles sont incertaines et susceptibles de varier ? Il vaut mieux ne se fier uniquement à la vérité et se méfier de toutes les opinions.
B. Caractère douteux des opinions
Cette démarche rejoint celle des sceptiques grecs, qui dans leur volonté d'établir une vérité ferme et indubitable, éprouvaient la valeur de chaque opinion en la confrontant à son opinion opposée, .Mais le scepticisme antique n'aboutit qu'à une seule conclusion: aucune opinion n'a de valeur, car toutes sont douteuses. La seule attitude logique et rationnelle face aux opinions et à leur éternel conflit consiste à suspendre son jugement, autrement dit à ne pas se décider en faveur de l'une ou de l'autre. La raison semble donc nous conseiller de n'accorder aucune valeur à ces croyances.
C. Caractère dangereux destinions
Un autre argument nous incite à nous méfier des opinions et à ne leur accorder aucun crédit : leur caractère irrationnel. Si la présence des opinions témoigne d'une faculté de penser propre à l'homme, l'origine des opinions ne semble pas résider dans la raison mais plutôt dans les passions, les sentiments. Platon montre qu'un rhétoricien comme Gorgias se dit capable de modifier les opinions des individus grâce à la puissance de son langage. Dès lors, l'opinion peut devenir un instrument de domination dangereux si nous renonçons à notre conscience critique qui s'exerce dans le scepticisme, et remet en question la valeur de toute opinion.

Il semble désormais que toutes les opinions sont équivalentes, dans la mesure où elles sont toutes douteuses. Néanmoins, nous allons voir que l'attitude sceptique menée jusque dans ses dernières conséquences conduit à ne plus avoir de croyance du tout : elle interdit par conséquent d'agir et de choisir. Ne faut-il pas alors, d'un point de vue pragmatique, accorder plus de valeur à certaines opinions qu'à d'autres ?

II. L'action imolique que toutes les opinions n'aient pas la même valeur

A) Impossibilité du scepticisme absolu
Bien que l'attitude des sceptiques semble en apparence justifiée, elle ne laisse pas de poser un grave problème. En effet, si nous n'accordons aucune confiance aux opinions, si elles sont toutes équivalentes et si aucune n'a de valeur, comment devient-il possible d'agir? Les sceptiques, dans leur méfiance absolue vis-à-vis des opinions, les remettaient toutes en question et considéraient qu'il ne fallait accorder leur confiance à aucune. Ils étaient par conséquent conduits à nier l'existence du monde extérieur, à nier les croyances les plus évidentes et les plus admises par l'ensemble de l'humanité : la nécessité de manger pour survivre, la nécessité de dormir ou de se vêtir, etc.
Par conséquent, comme le montre le philosophe écossais Hume dans son Traité de la nature humaine (XVIIIème siècle) le scepticisme est impossible d'un point de vue pratique, car il empêche toute action. Un scepticisme conséquent conduirait à l'extinction de l'espèce humaine: il interdirait de s'alimenter, de dormir, et donc de survivre. Or, comme le dit Hume, " la nature est trop puissante pour les principes ". Autrement dit, on peut être sceptique en parole, mais on ne peut l'être en acte : nos besoins naturels et innés nous poussent à agir. Il faut accorder de la valeur à un minimum d'opinions, ne serait-ce que pour continuer à agir, à vivre et à faire des choix.
B) Des sceptiques aux sophistes
C'est ce que montraient les sophistes, cette école philosophique de l'antiquité grecque contemporaine de Platon : chacun est forcé d'avoir des croyances, autrement dit d'accorder de la valeur à ses propres opinions pour pouvoir faire des choix et s'orienter dans l'existence quotidienne. C'est pourquoi ils affirmaient que toutes les opinions se valent, car elles ont toutes un aspect valable. D'après eux, les opinions sont relatives aux individus, aux peuples et aux civilisations car chacun trouve un avantage dans les opinions qu'il a adopté et qu'il préfère cette doctrine démocratique porte ainsi le nom de relativisme. Il est donc naturel que chacun, d'un point de vue subjectif et personnel, accorde plus de valeur à certaines opinions : les siennes propres.

A ce point du raisonnement, plusieurs problèmes se posent néanmoins : il est certain que chaque individu accorde plus de valeur à ses propres opinions qu'à celles qu'il rejette. Mais en disant que toutes les opinions se valent parce qu'elles sont valables, les sophistes ne se mettent-ils pas en contradiction avec euxmêmes ? N'admettent-ils pas qu'il faut préférer leur doctrine plutôt qu'une doctrine différente ? Qui plus est, dire que toutes les opinions se valent, n'est-ce pas interdire toute morale ?

III Toutes les opinions n'ont pas la même valeur

A) L'équivalence des opinions implique la négation de la morale
En fait, ce que nous avons dit concerne les choix personnels des individus : c'est jusqu'à présent d'un point de vue subjectif qu'il est impossible d'affirmer que toutes les opinions se valent. Peut dépasser le point de vue personnel, et affirmer que toutes les opinions n'ont pas la même valeur d'un point de vue objectif? Peut-on dire qu'il y a des valeurs universelles indépendantes des préférences des individus ? Il est certain en tous cas que si toutes les opinions se valent, il est impossible d'établir des règles de morales qui soient valables universellement. En suivant les conséquences de la doctrine des sophistes, nous serions en effet conduits à accepter toutes les opinions, mêmes celles qui impliquent le mépris de la personne humaine (comme le racisme ou l'esclavage). Dès lors, une des conditions pour établir une morale universelle - définie par exemple dans la Déclaration des droits de l'homme - est que toutes les opinions ne se valent pas : il faut établir une hiérarchie entre les opinions car certaines doivent être rejetées et d'autres doivent être acceptées.
B) Une opinion peut devenir vérité lorsqu'elle est prouvée
D'autre part, nous avons que les opinions ne sont pas nécessairement fausses : elles sont plutôt incertaines, et c'est pourquoi nous ne leur accordions au début aucune valeur. Mais la science permet de montrer quelles sont les opinions fausses et les opinions vraies, car elle repose avant tout sur des faits, des observations qui corroborent les théories scientifiques. Ainsi, Galilée a pu prouver grâce à ses observations ( et contre l'opinion des religieux) qu'il était exact de dire que la terre tourne autour du soleil, et non l'inverse. De même, Darwin a montré au XIXème siècle que les espèces animales ne sont pas apparues d'un seul coup, mais qu'elles sont le résultat s'une évolution. Sa théorie allait à l'encontre des croyances religieuses, mais elle avait pour elle les preuves sur lesquelles elle se fondait - notamment l'observation des fossiles et des couches géologiques. La science, dans la mesure de ses moyens, permet donc de définir la vérité et la fausseté des opinions, et par conséquent de déterminer leur valeur. Elle donne un critère montrant à quelles opinions il faut se fier.
C) Solution du problème
On voit par là que ce n'est pas une opinion gui peut donner de la valeur aux opinions. L'opinion reste bien une croyance incertaine ; mais la morale et la science permettent justement de déterminer la valeur des opinions (valeur de justice ou de vérité) parce qu'elles ne sont pas des opinions : elles sont des certitudes. Pour qu'une opinion ait de la valeur, il faut donc qu'elle soit fondée sur autre chose qu'une opinion, qu'elle dépasse l'opinion en direction de la vérité.

Conclusion


Au terme de ce raisonnement, nous pouvons donc affirmer que l'opinion seule reste incertaine, variable et changeante, lorsqu'elle ne se fonde pas sur des valeurs universelles définies par la morale ou sur les données de la science. Mais dès lors, elle cesse d'être une opinion: elle devient une certitude et l'opinion est dépassée. Et dépasser les opinions, n'est-ce pas le travail de la philosophie ?

Merci à Ouaibcool@aol.com pour ce corrigé. N'hésitez pas à lui écrire pour toute suggestion.